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Kateika & kakeibo : arts ménagers et méthode de budget

Dès l’école, les japonais apprennent à tenir un foyer à travers des classes d’arts ménagers appelées kateika (家庭科( かていか), “science du foyer”. Cette éducation ménagère, très populaire auprès des enfants, leur enseigne tout ce qu’il faut savoir pour être indépendant et en particulier, l’utilisation du kakeibo (家計簿( かけいぼ), une méthode de budget permettant de contrôler ses dépenses et de faire des économies.

Mon mari cuisine, sait coudre, faire le ménage (en principe !), s’occuper des enfants et des personnes âgées, tenir les comptes et ne rechigne pas à mettre le nez dans les papiers (moi, oui). C’est que, dès l’école primaire, il a appris tout cela à l’école.

Quant au kakeibo, on est tous les deux un peu réticents à regarder nos comptes de trop près… Néanmoins, notre style de vie minimaliste nous a rendu très économe aussi, tenir un livre de compte ne nous est pas forcément nécessaire. 

Kateika, les arts ménagers du primaire au lycée

L’enseignement ménager est au Japon, obligatoire du primaire au lycée, pour les filles comme les garçons. Si à partir de 16 ans, les jeunes japonais peuvent quitter l’école, ils auront eu tout de même des cours de science du foyer jusqu’à la fin du collège. Les amateurs d’animation japonaise et de manga, en particulier les shoujo (manga pour filles), connaissent bien ces classes, car elles sont souvent le théâtre de petites histoires du quotidien. 

Cuisine

Les écoles japonaises ont donc généralement une salle équipée du nécessaire pour que les enfants apprennent les bases de l’alimentation. L’équipement et l’organisation varie d’une école à l’autre, mais il le programme scolaire reste vraisemblablement le même.

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Exemple de manuel scolaire – Éditeur : Seishinsha

Les écoliers apprennent à préparer les ingrédients, la cuisson et ses dangers, les recettes pour les plats du quotidien, c’est à dire la “cuisine de la maison”, en japonais, katei-ryouri (家庭料理( かていりょうり). Les manuels abordent les questions de santé et de diététique, ainsi que les repas en fonction de votre état physique et vos besoins.

Ils sont bien loin de se contenter de faire des gâteaux (seul enseignement que je me remémore avoir eu en primaire) ! 

Couture et DIY

Les enfants japonais font aussi des travaux de coutures, comme apprendre à faire de petits vêtements et repriser des vêtements troués. Les écoles sont équipées de machine à coudre. Non seulement ils apprennent à savoir quoi faire avec du fil et du tissu, mais on leur enseigne aussi quoi faire avec du bois et comment construire de petits objets soi-même. 

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Exemple de manuel scolaire – Éditeur : Seishinsha

Mon mari râle (gentiment) dès que j’ai une aiguille entre les mains, car il est très fier de pouvoir mettre ses talents en pratique. 

Prendre soin des autres

Les cours de kateika ne se contentent pas des techniques pratiques pour être indépendant, mais enseignent aussi les soins que l’on doit porter aux personnes qui dépendent de nous.

Expérience de contact avec de jeunes enfants dans cette école de Funabashi (Chiba) – http://gakkan-f.jp/

Lorsqu’ils quittent l’école, les japonais savent en principe comment s’occuper d’enfants en bas âge, de personnes âgées et personnes malades. Je dis bien en principe, car l’enseignement ne garantit pas l’empathie et l’attention à l’égard des autres. 

Le fil conducteur derrière tous les classes de kateika est bien sûr, la tenue du budget du foyer. Savoir cuisiner, repriser et s’occuper des autres apprennent à être responsable avec son argent. 

Kakeibo, une méthode de budget des dépenses du foyer

Dès le primaire, les enfants apprennent à gérer l’argent et c’est au collège que les cours de kateika abordent plus particulièrement le kakeibo (家計簿), soit “livre de compte pour l’économie domestique”. Une méthode inventée en 1904 par Hani Makoto, la première journaliste femme du Japon et créatrice d’un journal à destination des femmes aux foyers.

À travers des exemples de budget et de dépenses, les élèves apprennent à tenir les comptes et à distinguer les charges incompressibles des dépenses que l’on peut contrôler. Cet enseignement va très loin : prêt bancaire, achat d’un appartement ou construction d’une maison, dépenses imprévues, impôts et taxes diverses… Les manuels scolaires japonais ne manquent pas de cas pratique. 

