moshi moshi

Moshi moshi ? L’angoisse de répondre au téléphone en japonais

« – Moshi moshi ? »

La première fois que j’ai mis les pieds au pays du soleil levant, j’avais 19 ans. À part les quelques mots de japonais glanés dans mon guide de voyage, j’étais totalement démunie face à la moindre difficulté. Honnêtement, en y repensant, voyager au Japon sans capter un mot de japonais c’était très difficile.

Inquiète de me voir partir si loin, ma mère m’avait confié un petit bout de papier avec griffonné le numéro de téléphone de Daisuke. Un ancien étudiant à elle. Téléphoner en français me collait la boule au ventre, alors appeler un japonais me semblait le bout du monde.

C’est tremblante que je suis entrée dans une cabine téléphonique de Shibuya, le bout de papier dans la main gauche. Après avoir inséré ma petite monnaie dans l’appareil, je composais avec lenteur le numéro de téléphone.

« – Moshi moshi ? »

Une jeune femme était au bout du fil, à l’humeur plutôt mauvaise. Je tentais de me dépêtrer de la situation en demandant de « parler à Daisuke », « de la part d’Amélie ». Le son n’était pas très bon et la jeune femme n’eut de cesse de répéter, de plus en plus énervée, « moshi moshi ?! MOSHI MOSHI ?! ». Bravement… J’ai raccroché.

Neuf ans plus tard, baragouinant le japonais du mieux que je peux, je redoute toujours autant le téléphone. Ce n’est sans doute pas sans raison que l’on explique l’importance du langage corporel dans la communication. Si je n’ai pas un visage sur lequel me concentrer, je me sens perdue. Au téléphone, seule la voix et notre attention nous permettent de suivre le fil de la conversation. Alors, comment répondre au téléphone en japonais ?

moshi moshi

Totalement véridique.

« Allô ? Moshi moshi « 

Vous l’avez compris, moshi moshi est l’expression phare lorsque l’on décroche le combiné. Néanmoins il m’aura fallu des années avant d’apprendre que « moshi » vient du verbe de politesse « mousu » pour « dire ». En effet, l’histoire de ce mot remonte à l’introduction du téléphone au Japon à la fin du XIXè siècle. Lorsque les opérateurs transmettaient une communication, ils utilisaient principalement la version conjuguée « moushiagemasu » qui, vous en conviendrez, était très longue. Finalement, avec le temps et l’évolution de la langue, cette forme fut raccourcie à « mosu mosu » puis moshi moshi. Traduite littéralement, l’expression signifie « je parle, je parle ».

En revanche, ce que je ne savais pas et que j’ai pu apprendre au détour d’une conversation avec ma collègue, est que moshi moshi tient du registre familier. Ainsi, on ne répond qu’aux appels de ses amis, de sa famille – éventuellement un appel inconnu, avec cette expression. Aujourd’hui, heureusement, nous savons la plupart du temps quel numéro essaye de nous joindre.

Bien que l’on sache qui nous appelle – et vice versa, moshi moshi est suivi de « hai, (prénom / nom) desu ». Oui, je suis Amelie.

– もしもし、はいアメリです。
– Moshi moshi, hai Ameri (Amelie) desu.

Si je reçois un coup de fil d’un ami, de ma belle-famille ou même de la part d’un livreur, je ne suis pas terrorisée. En effet, je sais que tant bien que mal j’arriverai à comprendre et à me faire comprendre. Néanmoins face à l’inconnu je suis en panique. Alors, comment je m’en sors ? Au cas par cas !

#1 L’interlocuteur parle trop vite: un gros soucis avec les japonais !

すみません、もっとゆっくり話して下さい。
Sumimasen, motto yukkuri hanashite kudasai.
Excusez-moi, est-ce que vous pourriez parler plus lentement ?
(SVP tu vas trop vite mec, ralentis la musique)

#2 Vous n’avez pas compris quel était le sujet: encore un coup du keigo ça !

すみません、もう一度お願いします。
Sumimasen, mou ichido onegaiishimasu.
Excusez-moi, est-ce que vous pourriez répéter ?
(SVP, sujet verbe complément et un sujet à la fois !)

#3 Vous êtes dans le désert de l’incompréhension: courage, ne raccrochez-pas !

すみません、(全然)分かりません。
Sumimasen, zenzen wakarimasen.
Excusez moi, je ne comprends pas (rien).
(AU SECOURS !!!!!)

« Allô ? Hai ! »

Dans le cas où vous recevez un appel sérieux (professionnel en particulier), il faut laisser le moshi moshi au placard et utiliser « hai » (prononcez avec le h expiré et « aïe »). Normalement, « hai » signifie oui et similaire au français, on l’emploie aussi pour répondre au téléphone, tel « allô ». Par la suite, vous avez le choix entre être poli ou sortir les grands canons du registre soutenu en japonais.

ーはい、アメリです。(poli)
– Allô / Oui, c’est Amélie.

ーはい、アメリでございます。(soutenu)
– Allô / Oui, c’est Amélie.

