À la découverte des yakuzas
- Amélie Marie
- 29 novembre 2014
- Japon
En parlant des tatouages, j’avais rapidement évoqué les yakuzas, ces membres du crime organisé, traditionnellement représents par leurs tatouages. Les yakuzas ne se cachent pas, les 4 syndicats les plus emblématiques ont pignons sur rue, et leur pouvoir s’étend dans l’ombre d’une structure légale – syndicat de travailleurs, associations.
Yakuza est en réalité un « surnom » tiré d’un jeu de carte durant le règne des Tokugawa (XVIè – XIXè), plus exactement d’une combinaison de chiffres perdants. Yakuza signifie alors « perdants », « bons à rien ». La police japonaise appellent les organisations mafieuses les boryokudan (groupe violent), dont l’origine historique reste sujette à controverse.
Durant l’occupation, et jusqu’au début des années 1990, le Japon a délibérément laissé le crime organisé se développer. En effet, avec la présence américaine, d’importants trafics se sont mis en place, et le chaos régnant, des organisations mafieuses étrangères (Corée, Taiwan) ont tenté de s’implanter et de prendre contrôle de ces marchés lucratifs. Les yakuza ont lutté contre ces mafias étrangères, ont brisé les grèves des travailleurs et ont aussi profité du marché noir, gangrénant un Japon ravagé.
« Le pouvoir des yakuzas va donc se faire double : d’un côté ils bénéficient dans l’ombre de l’appui des hommes politiques et de la police, et sont en plus nécessaires à la société d’après-guerre, le marché noir restant le seul moyen de survie pour la majorité des Japonais. L’organisation criminelle japonaise devient donc un des piliers du Japon, avec l’assentiment des forces d’occupations, qui voyaient en elle une « force régulatrice ».«
Les américains, craignant le développement du communisme au Japon, vont soutenir celui que l’on surnomme l’Al Capone japonais – Yoshio Kodama, en raison de ses relations avec les yakuzas et les partis d’extrême-droite.
Ces années glorieuses pour la pègre nipponne prennent un tournant radical lors du vote de la loi Antigang de 1992, complétée en 1993 par une loi Anti-blanchiment. La population n’est plus aussi conciliante avec les mafieux japonaises, et les guerres de gang touchent les civils, tandis que la fonction « sociale » disparait (chute du communisme). Ces lois sont aussi, ironiquement, influencées par les États-Unis, qui ayant encouragé son développement, voyaient la mafia japonaise s’installer sur le territoire américain.
Les yakuzas sont en déclin, leurs activités sont enterrées derrière des façades légales. C’est l’ère de la clandestinité.
- Le Yamaguchi-gumi transformait une partie de son organisation en « Ligue nationale pour l’épuration des terres ». Il s’agissait d’une association charitable à but non lucratif consacrée à enrayer l’abus de drogues.
- L’Inagawa-kai, se transformait en Industries Inagawa.
- Le Sumiyoshi-gumi devenait l’Entreprise Hor.
Parmi leurs activités lucratives …
- Racket des sociétés: contre leur « protection », les commerçants doivent verser une sorte d’impôt. Plus de 41 % des patrons de grandes entreprises japonaises affirment avoir été victimes de ce racket. Cette situation s’est maintenue, principalement à cause de l’hésitation des entreprises à aller demander l’aide de la police. Mais c’est aussi l’extorsion et le chantage, de plus en plus facilité par l’achat des actions d’une compagnie …
- Milieu sportif: lutte professionnelle et sumo appartiennent en partie aux yakuzas, qui truquent régulièrement les matchs.
- Paris et les jeux: au Japon, les Pachinkos (sortes de casino) sont partout. C’est le domaine traditionnel des yakuzas tenant les loteries, casinos, paris sportifs … Pour vous donner un ordre d’idée, le chiffre d’affaires des Pachinkos se situe « au troisième rang de l’économie des loisirs japonais derrière les restaurants et le tourisme. Le pays compterait environ 18 000 salles de jeu, tenues souvent par des gérants d’origine coréenne, et nombreux sont ceux qui entretiennent des relations étroites avec les yakuzas. Ceux-ci se servent de ces salles comme sources de revenus, mais aussi comme façades pour blanchir leur argent.
- Immobilier: projets de développement, opérations immobilières, litiges de voisinage …. En 1993, un sondage montrait que 23 % des hommes et 17 % des femmes pensaient que demander l’aide des yakuzas pour pouvoir récupérer son argent, obtenir des contrats et régler des différends en employant la force n’était pas «mal» voire, «ne pouvait être évité».
- Industrie du sexe: prostitution, pornographie … Kabukicho est le quartier rouge de Shinjuku, où l’on estime plus de 120 établissements tenus par la mafia, que cela soit love hotel, soapland ou bars standards.
- Trafics: drogue, armes, immigration
Ce n’est là qu’une ébauche sur un sujet vaste et complexe. À l’instar de la mafia italienne, il est difficile de percevoir jusqu’où vont les ramifications mafieuses et à quel point le politique et la mafia peuvent être impliquées. Les yakuzas, malgré le déclin, restent ancrés sur le territoire et s’étendent même à l’international, avec l’Asie du Sud-Est, les États-Unis, le Mexique et l’Australie. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer l’implication de la mafia alors même que le clan Yamaguchi met en place son site internet …
Arisa
Il y a des rumeurs sur le fait que Shinzo Abe a des liens étroits avec les yakuza. Qu’en pensez-vous?
Personnellement et par expérience, bien qu’on dit les yakuza dangereux, j’en connais quelques uns qui sont sympathiques. Je ne pense pas qu’il faut absolument mettre tous le monde dans le même panier. Y en a qui deviennent yakuza parce qu’ils le veulent et d’autres qui le deviennent parce qu’on les oblige. Il ne faudrait pas oublier cela.
AmandineDismoimedia
Dans leur lutte contre le communisme les Etats-Unis ont créé quelques monstres. Je me demande souvent à quel point nos sociétés sont gangrénées par la mafia mais j’ai peur de voir le résultat. Quand j’entends certaines histoires sur la mafia italienne j’ai l’impression de découvrir un Etat de barbarie hors du temps.
Heureusement il existe des courageux ^^ https://www.youtube.com/watch?v=cwBSHkGuzco