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Page tirée d’un manuel scolaire dédié au kakeibo

Le mot recouvre à la fois cet art japonais de gérer son budget et un outil, le livre de compte pour la maison. S’il existe plein de modèles différents vendus en papeterie, le principe reste le même. C’est un livre de compte qui permet de suivre à la trace rentrées et sorties d’argent du foyer. 

Le kakeibo doit permettre de prendre conscience de ses habitudes et de de rectifier, si besoin est, ses dépenses non essentielles.

En somme, cette méthode doit nous permettre de ne plus faire d’achats impulsifs. Si elle n’aspire pas nécessairement au minimalisme, elle aide très certainement les paniers percés à faire plus attention et peut, à terme, faire repenser complètement sa consommation. 

Bien sûr, c’est plus simple à dire qu’à mettre en pratique. L’argent, ou plutôt, les achats compulsifs (comme la nourriture), est un terrain très émotionnel. Bien des personnes, et j’en fais partie, paniquent ou angoissent à l’idée de commencer à suivre leurs tickets de course à la trace. J’ai bien tenté d’en tenir un, mais l’idée de regarder de plus près mes dépenses m’était très anxiogène. Heureusement, mon engagement pour une consommation raisonnée et moins polluante, m’a rendue minimaliste et par là même, économe.

Un outil essentiel pour les ménages japonais

Tous les japonais ne font pas attention à leur argent. Mais une fois mariés ou parents, ils tendent tout de même à regarder leurs comptes d’un peu plus près.

Il faut dire que l’économie japonaise, morose depuis la décennie perdue de 1991-2000, est marquée par une relative stagnation des salaires. Le coût de la vie ne cessant d’augmenter, le pouvoir d’achat des japonais ne cesse de chuter. Sans doute là une explication bien plus concrète à la forte baisse de la natalité et de mariages, que la soit-disante sexualité en berne des nippons. 

S’il m’est venu l’envie d’écrire à ce sujet, c’est qu’un article de Esse, un webzine japonais pour femmes, a secoué les réseaux sociaux récemment. Ce dernier présente aux lecteurs le budget courses d’une mère de trois enfants et ses astuces pour dépenser environ 20,000 yens par mois (environ 165 euros) pour un foyer de 5 personnes.

Même au pays du kakeibo, ce budget serré tient de la performance et est bien en deçà de la moyenne nationale pour… une personne seule ! 

Quel est le budget course mensuel moyen au Japon ?

Je vous avoue que je me suis étranglé avec les japonais face à ce budget familial plus que frugal. Si l’on se tourne du côté du Bureau des statistiques du Japon, subordonné au ministère des Affaires intérieures et des Communications, en 2019, le budget alimentaire mensuel moyen pour une personne seule s’élevait à 40 000 yens (soit 328 euros). Quant au couple sans enfant, il dépense environ 75,000 yens (614 euros).

Cela reste bien sûr des moyennes. Les expatriés du Japon le savent bien, le coût de la vie varie fortement d’une région à l’autre, entre aire urbaine et rurale. À Tokyo, il faut vraiment ruser pour réduire le coût de son panier de courses. Les prix des produits frais flambent vite. Le seul moyen de s’assurer de faire des économies est de faire ses courses dans plusieurs supermarchés et chez les petits maraîchers. Mais même en étant très attentif et en cuisinant tous nos repas, il nous est difficile à mon mari et moi de dépenser moisn de 40,000 yens par mois. Il nous faut, à ce niveau, abandonner l’idée de manger bio, local et varié.

Comment diable fait-elle ?

Cette maintenant célèbre mère économe anonyme explique donc passer du temps à faire ses courses. Un œil sur les rabais, elle a la main sur la calculette pour calculer le prix au gramme près. Car elle s’impose par exemple de ne pas acheter de la viande à plus de 100 yens les 100 grammes. Elle joue aussi avec les systèmes de points offerts par les supermarchés et le paiement par carte pour réussir à garder ses dépenses alimentaires au plus bas.

Sans aucun doute, la clé du succès est d’avoir le temps et de tout cuisiner de A à Z sans rien laisser perdre. Exit les plats tout prêts, les ingrédients déjà préparés : il faut aller au plus “brut”. Soit la base de ce qui est enseigné dans les classes de kateika.

Les internautes japonais ont été très divisés, entre ceux qui doutent de la véracité de l’article, et ceux qui se sont inquiétés, fort justement, de la qualité de cette alimentation à bas prix. Car acheter pas cher au Japon revient essentiellement à choisir des produits importés de Chine ou produits par l’agriculture intensive. Il faut faire une croix sur les fruits et la viande de bonne qualité. Beaucoup ont, dans le cas où cette famille existe bel et bien, salué les efforts incroyables de cette maman. 

