Vivre au Japon et faire face aux tremblements de terre
- Amélie Marie
- 5 mai 2014
- Vie quotidienne
Les tremblements de terre font partie du quotidien au Japon. Un quotidien avec lequel il faut faire la paix lorsque l’on s’y expatrie, car nous ne pouvons vivre dans l’angoisse permanente.
– Hmm… Il semble qu’un tremblement de terre devrait arriver…
– Hein ? A-t-on reçu une alerte ?
– Non, mais peut être.
Mon mari m’annonce cela un soir, sans que je ne me mette particulièrement à paniquer. Le Japon se trouve malheureusement pile dans une zone sismique très dangereuse. Mais j’ai vite appris à vivre avec les petites secousses du quotidien.
Mais à la moindre secousse, l’angoisse des tremblements de terre est palpable.
Lorsqu’à 5 heures 18 ce matin, un grondement sourd me tira du sommeil, j’eue une montée d’adrénaline comme je ne l’avais encore jamais ressenti. Les murs vibraient, notre calendrier accroché au mur se cognait contre son support, les tringles des rideaux s’entrechoquaient et la vaisselle dans le placard tintait. J’avais la sensation que ça n’allait jamais s’arrêter.
Honnêtement, les tremblements de terre sont pire la nuit. Ils vous tirent du sommeil de manière brutale.
Le temps de reprendre mes esprits, je réalisais que la terre tremblait toujours. J’ai alors réveillé mon mari, peu perturbé, lui. Les secousses étaient longues, Fukushima clignotait en néon dans mon esprit.
Il s’est relevé, assis sur le lit, mais déjà, l’apaisement se profilait. Notre logement n’était plus secoué que par de petites secousses de plus en plus légères. Il est 5 heures 20. L’épicentre du séisme, situé sur l’île Izu Oshima, était au sud de Tokyo (hypocentre à 160 kilomètres de profondeur).
– Tu vois, je te l’avais dit.
Le manque de préparation aux tremblements de terre est un risque pour les étrangers.
Alors que je voyageais à Tokyo en 2007 pour la première fois, j’ai vécu un tout premier tremblement de terre, très tôt un matin. Ce n’est que quelques minutes après les dernières secousses que je compris ce que je venais de vivre. Or ce laps de temps entre l’évènement et la compréhension est bien trop long dans le cas de tremblements de terre très sérieux.
Mon mari japonais, lui, est fourni avec « un détecteur interne ». Il est capable d’évaluer la secousse et de jauger si c’est suffisamment sérieux pour ouvrir la porte du balcon – où sont placées les échelles d’évacuation, ou se mettre à l’abri. Il se réveille d’ailleurs rarement en cas de séisme nocturne. C’est normal. Les japonais grandissent avec ce danger, subissent des entraînements mensuels durant l’enfance. C’est une donnée de leur existence.
Cependant pour les habitants de pays faiblement sismiques, c’est une autre histoire ! Ainsi, le conseil le plus utile à transmettre aux étrangers en visite (ou résidant) en cas de tremblement de terre, est d’observer le comportement des japonais autour. S’ils vaquent à leurs occupations sans montrer plus d’attention, il est probable que les secousses soient mineures et que vous n’ayez pas à être effrayé.e. En revanche, si vous les voyez courir vers les zones refuges, se mettre sous les tables ou entre deux portes, vous pouvez paniquer – un peu, et suivre leur exemple immédiatement.
L’inquiétude monte avec l’intensité mais aussi avec la durée des secousses.
Je retiens mon souffle, et sur le qui-vive, je ne pense plus à autre chose pendant ces 15, 20 ou 30 secondes qui s’écoulent. Le temps est comme suspendu et j’attends. Est-ce que celui-ci sera le bon ? Le premier à me faire revoir mon amour de l’archipel ? À me faire renoncer à accepter ce risque quotidien ?