Au boulot, pas question de répondre avec mon nom. Je représente mon entreprise :

ー はい、ジープラスメディアです。(poli)
– Allô / oui, ici GPlusMedia.

Si je devais donner mon nom, cela serait dans cet ordre :

ー はい、ジープラスメディアのアメリです。(poli)
– Allô / oui, c’est Amélie, de GPlusMedia.

Les expatriés vous le diront selon leur contexte de travail baragouiner le japonais peut être amplement suffisant. Moi-même, passées les salutations et phrases d’usage, je suis régulièrement perdue par le niveau très soutenu de mes interlocuteurs japonais. Mais mes collègues ne s’en offusquent pas (c’est même plutôt drôle à voir parait-il). Combien de fois ai-je débarquée auprès de mes collègues avec le combiné en main: « au secours, aidez-moi ! ».

Tout d’abord, la version soutenue retiendra la forme « de gozaimasu » plutôt que « desu ».

ー はい、ジープラスメディアでございます。(soutenu)
-Allô / oui, ici GPlusMedia.

ー はい、ジープラスメディアのアメリでございます。(soutenu)
– Allô / oui, c’est Amélie, de GPlusMedia.

Ensuite, la vitesse est le mot clef dans les bureaux japonais et l’on se doit de répondre dès la première sonnerie, au plus tard avant la 3ème. Sinon, vous avez à vous excuser d’être aussi lent.

ー お待たせしました、ジープラスメディアでございます。
– Nous nous excusons pour l’attente, ici GPlusMedia.

« Allô, merci pour votre soutien / de travailler avec nous ».

Ah ah, nous voilà finalement au coeur de la culture nipponne avec cette phrase clef (j’insiste, je souligne, en gros, en italique et en rouge) lorsque l’on travaille avec des japonais: « o sewa ni natte orimasu ». L’expression peut être dite dès que l’on décroche le combiné ou après avoir pris connaissance de l’identité de l’appelant. Très souvent dans le second cas, s’ajoute alors « itsumo » signifiant « toujours », « continuellement ». Dans la société japonaise, vous n’avancez pas seul mais en groupe. Marquer son appréciation du soutien reçu est une question de respect.

ー お世話になっております。ジープラスメディアでございます。
– Merci de votre soutien (votre appel / intérêt), c’est GPlusMedia.

Vous êtes un peu perdu(e) avec le sens de cette phrase ? Twitter nous dit tout, ou plutôt, Lazuli :

ー はい、ジープラスメディアのアニタでございます。
– Allô / oui, c’est Anita, de la GPlusMedia.
ー はい、ビグカメラの市川でございます。
– Oui, ici Ichikawa de Big Camera.
ー いつもお世話になっております。
– Merci de votre soutien constant / continu.

Bien. Vous savez comment décrocher. Je ne ferai pas un topo complet sur le déroulement d’une conversation, il existe de très très bons articles sur le sujet (majoritairement anglophones). Mon préféré – vieux, mais parfait et à garder dans un coin: Office Japanese – The Telephone (4 articles).

Transmettre un appel : non, on ne jette pas le combiné à l’autre bout de l’open office.

moshi moshi

Ceci n’est pas la solution

L’appelant souhaite parler ou joindre une autre personne. Si c’est un ami ou la famille, pas de chichi. En revanche, au travail…

ー かしこまりました、少々お待ちくださいませ。
– Compris. Veuillez attendre un moment s’il vous plait.

Fun fact, une fois sur deux, au début, je ne comprenais pas le nom de l’appelant ou de la personne à qui transférer. J’entrais en panique dans le bureau en mode « y a un japonais qui veut parler à un japonais« . Je vous vois rire.

Ensuite, la personne qui prend le téléphone à votre place répondra:
ー お電話変わりました。
– O denwa kawarimashita.
– L’appel (le téléphone) a été transmis (a changé).

Veuillez attendre s’il vous plait : au secours, que me veut-on ?!

Afin de répondre à votre interlocuteur, vous avez besoin de réfléchir (ou de regarder votre agenda) (ou de partir en courant). Avec un ami, l’expression familière « attends 5 sec STP » passe crème : »chotto matte kudasai ». En revanche, au boulot, votre interlocuteur s’étranglera dans sa cravatte. Donc on level up un peu le niveau avec : « shoushou o machi kudasaimase ».

ー 少々お待ちくださいませ。
– Veuillez attendre un moment s’il vous plait.
(Vas y attends 2 minutes, y a pas l’feu au lac, faut que je matte mon agenda et éventuellement que je me prenne un café.)

La ligne téléphonique est mauvaise : « c’est que je suis dans le métro là, ça va cou… »

Nous sommes tous d’accord. Reçevoir un coup de fil dans une autre langue, c’est déjà le Pérou. Mais alors qu’en les dieux s’en mêlent, c’est carrément les jeux olympiques de la galère.

Cas 1 : y-a-t-il toujours quelqu’un au bout du fil ?
ー もしもし?
– Allô?