Sur Twitter, cependant, les japonais se sont tout de même beaucoup interrogé sur les valeurs d’une société qui met en avant la capacité des ménages à rogner sur leur budget alimentation plutôt que de remettre en cause l’insuffisance des salaires pour acheter à manger sans s’inquiéter de ses économies.

Avec la crise actuelle, plus que jamais, l’enseignement des classes de kateika et l’utilisation du kakeibo, sont nécessaires aux japonais pour les fins de mois difficiles.

Vocabulaire

Japonais Romaji Français
家庭科( かていか) kateika Classe d’arts ménagers
家計簿( かけいぼ) kakeibo Méthode de budget, livre de compte
家庭料理( かていりょうり) katei ryouri Cuisine familiale
食費( しょくひ) shoku hi Dépenses alimentaires
生活費( せいかつひ) seikatsu hi Coût de la vie

9 Comments to “Kateika & kakeibo : arts ménagers et méthode de budget”

  • tetoy

    Je trouve qu’enseigner tout ça à l’école devrait être dans la normalité et ça partout.
    On a de temps en temps en France aussi ce genre d’article où une personne arrive à ne pratiquement rien dépenser en nourriture avec les astuces de bons de réduction et choix de l’alimentation « moins bonne ».
    Article très sympa en tout cas 🙂

    • Amélie Marie

      Moi aussi ! Et merci beaucoup pour le compliment, cela me fait grand plaisir. Espérons que le modèle japonais inspire d’autres pays au moins sur ce point :).

  • Emilie

    C’est quand même dingue, en lisant des mangas ou en regardant des animés, on a l’impression que ces classes sont uniquement pour les étudiantes, et non pas mixtes. Ou alors c’est classe de filles d’un côté, classe des garçons de l’autre ? En tout cas, ça apporte matière à réflexion sur ce qu’il manque a notre éducation scolaire. Merci pour ton article

  • Maye

    Je trouve ça génial, pour le coup, contrairement a pleins d’aspects de l’école au Japon. C’est tellement important ça manque énormément dans nos contrées ! En BTS j’avais eu un cours de droit basique qui m’avait appris notamment a lire un contrat de travail et savoir reconnaître les pratiques frauduleuses d’un employeur, je me souviens m’être dit a l’époque que ça aussi ça devrait être enseigné au collège ou au lycée !
    Et je suis de la team horrifiée par cette femme qui traque a ce point ses dépenses… Pour avoir vu la tronche de la viande nippone, je préfère encore m’économiser cette dépense que de l’acheter si bas prix. Tfacon quand j’habitais au Japon je ne mangeais pas du tout de viande je la trouve vraiment immonde là bas, et je n’ai jamais eu les moyens de me payer les bonnes viandes. (Ce qui m’allait bien vu l’impact de la viande sur l’écologie et le traitement des pauvres bêtes).

  • Stéphane

    Extrêmement intéressant et l’angle choisi pour cet article très original ! En tout cas, je trouve qu’il faudrait s’en inspirer en France, car ça donne les outils et une base à tous pour pour mener une vie autonome et indépendante. Le sujet du surendettement chez les particuliers en France (et en occident d’une manière générale) – d’un point de vue économique, social et psychologique- est récurrent (je le vois dans le cadre de mon travail). Du coup, je me demande si c’est un sujet dont on parle au Japon et comment il est perçu ?

  • Véronique

    Merci Amélie pour cet article très détaillé et très intéressant. L’enseignement au Japon aborde un aspect important de l’autonomie que le système scolaire français ignore, il devrait s’en inspirer…
    La difficulté de s’alimenter sainement, lorsque l’on a un budget serré, est un problème récurrent et commun à tellement de gens.
    A ce sujet, une question : le Japon connaît- il une augmentation des cas d’obésité ou de surpoids dans sa population, et, si oui, les catégories les moins aisées sont- elles les plus touchées ?

    • ameliemarieintokyo

      Merci beaucoup ! Oui, je pense que c’est une bonne base que les enfants devraient avoir quelque soit le pays.

      En effet, les statistiques d’obésité et de surpoids, bien qu’en deçà des moyennes occidentales actuelles, explosent au Japon depuis une 20aine d’années. Cela a été mis en lien avec le développement de la nourriture industrielle et des chaines de fast-food. Je n’ai pas vu d’études ou de commentaires mettant en lumière le niveau social des gens, mais je pense que c’est fortement lié à la perte de pouvoir d’achat et à un changement d’habitude alimentaire (les japonais étant présents au bureau beaucoup plus qu’avant, avec moins de ménages et plus de célibataires).

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