crèche japonaise

La crèche japonaise : quel bonheur !

Dans mon précédent article, j’ai abordé les grandes lignes de notre première année avec un enfant au Japon. Un bilan positif, car malgré les difficultés vécues et probablement très communes, mes premiers pas de maman se sont plutôt bien passées. Je culpabilise même lorsque je réalise mes privilèges, entre un congé maternité de plus de un an et un employeur qui respecte la loi et m’offre des horaires flexibles. 

Crèches publiques, crèches privées agréées, et le reste

La sélection sur points

Je l’ai évoqué brièvement. Obtenir une place en crèche publique (認可保育園) peut être très sportif. J’étais vraiment très naive au tout début de la procédure et je suis passée par le déni, la colère, et le désespoir avant de voir la lumière au bout du tunnel. Après avoir visité quelques crèches, j’ai commencé le dossier avec l’aide de mon mari. J’ai aussi fait appel aux services de Japan Healthcare Info pour déposer le dossier. Je n’avais pas confiance en moi pour faire les démarches seule avec un bébé sur les bras. Il me fallait remplir une liste de voeux par ordre de préférence avec les références codées de chaque crèche, fournir nos feuilles d’impôts (pour déterminer notre échelon), ainsi que des certificats de travail remplis à partir des modèles fournis par la ville. En tant que salariés à plein temps, nous accumulions tous les deux 20 points, soit ce qu’il faut pour avoir le droit à une place.

Je ne le savais pas, mais nous n’avions absolument aucune chance de décrocher le gros lot. Nous avons déposé le dossier pour le mois d’octobre en vain. Et chaque mois je vérifiais la liste actualisée des crèches, leur nombre de place (0 pour une majorité d’entre elles) et le nombre de dossiers en attente (augmentant de mois en mois). J’avais originellement opté pour un congé parental de 6 mois, que j’ai renouvelé faute de place. 

Arrivé en début d’année 2023, je commence à perdre les pédales avec cette histoire de crèche. J’abandonne l’idée de choisir une crèche précédemment visitée et je rallonge considérablement ma liste de voeux. Le miracle nous est venu d’amis parents nous conseillant leur crèche, qui est privée (企業主導型保育園). Elle fait partie des crèches dites non-agrées (認可外保育園 aussi 無認可保育園, la différence entre les deux tenants à des questions de taille), ce qui ne signifie pas qu’elles ne fournissent pas un excellent service. Cela couvre aussi bien les micro crèches à domicile que les crèches d’entreprises ou les centres de garde à la journée. 

Les normes sont presque les mêmes lorsque cela concerne les employés (un certain nombre devant avoir une certification petite enfance) à la différence que les crèches publiques emploient des fonctionnaires. Même si elles sont libres de fixer leurs propres tarifs, les crèches non agréées sont aussi couvertes par le système de gratuité des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance. Ainsi même si nos frais son plus élevés que prévus, ce n’est pas exagéré. 

Rapide point sur les normes du public (aussi dit agréé) : 

  • 0-1 an : surface de la salle des bébés 1,65 m2/personne, surface de la crèche 3,3 m2/personne
  • 2 ans et plus : surface de la crèche ou de la salle de jeux 1,98 m2/personne, surface de l’aire de jeux extérieure (jardin) 3,3 m2/p (avoir une aire de jeu extérieure semble être obligatoire)
  • Classe 0: 3 bébés pour un employé
  • Classe 1-2 ans: 3-6 enfants pour un employé
  • Classe 3 ans: 20 enfants pour un employé
  • Classe des 4 ans et plus: 30 enfants pour un employé

Il existe aussi des crèches non-agrées (= privées) mais certifiées par les autorités locales suivant des normes éditées par les mairies (quand je vous dis que c’est compliqué, je n’invente pas). Il faut se retrouver dans ce joyeux bazar ! 

Les crèches privées ont leurs propres critères de sélection. 