La plupart du temps, un séisme dure de 10 à 20 secondes, mais plus celui-ci est profond plus la durée s’allonge, jusqu’à plusieurs minutes. Soit une éternité lorsqu’on le subit !
En France, on mentionne la magnitude, mesure de la quantité d’énergie libérée au foyer du séisme avec l’échelle de Richter tandis qu’au Japon, on se réfère à l’échelle de Shindo. Celle-ci prend a mesure de l’intensité à la surface, permettant pour un même séisme, d’avoir des intensités différentes selon la localisation. Elle part de 0 et grimpe jusqu’à 7, le degré le plus fort et le plus dévastateur.
Celui d’aujourd’hui se situait entre 4 et 5. C’est à dire le degré à partir duquel :
- Beaucoup de gens sont effrayés. Certains essaient d’échapper au danger. La plupart des personnes qui dorment se réveillent. (4)
- La plupart des gens essaient d’échapper au danger, certains trouvant qu’il est difficile de bouger. (5)
Je n’ai jamais expérimenté de tremblement de terre dévastateur, et je touche du bois. De modéré à sévère, les chutes d’objets, de pierre, les vitres brisées et l’effondrement des vieux bâtiments sont les risques majeurs. Mais lorsque la terre s’arrête de trembler, le danger perdure. Incendies, explosions de gaz, coupures des arrivées d’eau et instabilité des bâtiments sont souvent des causes plus dévastatrices que le séisme en soi.
Un séisme d’intensité 7, selon l’échelle japonaise, est d’une telle violence que les personnes ne peuvent fuir et sont projetées au sol.
Dans le Japon de l’après Fukushima, les séismes ne sont plus pareils …
Alors que les désastreuses conséquences du séisme de 2011 et du tsunami qui frappa les côtes du Tohoku continuent d’inquiéter le monde, la population de Fukushima vit encore dans des conditions épouvantables sans émouvoir le gouvernement japonais et TEPCO.
L’occurrence d’un tremblement de terre amène désormais, en plus du risque de destruction et de tsunami, celui de la catastrophe nucléaire et du déplacement dramatique des populations. Si le tsunami est à l’origine de la catastrophe vécue à la centrale, plus un tremblement de terre ne passe, sans que Fukushima ne revienne en mémoire.
Vivre avec des séismes fréquents, c’est ne pas oublier de se préparer au pire.
La ville de Tokyo a développé un site de prévention en japonais / anglais / français, fournissant ainsi des PDF et de la documentation dans plusieurs langues, afin d’informer les habitants étrangers et les touristes. Les nouveaux venus reçoivent par la poste un guide complet sur les procédures d’urgence. Il peut aussi se télécharger en ligne ici.
Le site fournit de très bons services, que cela soit un forum, ou encore du japonais de survie avec des phrases utiles, une explication du système d’alerte, et même un jeu éducatif appelé The Big One, appellation donnée aux tremblements de terre dévastateurs qui devraient survenir au Japon, mais aussi sur la côte Ouest des États Unis ou encore Istanbul. Ce jeu permet d’apprendre les gestes qui sauvent par la mise en situation.
Les bons reflexes à avoir
Avoir une app et préparer son kit de secours
Lorsque l’on achète un iPhone au Japon, l’iOS fournit en partenariat avec l’agence météorologique japonaise, un système d’alerte pour les tremblements de terre et les tsunamis.
Si vous n’avez pas un téléphone de la marque à la pomme ou un modèle nippon, vous pouvez vous reporter aux applications existantes : Earthquake alert (Android), Quakefeed et Yurekuru (Apple). Yurekuru est définitivement bien adapté pour l’archipel nippon.
Chez vous, il est fortement recommandé de préparer à l’avance un sac de survie assez complet, auquel s’ajoute un plan de votre quartier, la copie de vos papiers les plus importants (passeport, carte de résidence…), des pièces pour les distributeurs et les cabines téléphoniques.
