La vie des lycéens japonais en vidéo

Le système scolaire japonais bien loin du nôtre a de quoi faire frémir. Entre de longues heures de bachotage, des QCM tous les trimestres, le classement de tous les élèves publiquement affiché, et les nombreuses obligations sociales qui découlent de cette vie en communauté, on se demande si les lycéens japonais ont encore le temps de vivre.

La réponse est oui! La preuve, en vidéo !

« En moins de deux générations, l’ancienne stratification sociale fondée sur l’hérédité des statuts individuels, fit place à une stratification largement commandée par le niveau d’éducation. Mais entre éducation et endoctrinement, la frontière est souvent ténue, nous pouvons le constater également pour ce qui est de l’histoire du système éducatif français (patriotisme, révisionnisme). Au lieu d’apprendre à penser, l’école indiquait aux jeunes ce qu’il fallait penser. Elle formait des sujets dociles acquis à l’orthodoxie officielle. L’effort machinal de mémorisation nécessaire pour maîtriser le système d’écriture, contribuait en outre à développer la passivité d’esprit. Le Japon a le triste privilège d’avoir été le premier pays au monde à utiliser les techniques totalitaires deconditionnement mental et à transformer l’école en instrument du Pouvoir. »

— Edwin O. Reischauer, Histoire du Japon et des Japonais, tome 1, Editions du Seuil, Collection Points Histoire, 1973, 251 p. (ISBN978-2-02-000675-0)

Source: wikipedia

Il reste encore à faire pour améliorer un système qui n’a pas que des mauvais points – les classes de gestion de la maison (cuisine / couture / faire les comptes), le haut niveau scientifique (en mathématique, ils atteignent le niveau … universitaire français au lycée) et les classes d’informatique (rien à voir avec le pack office, ils apprennent à programmer, et tout le tralala), ont de quoi faire rêver.

Là où le bât blesse, c’est réellement dans le manque de créativité et de réflexion. Les japonais apprennent l’endurance, la répétition des tâches et la mémorisation, et cela laisse peu de place … à la rébellion. Comment avoir un esprit créatif, si l’on vit en permanence dans la conformité (de l’uniforme jusqu’au mode de pensée).

Il a été relevé que les écoliers japonais apprennent moins à penser qu’à mémoriser, ce qui constituerait une explication de leurs bons résultats en mathématiques3. Il a été relevé que si le système éducatif japonais a su remplir sa tâche au cours du siècle précédent, permettant l’émergence d’une société industrielle dotée d’une force de travail technique conséquente, il ne serait pas des mieux préparés pour une ère de l’information où la créativité serait la composante principale recherchée, au détriment d’un modèle basé sur le concept de l’otarie savante3.
Source: wikipedia

Conscient d’un manque de potentiel énorme, le gouvernement japonais avait évoqué la possibilité de mettre une épreuve de créativité aux tests nationaux. Ce fût une véritable levée de bouclier qui accueillit la proposition. Aujourd’hui, elle flotte dans les nimbes de l’administration japonaise.

*La question étant apparue en commentaire (comment évaluer la créativité) je me dois de préciser que dans le système scolaire japonais, les élèves ne font pas de composition, ni de dissertation. Leur évaluation est exclusivement basée sur des QCM, et ils ne sont que très peu confrontés à la rédaction. L’épreuve de créativité visait tout simplement à introduire une rédaction dans le cursus scolaire. 

8 Comments to “La vie des lycéens japonais en vidéo”

  • Mon nom

    Ils font des rédactions dès le CP, les fameux « 作文 ». Il y en a beaucoup/souvent, non? L’importance donnée aux sakubun jusqu’à la fin de l’université est assez grande à mon avis (bon, pour l’université, c’est surtout dans les filières littéraires, évidemment). Et la littérature Japonaise aussi est très développée (c’est peu de le dire!), il faut bien de la créativité pour ça, et un intérêt développé dès l’école.

    Et puis il y a toujours des spectacles, du théatre, des concerts, etc. tout au long de la scolarité. Ils ont des ateliers d’arts, des clubs d’activité portés sur l’art, etc. Bref, c’est pas zéro activité dans le domaine. D’acccord, c’est pas forcément noté et partie du cursus, mais bon, le dévelopement humain, c’est plus important que les notes.

    Alors je suis d’accord qu’il y a moins de participation en classe, que le programme est plus basé sur le bachotage et le par-cœur qu’en France (pour comparer à ce qu’on connait), mais l’importance donné aux arts est de plus en plus grande. Les enfants y ont beaucoup accès (et à l’école, ben je trouve qu’ils y ont plus accès qu’en France). Par moments, j’ai même l’impression que les Japonais (surtout les plus éduqués…) ont plus de moyen de s’exprimer que les Français, et ils en usent. Et l’art est grandement respecté. C’est pas place Vendôme en France qu’un certain bouchon s’est fait vandalisé parce qu’il choquait trop?