Je ne saurais dire dans quelle mesure ces critères varient d’une crèche à l’autre. Celle que nous avons choisie a pour philosophie d’aider les mères à reprendre un emploi. Un parent qui n’a pas d’emploi à la sortie du congé parental n’a pas de point. Ce système est terrible car il empêche un parent demandeur d’emploi (et donc, nous le supposons, avec peu de revenus) d’obtenir une place en crèche publique à tous les coups (les parents déjà sous contrats ayant la priorité). Cette situation explique en partie pourquoi les mamans ont du mal à se réinsérer sur le marché du travail. Il faut déjà qu’elles puissent trouver un mode de garde pour leurs enfants !

Ma crèche, donc, privilégie les dossiers de mamans qui n’ont pas réussi à obtenir de place dans le public et notamment les mamans qui sont enregistrées auprès d’agences intérimaires. En plus du dossier (qui est le même que celui pour la ville), ils ont demandé si mon employeur ou celui de mon mari accepterait de signer un contrat avec la crèche. Ne me demandez pas ce que ce contrat couvre, les ressources humaines de mon entreprise étaient aussi perdues que moi. Dans les grandes lignes, cependant, ce contrat permet à ma crèche de recevoir des subventions de la ville et d’être reconnue comme une crèche de qualité (flou artistique, saveur administrative). Après deux entretiens, beaucoup d’attente et l’obtention de ce fameux sésame, ils nous ont donné une place.

Victoire ! 

Bienvenue dans ma crèche japonaise 

Un autre avantage du privé sur le public, c’est qu’ils peuvent faire plus. Ils peuvent faire intervenir des professeurs de musique, de danse, de langue. Avoir des locaux plus modernes et ainsi de suite. Les structures peuvent aussi être plus familiales. C’est le cas de la notre qui accueille un petit nombre d’enfant de 0 à 5 ans (4 dans les 0, 10 dans les 1 ans, et une petite dizaine dans les classes au dessus). Je précise que la maternelle n’est pas obligatoire et n’existe que de manière privée (sous l’appellation 幼稚園) et que l’éducation obligatoire commence à partir de 6 ans, avec l’école primaire qui couvre 6 années d’études. 

Elle est située au rez de chaussée d’un immeuble qu’elle occupe entièrement. Ils ont un petit patio, mais les enfants n’y ont pas accès, sauf l’été lorsqu’ils sortent la petite piscine pour les jeux d’eau. Ils emmènent les enfants aux divers parcs du quartier pour les faire jouer dehors. Peut-être qu’avoir un jardin, comme dans le public, aurait été plus pratique. Mais aller dans les parcs environnants a l’avantage d’offrir un peu de variation dans les structure de jeux et puis ils rencontrent les enfants d’autres crèches. Ils les emmènent aussi voir la caserne de pompier et les trains près de la gare (succès garanti). 

Nous faisons partie du club des parents en retard. Comme à peu près la moitié des autres parents. Bonne ambiance garantie le matin alors qu’on court tous avec un (voire deux) gamin sous le bras à 8h59. Les chaussures vont dans des petits casiers au nom des enfants, les manteaux d’hiver dans les grands bacs de l’entrée, puis direction le couloir où l’on accroche le sac du bambino sur le porte manteau de sa classe. Il faut prévoir une tenue de rechange pour la journée. En cas d’accident, ils tapent dans le stock, un sac de plusieurs tenues que l’on laisse en permanence à la crèche. Les parents qui n’ont pas choisi de payer en plus pour les couches, tabliers et lingettes doivent prévoir cela en plus. 

Les enfants sont accueillis thermomètre en main. Les règles dependent de chaque ville. Par chez moi, l’enfant n’est en principe pas accepté s’il fait plus de 37.5°C de fièvre. Un peu de souplesse est introduite en été, lorsque les chaleurs sont telles que le trajet maison – crèche suffit à faire péter le thermomètre. La ville d’à côté a pour règle d’éjecter un enfant qui fait plus de 38°C et l’enfant ne peut pas être accepté le jour suivant. À choisir, je préfère mon système !

