Kôdô, l’art japonais d’apprécier les parfums
- Amélie Marie
- 19 août 2014
- Japon
L’évocation du pays du soleil levant ne se fait plus sans penser à l’art des fleurs appelé Ikebana (生け花 ou 華道) ou encore à la cérémonie du thé (茶道). Le kôdô (香道, la voie de l’encens) est l’art d’apprécier les parfums à travers un rituel structuré durant lequel les participants écoutent les fragrances du bois d’encens.
Kôdô : Écouter les fragrances du bois d’encens
Le kôdô fait partie des geido (arts raffinés) et ses racines remontent à une ancienne légende relatant l’apparition du bois d’aloe (ou bois d’agar) sur une plage d’Awaji. Awaji se trouve dans la préfecture de Hyogo, non loin de la baie d’Osaka. D’après la légende, le bois d’aloe ainsi échoué aurait attiré par son odeur les habitants qui en auraient fait l’offrande au seigneur local après l’avoir brûlé.
Si l’on s’en tient aux livres d’Histoire, ce bois serait plutôt arrivé au Japon par cargaison, au VIe siècle, durant l’ère Asuka, comme matériau de construction pour un temple bouddhiste. Les bois parfumés n’existaient alors pas au Japon et étaient principalement importés d’Inde.
L’encens est d’abord un symbole de cérémonie religieuse, mais les aristocrates japonais se piquent d’en faire un jeu raffiné de parfums. L’aristocratie organisait des réceptions mondaines autour de compétitions d’odorat dont vous pouvez retrouver les croustillantes descriptions dans Le Dit Du Genji de Murusaki Shikibu.
Les deux écoles principales du kôdô
Comme pour le sadô (“la voie du thé”) ou encore la natation martiale, l’art de l’encens est disputé par différentes écoles. Aujourd’hui, il existe deux écoles principales.
École Oie-ryu
Cette école, fondée par Sanetaka Sanjonishi, a développé les codes poétiques de cette cérémonie, qui se vit comme une véritable expérience littéraire. Elle perpétue l’art des parfums comme une forme de jeu transmise par la noblesse japonaise raffinée et éduquée aux autres classes sociales durant la période de Heian.
École Shino-ryu
Cette deuxième école attache une grande importance au rituel. Plus qu’un jeu, sa pratique insiste sur la formalité du cadre et sur le respect des règles de la cérémonie. Elle fut plutôt adoptée par les samouraïs et les marchands, deux classes sociales qui imitaient la noblesse pour s’élever socialement.
Quelque soit l’école choisie, la cérémonie consiste, pour faire simple, à sentir tour à tour de l’encens, à dire ce que l’odeur vous évoque et enfin, à deviner quel bois est utilisé. Les structures de cette cérémonie traditionnelle remontent aux règles de l’époque Muromachi, au XVème siècle. L’une des variation de ce jeu, genkijo, consiste par exemple à faire sentir 5 préparations : il faut deviner si elles contiennent ou non le même mélange d’encens.
La cérémonie débute par l’écoute de l’encens (Monkou, 聞香), puis la préparation de l’encens (kikigouro, 聞き香炉) et se déroule de manière relativement complexe. Les règles sont très bien évoquées ici.
Pour pratiquer le Kôdô il faut… du temps… et de l’argent !
Comme l’ikebana et le sadô, le kôdô reste pratiqué au Japon, bien que cet art fasse moins d’émules. Et pour cause, la maîtrise de la cérémonie requiert au bas mot 30 ans de pratique. En comparaison, il ne vous faut que 15 petites années pour devenir un maître du thé.
C’est aussi un art relativement élitiste si l’on considère l’investissement financier que sa pratique implique. Le bois d’encens s’achète au poids (au gramme) et coûte très cher. Les prix commencent à 145 euros pour monter jusqu’au prix de l’or pour certains bois précieux, rares ou rattachés à une légende.
Car au delà de la qualité, les japonais accordent une très forte valeur aux origines de leurs encens. On peut au moins se rassurer : malgré une utilisation unique, les restes peuvent être conservés pour plusieurs centaines d’années.
Vocabulaire japonais
Japonais | Romaji | Français |
生け花 ou 華道 | ikebana ou kadou | Art de la composition florale, la voie des fleurs |
茶道 | sadou | Cérémonie du thé |
香道 | koudou | Art des parfums, la voie de l’encens |
芸道 | geidou | Arts raffinés japonais |
chris
Oh cela m’a rappelé un événement ancien : j’ai pu participer à un cours par un maître d’encens (dans le cadre de l’atelier de haïku en japonais que je suivais à la MJCP avec la poétesse Madoka Mayuzumi. Cette dernière avait invité un maître venu nous présenter le jeu de l’encens).
Le maître a ensuite calligraphié le nom des participants selon leur succès au jeu… J’étais « niji » (pour avoir tout deviné. 🙂
ameliemarieintokyo
Merci de ce commentaire et quelle chance d’avoir vécu cette initiation. J’aimerai beaucoup avoir l’occasion de participer à un tel cours.
liochandayo
Waa, ça a l’air hyper intéressant !
Bon, moi, mon odorat est tout naze, donc, j’arriverais à rien, mais ça me plairait d’assister à ça un jour !
Amélie-Marie
Mon odorat est lamentable x). Alors je suis certaine que cela m’échapperait malheureusement. Mais je suis curieuse ! Si je trouve des démonstrations (pas trop chères x)) sur Tokyo je t’en toucherai un mot !
liochandayo
Ah, cool, merci !