ー 恐れ入ります。(Osoreirimasu)
– Pardon? Excusez-moi?

Cas 2 : le son est mauvais.
ー 恐れ入ります。お電話が遠いようです。
– Excusez-moi, il semblerait que le téléphone soit lointain.

ー すみません、聞こえますか。(Kikoemasu)
– Excusez-moi, est-ce que vous m’entendez?

Raccrocher : liberté, enfin j’écris ton nom.

moshi moshi

Finalement, vous avez eu le courage de décrocher le téléphone. Bravo. Vous avez réussi à converser, c’est encore mieux ! Maintenant, vous pouvez lancer le combiné raccrocher en toute sérénité. Avec un ami, un simple « bye bye » ou « à plus tard » fait l’affaire.

ー またね
– À plus.

ー あとでね
– À plus tard.

ー バイバイ
– Bye bye

Au boulot, on reste pro :

ー 失礼します。
– Shitsureishimasu.
– Excusez-moi (sous-entendu, « …de vous avoir dérangé, merci bien au revoir »)

Je suis parfaitement consciente que bien des situations téléphoniques n’ont pas été traitées. Si vous travaillez au Japon, vous apprendrez sur le tas. Dans le cas contraire, il est inutile de vous noyer avec trop d’information. La simple maîtrise des situations ci-dessus vous permet de survivre à une conversation téléphonique en japonais.

7 Comments to “Moshi moshi ? L’angoisse de répondre au téléphone en japonais”

  • Eva

    Déjà que je n’aime pas téléphoner en français alors en japonais >< par chance ce n'est arrive qu'une fois^^
    Il fallait dire : お電話ありがとうございます。「nom du resto」でございます。et patati et patata….

  • Béné (ベネ) (@Bene_Fukuoka)

    Déjà que je n’aimais pas parler au téléphone en français alors en japonais… Au début j’angoissait terriblement à chaque coup de fil mais maintenant ça va (même si je déteste toujours ça). Heureusement je n’ai pas à répondre au téléphone mais ça m’amuse d’entendre mes collègues chefs de projet changer de voix quand ils reçoivent un coup de fil du client xD
    On notera aussi la prononciation prononcé des « u » à la fin des verbes en langage soutenu.

  • Lisa

    Encore un article super intéressant du début à la fin 😀

    Merci pour la petite leçon sur le « moshi moshi » je dormirai moins bête ce soir héhé

  • Safaa chan

    Génial, vraiment très utile, merci !

  • Sarah

    Ça va être bien pratique ça, merci !!! Et c’est marrant l’origine de もしもし, je ne soupçonnais pas que ça va voulait dire ça !

  • bibliblogueuse

    Quand je reçois un appel téléphonique, comme je débute en japonais, je commence toujours par dire que je suis étrangère (et que je ne comprends rien, le cas échéant). Je demande à mon interlocuteur de répéter plus lentement et surtout, je lui demande si lui parle anglais (on ne sait jamais). Après, on finit par se débrouiller mais j’appréhende toujours beaucoup ce moment, heureusement, je reçois peu d’appels. Lorsque tu es arrivée au Japon la première fois, tu t’es débrouillée en anglais dis-tu, mais tu as beaucoup de chance car je m’attendais aussi à ce que les Japonais parlent davantage (et mieux) anglais ; or je trouve qu’il est rare de croiser une personne qui maîtrise la langue de Shakespeare ici. Du coup, cela oblige à faire des efforts en japonais 😉

    • carl

      Alors, je vais me permettre un petit conseil/astuce: perso, j’ai remarqué que quelle que soit la langue, demander de parler plus lentement ne marche quasiment jamais, et quand ça marche, seulement pour un temps très court, En fait, c’est parce que « parler lentement » n’existe pas au quotidien, ce n’est pas une fonction langagière « normale » ou usuelle… (Et parler comme Dory quand elle « explique » n’est franchement pas motivant ^^)
      Du coup, la meilleure solution que j’ai trouvée, c’est de demander à la personne de parler plus fort (ligne mauvaise, environnement bruyant ou sinon je prétends avoir un problème d’audition), et ça, ça marche à tous les coups, et bien plus longtemps, en parlant plus fort, ils articulent plus, et ralentissent significativement le débit, et bonus, ils segmentent plus leurs phrases, font des phrases courtes et simples!!!… Ensuite, sur un mot ou un groupe de mots que je n’ai pas saisi, je répète le bloc ou un bout (en ignorant mes erreurs de prononciation) avec l’intonation des questions, et ça, ça les force à répéter le mot ou le bloc,et te corriger si t’as mal prononcé, et enfin expliquer ou donner un synonyme, sans avoir à dire « j’ai pas compris », qui souvent provoque une explication sur ce que l’interlocuteur suppose être le plus compliqué pour moi, et souvent n’est pas le cas…
      Essaie, tu verras, c’est très efficace et bien plus confortable… Et c’est utilisable en face à face également, dans certaines situations 😉

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