- Kit de premiers secours
- Lampe, radio, sifflet
- Couverture de survie
- Gants de protection, Casque et corde
- Couteau multifonctions
- Rations alimentaires (3 jours)
- Eau potable (3 jours, n’oubliez pas de faire des stocks chez vous)
- Briquet, allumettes, bougies
- Trousse de toilette et lingettes
- Vêtements de rechange, K-way
- Diffuseurs de chaleur
- Pièces de 10 et 100 yens pour le téléphone
- Papier et crayons
- Papier et serviettes hygiéniques
- Piles de rechange (lampe, radio)
- Paire de lunettes de rechange
Il est possible de trouver des sacs quasiment complets sur Amazon ou Rakuten pour les pragmatiques un peu flemmards, ou de le faire soi-même.
Bien se renseigner et se préparer
Le site de l’ambassade américaine est très complet, et fournit beaucoup de renseignements tandis que l’ambassade de France peut (largement) mieux faire en la matière.
Dans le quartier Ikebukuro (Tokyo), il existe aussi un centre d’entrainement aux tremblements de terre, avec un simulateur et divers entrainements pouvant sauver des vies. L’entrée est bien entendu gratuite. Vous pouvez lire un témoignage anglophone ici.
L’évaluation du risque que l’on accepte de prendre dépend de chacun. Pour certains, vivre au Japon tient de la folie, tandis que d’autres acceptent, tout simplement parce que vivre, c’est prendre des risques, et que les japonais n’ont pas décampé de l’archipel au premier séisme.
enroutepourtokyo
J’arrive sur ton article après avoir tapé la recherche suivante sur Google : « comment gérer le stress des séismes expatriation Japon ? » Je crois que tout est dit, non ?^^
Je pars dans un mois avec mon mari et mes filles, et si le risque m’a à peine effleurée quand j’y suis allée en couple en éclairage en juillet, là je flippe bien plus, car j’y emmène mes enfants. Je n’avais pas pris conscience de la gravité du risque (je veux dire prendre *vraiment* conscience du danger) avant que le départ ne soit officialisé… Pour être honnête, on a décidé de partir à peu près au même moment que les attentats du Bataclan : on peut se faire descendre dans la rue à quelques rues de chez nous, alors bon, la vie est fragile, mais elle l’est partout ! Je ne sais pas comment je vais vivre la chose là-bas. J’espère ne pas trembler pour mes filles pendant deux ans…
mellelachieuse
Ah ben c’est ce séisme là que j’ai vécu en tant que touriste ! 🙂
Laurent
Je reviens du Japon et j’ai été réveillé la nuit par mon téléphone qui m’a affiché une alerte au tremblement de terre. Le système ETWS (Early Tsunami Warning System) commence à être généralisé y compris sur les téléphones vendus en France (dernières version de Android) pas besoin d’application spécifique ni de 3G. Mais c’est vrai que sur le coup à 03h00 du matin ça surprend 🙂
Grand mère arbre
Je n’ai jamais vécu de tremblements de terre mais cette idée me fait trembler. Pourtant j’aimerais savoir ce que ça fait comme sensation. C’est quand même la terre qui se déchaine et on ne peut rien y faire, bon sang. Quand je pense que les japonais ont ça si souvent… (ps: j’ai donc vu que tu étais aussi artie en ousbékistant, j’ai juste super hate de découvrir ça !)
Amélie-Marie
C’est un drôle de phénomène le tremblement de terre. Personnellement, ça me rappelle qu’on est vraiment tout petit, et que notre lieu de vie n’est pas acquis. Ça me rend pas croyante en quoi que ce soit du tout, par contre, en vivre un agité comme celui-ci, ça m’a replacé dans l’univers. J’ai déjà quelques articles d’écrit sur le sujet. D’autres sont à venir, mais il me faut trouver le temps ! 🙂
liochandayo
Ah, les séismes…
Par curiosité scientifique, j’aimerais en vivre un, ce ne laisse pas de surprendre mes amis japonais.