    Pour l’évaluation, à noter que le redoublement n’existe pas sauf sur demande des parents (ce que je trouve formidable), donc l’évaluation, bof. Pas vraiment utile, sauf dans les concours (ceux pour les filières littéraires ont des sakubun il me semble bien). C’est à mon avis plus pour que l’élève se situe et se motive. En fait, il ne vaut mieux pas juger les pratiques japonaises avec nos habitudes françaises. Leur système marche pas mal dans LEUR société (= il ne marcherait pas en France), même si effectivement il y aurait des gros points à développer comme une participation plus active pendant les cours et un peu plus de réflexion personnelle. Ceci dit, je vois les Japonais après dans le monde du travail; et ben ils suivent les règles, mais ils savent très bien se mettre là quand ils ne sont pas d’accord ou ont un avis différent de ce qui a été dit; on les entend bien! Et puis la rebellion chez les jeunes, il y en a, c’est bien la preuve qu’ils essaient de penser par eux-mêmes et de rejeter le systeme. Mais en face ça fait bloc, donc les jeunes se font mater plus facilement qu’en France (mais plus en douceur qu’en France!). Donc, il ne faudrait pas croire que le système ne donne que des travailleurs fourmis par la suite et est complètement mauvais. Perso, après une mûre réflexion de quelques années, je prèfère avoir mon enfant dans le système japonais plutôt que le système français.

    En fait, pour juger d’une éducation, il faut aussi voir le résultat. Et la société Japonaise, bien qu’ayant des gros défauts, marche bien (on aime ou on n’aime pas, mais elle fonctionne). Je vois les Japonais qui ont traversé ce système que beaucoup de pays sur la planète critiquent, et bien ce sont des gens et des citoyens très bien. Leur système éducatif a des trucs qui marchent bien, et il a une part de responsabilité dans ce qu’on aime du Japon.

    • ameliemarieintokyo

      Bonjour,
      merci de ce retour enrichissant!

      Certes, ce système marche et effectivement il n’est pas forcément possible de comparer des systèmes éducatifs sachant que les sociétés dans lesquels ils s’inscrivent ne sont pas les mêmes.

      J’aurais pu prendre note de cette créativité liées aux clubs, à la culture présente à l’école, mais ce n’est pas tant la créativité que la contradiction intellectuelle qui m’interpelle. J’aurai du être plus précise pour expliquer que cette épreuve créative ne désigne pas le côté artistique, mais simplement une analyse écrite d’un sujet.

      Certes ils ont les sakubun, mais celles-ci sont loin d’adopter un point de vue critique. Mon mari me raconte souvent à quel point il faut adopter le point de vue du professeur sous peine d’être grondé (attitude qui se poursuit jusqu’à l’université…).

      Il a d’ailleurs eu beaucoup de difficultés durant sa scolarité, car il s’exprimait en classe et contredisait ses professeurs (notamment sur l’histoire du Japon). Finalement, il a considéré qu’il était plus intelligent de quitter le lycée et d’apprendre de lui même que suivre un cursus bourre crâne. À l’université, et alors qu’il étudiait en politique et relations internationales, il était pas mal consterné du manque d’intérêt des autres étudiants.

      En tant que professeur de français, j’ai pu voir à quel point les japonais sont difficilement critiques à l’écrit. J’ai travaillé avec plusieurs étudiants, les préparant au test de langue pour qu’ils puissent aller en France, et même lorsque j’expliquais en japonais comment il fallait répondre, ils semblaient désorientés par les besoins de réflexion sur une problématique.

      Alors bien entendu, les japonais ne sont pas des fourmis, et bien sûr, ils se rebellent et sont capables d’opinions personnelles, loin de moi l’idée d’en faire des robots. Simplement ils vivent dans un système de conditionnement bridant pas mal la réflexion intellectuelle. Cela se sent je dirais, rien qu’avec cette presse très peu variée politiquement parlant.

      Personnellement, je choisi le système français :).

    • Mon nom

      Ben moi aussi je choisissais le système français, jusqu’à ce que je sois concrètement confronté au choix quand mon ainé est arrivé à l’âge où il faut se décider. Et en fait, le choix était clair après coup. Ecris-nous ton cheminement de pensée quand tu y seras! 🙂

      Quant à la réflexion, les Japonais en ont autant que nous arrivés à l’âge adulte… Il y a tellement d’expatriés qui se disent qu’ils ont de la chance, parce qu’autour d’eux, seul leur mari ou épouse semble avoir de la réflexion et du répondant, et que tous les autres, non… Ben en fait… bah non… Ils sont tous comme nous, pas juste nos époux. (expression favorite sur les forums: « perle rare ») C’est juste que nos époux nous font privilégier de leurs réflexions sans y mettre les formes, et pas les autres (alors qu’en France tout le monde dit ses pensées, même à des inconnus). Par contre, (pour les autres) la forme est parfois différente, et elles ne sortent pas aussi facilement qu’en France, il faut que l’environnement y soit propice.