Direction lavabo pour se laver les mains—on dit merci à la crèche parce qu’à 18 mois, petit bout se décrassait les mains tout seul comme un champion. Puis on leur sert une tasse de tisane d’orge grillée (麦茶). Les activités varient selon les jours. Jeux au parc, danse et musique, peinture et dessin, tripoter de la nourriture lors d’atelier de découverte (ils ont ainsi fait le tofu, les champignons, le chou-fleur, la patate douce…). Vient le repas, cuisiné sur place à partir d’ingrédients frais achetés auprès de partenaires de l’entreprise. Une baie vitrée permet aux parents de voir la cuisine et les cuisiniers en passant dans le couloir. Entre 13:00 et 15:00 c’est la sieste sur les futons qui sont sortis dans la petite salle. Les parents fournissent la serviette qui sert de couverture. Tous les vendredi on repart avec, ainsi qu’avec le drap, pour faire la lessive le weekend. Après la sieste vient le goûter, puis diverses activités jusqu’à l’heure du retour. 

La crèche utilise l’application CoDMON et tous les jours à 16:00 on reçoit une petite mise à jour : repas, dodo, humeur générale… L’application permet aussi de savoir quel a été le repas et le gouter du jour et ce que la nutritionniste de la crèche recommande comme diner. Je trouve cette idée géniale, mais la cuisine n’étant pas mon forte, je suis toujours à côté de la plaque… Je suis bien contente de ne pas avoir à remplir un carnet de communication (連絡帳) papier. Certes, cela m’aurait rafraichi la mémoire pour les Kanji, mais le temps que cela m’aurait pris… 

L’ambiance est géniale. Il ne fait aucun doute que les enfants sont très bien traités vu les bouilles épanouies que l’on aperçoit matin et soir. Même notre loustic qui pleurait au début se rue dans le couloir comme si c’était le patron. La méthodologie appliquée est proche de Montessori (du moins c’est mon impression). Les enfants sont considérés comme capables d’apprendre et de faire par eux-mêmes et c’est ce que les maitresses encouragent en douceur en respectant leur rythme. Je n’ai pas de points de repère et je sais que c’est très dépendant de l’enfant, mais après 5 mois de crèche, mini-nous était capable de boire seul, se laver les mains, manger avec cuillère et fourchette, boire la soupe au bol, ranger ses jouets sans qu’on lui dise, se frotter le nez avec un mouchoir et aller le jeter à la poubelle. Alors que nous, parents indignes, nous ne nous étions même pas posé la question de cet apprentissage ! 

Tous les mois, la crèche propose d’acheter des photographies prises durant la journée. Ce système m’avait fait râler au début, mais en fait avoir des photographies de son enfant montrant ce qui se passe dans la journée est plutôt rigolo. On en a acheté qu’une fois, la qualité n’étant pas très bonne. Mais tous les premiers du mois, on se rue sur le site pour voir les photographies du mois précédent. 

La grande question… Crèche ou maternelle japonaise ?

Nous n’avons pas encore tranché, encore que je penche pour garder la crèche. La maternelle offre plus de structure d’apprentissage, mais des horaires de garde bien plus embêtants pour des parents travaillant à temps plein. La maternelle la plus proche de chez nous est catholique, ce qui ne convient pas du tout à mon mari. Et si nous envisageons une maternelle internationale française, il faut compter près d’un million de yen l’année (et 25 minutes de marche pour nous y rendre). De quoi préférer garder sa petite crèche familiale et préparer l’entrée au primaire avec des petites classes en plus !

 

 

 

 

 

One Reply to “La crèche japonaise : quel bonheur !”

  • Véronique

    Bonjour Amélie,
    Je crois que le choix est vite fait compte tenu de tous les paramètres.
    Merci de nous décrire un Japon plus confidentiel que celui que l’on peut trouver habituellement.
    A bientôt, j’espère 🙂

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