Ce à quoi je réponds « oui, mais un tout petit ».
On peut choisir ?
En tout cas, merci pour cet article ; je penserai à préparer un grab bag… De toute façon, c’est à peu près le même que pour une invasion de zombies, donc, ce ne sera jamais perdu 😉
Amélie-Marie
J’étais très curieuse, et je le suis toujours. Un peu comme avec pas mal de phénomènes naturels (tornade, volcan…). Pourtant je réalise bien que ce n’est pas sans danger. Si tu veux en vivre un assez fort sans le risque, le centre d’ikebukuro est pour toi! Et on le sent beaucoup plus sur le sol, dans les étages supérieurs Ah ça c’est sur x)… De plus, avoir une copie de ses papiers c’est toujours utile ! Le notre est encore incomplet, honte à nous!
Moi
Salut. C’est MOI, encore. Ca faisait longtemps que j’avais pas commenté ici. Quand j’ai vu ce matin pour le earthquarke, j’ai beaucoup pensé à toi, j’ai failli t’envoyer un mail et je me suis dis : tiens, son blog ? Et paf, j’avais raison ! C’est que je commence à te connaitre.
Bon, ton article a un peu fait paniquer la flippée qui vit en moi (RENTRE A LA MAISON TOUT DE SUITE !) mais pour une nana qui voudrait vivre à Istanbul, où les normes anti-sismiques doivent être presque aussi bien respectées que le Code de la route, j’ai envie de dire que…
Voilà quoi.
Love mon chou.
Amélie-Marie
Oui en effet, lorsque l’on pense à Istanbul et à la terre qui tremble, il y a de quoi s’inquiéter :D.
Célestine Causette
Si, c’est la Yurekuru dont tu parles. Par contre, on l’a réglée pour n’être prévenus que des tremblements de terre supérieurs à 3, parce que se faire réveiller par une alarme en pleine nuit pour un séisme 2, c’est beaucoup de stress pour rien 😀
Amélie-Marie
J’imagine ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais elle ne s’est pas déclenchée cette nuit. J’aurai bien aimé avec le recul x).
Célestine Causette
Sûrement ta connexion internet qui s’est perdue au moment fatidique. Pas cool…
Célestine Causette
On a installé une application gratuite et ça fonctionne super bien! On a été avertis avant le séisme. (bon, du coup, c’est un peu stressant de savoir que ça va arriver…)
Amélie-Marie
Ça m’intéresse de savoir le nom, si ce n’est pas une des applications que je mentionne ! 🙂
Célestine Causette
Pffiouu, le tremblement de terre de ce matin était impressionnant! Je n’avais jamais ressenti ça, une première en ce qui me concerne.
Et c’était plutôt angoissant, de ne pas savoir à quel point c’est grave, s’il faut s’alarmer ou pas?! Du haut de mon 9ème étage, j’ai aussi eu une bonne poussée d’adrénaline 😉
Amélie-Marie
C’était une première pour moi aussi, les précédents ayant toujours été des séismes mineurs. J’imagine bien ! Je n’étais qu’au 4ème, alors 9ème ! Question gravité, depuis, j’ai toutes les applications qu’il me faut sur mon portable. Je regrette juste que l’option iOS nécessite d’acheter son téléphone au Japon !
marielnz
je suis d’accord avec toi, la nuit c’est pire qu’en journée. c’etait mon angoisse en NZ. Il m’arrivait de rever que la terre tremblait, que mon lit se deplaçait dans la piece et je me reveillais avec la certitude que c’etait arrivé. Je verifiais sur internet pour decouvrir que ce n’etait que mon imagination.
Par contre, pendant les 6 premiers mois en NZ on a eu regulierement des aftershocks, du coup, on s’etait habitués, on etait capable d’estimer la force de la secousse, comme des locaux 🙂
Bon courage pour les afterschocks.