      Ça n’est pas étonnant que tes élèves n’aient pas montré un esprit critique (surtout à l’écrit!). Mais en déduire que c’est parce que les Japonais n’ont pas l’esprit critique, je te trouve bien dure 🙂 Il y a bien d’autres raisons qui feraient que tes élèves n’aient pas montré une forme de réflexion critique (et puis il y a des gens bêtes aussi, comme en France).

      Oui, on croise sans arrêt des Japonais qui ne font apparemment pas preuve de réflexion (genre caissier au conbini qui va suivre son petit bouquin de règles même en dépit du bon sens le plus basique). Mais ce n’est pas parce qu’ils n’en ont pas. C’est fait exprès de réprimer leur réflexion perso. Et ça aussi, c’est l’une des composantes de la société Japonaise, c’est un morceau du tout.

      Bon, au final, ce que je veux dire c’est: en tout bon sens, qu’est-ce qui parait le plus probable?
      Que l’écrasante majorité des Japonais n’ont pas de sens critique/réflexion profonde
      ou bien
      qu’ils les gardent pour eux/leur travail/leur famille/amis proches (ou bien qu’on n’est pas capable de saisir leur pensée)
      ?
      Une société de la taille du Japon, dont une certaine proportion de la population n’a pas de profonde réflexion, et manque de sens critique, peut-elle se hisser au niveau auquel le Japon est arrivé? Sérieusement? Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas quelque chose qu’elle n’est pas là.

      Après, si comme je le dis les Japonais ont effectivement un sens critique similaire au nôtre, je ne suis pas sûr qu’ils l’aient reçu du système scolaire Japonais. Mais le but est d’avoir un sens critique quand on est adulte, pas de le recevoir du système éducatif (je veux dire: recevoir un sens critique du système scolaire n’est pas un but en soi. Le but, c’est avoir un sens critique). Peu importe d’où ils le reçoivent, du moment qu’ils l’ont à l’âge adulte, tout va bien. Après tout, ce que le système scolaire doit apporter aux enfants n’est pas écrit dans le marbre. L’important (pour un pays), c’est d’avoir une société bien huilée qui tourne, un développement économique stable, des gens heureux qui font pas de révolution etc. C’est le cas en France et au Japon (avec plusieurs couacs dans les deux pays à divers sujets) avec des systèmes différents. Si on regarde un élément de la société japonaise avec une loupe, on va effectivement y trouver des choses qui manquent par rapport à notre système, mais ces choses-là ils les reçoivent ailleurs.

      En fait, ce truc de « morceau du tout », c’est devenu tellement omniprésent dans ma vision des choses, que je n’arrive plus à écrire sur quoi que ce soit au sujet de la sociéte Japonaise. C’est tellement lié tout ça, et tout est tellement différent d’en France.

      Pour la presse, pour les journaux par exemple, il y a Asahi et Nihon Keizai, qui sont respectivement une version light de Libération et du Figaro… Ils écrivent quand même des choses sacrément différentes sur un même sujet je trouve…

  • Vie de Herisson

    Je me souviens qu’une amie japonaise, venue étudier en France lors d’un échange universitaire, avait été surprise de voir les étudiants français poser des questions en classe! La participation oral ne semble pas vraiment mis en avant au Japon.
    Quand bien même le gouvernement japonais aurait réussi à mettre une épreuve de créativité, comment ils auraient pu la noter, avec quels critères ?

    • ameliemarieintokyo

      J’ai modifié l’article afin d’être plus claire sur ce qu’ils appellent créativité: (…) je me dois de préciser que dans le système scolaire japonais, les élèves ne font pas de composition, ni de dissertation. Leur évaluation est exclusivement basée sur des QCM, et ils ne sont que très peu confrontés à la rédaction. L’épreuve de créativité visait tout simplement à introduire une rédaction dans le cursus scolaire.

    • Vie de Herisson

      Merci pour cette précision! C’est donc une épreuve de réflexion.

    • ameliemarieintokyo

      Qu’ils appellent créativité (parce que bon, ne pas répondre à un QCM est une grosse sortie des clous ! :D).

  • ilevscitadine

    Wow ! Quel décalage ! Mais ils jouent à quoi ? J’ai beau essayer, je n’arrive pas à décoder…

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