Covid-19 - Japon

Le Japon face au Covid-19 : télétravail, fermeture des lieux publics en cascade et rupture de stock à gogo

Le moins que l’on puisse dire est que 2020 s’annonce difficile. Je ne saurais précisément dire à partir de quelle date le Covid-19 est entré dans nos vies, mais nous sommes partis pour plusieurs semaines, sinon mois, de galères.

Et au Japon, la situation actuelle a entraîné de sérieuses conséquences sur notre vie quotidienne : bouleversement de la culture du travail, fermeture des écoles et lieux publics, magasins en rupture de stock… 

« Travaillez de chez vous ! »

Dans mon entreprise, nous mesurons concrètement les “effets du Covid-19” depuis le 26 janvier. Ce jour-là, nous avions reçu un email de notre direction nous autorisant à télétravailler si nos tâches ne requéraient pas notre présence au bureau.

Depuis, l’option télétravail sur la base du volontariat, a été reconduite jusqu’à nouvel ordre. À notre arrivée au bureau, nous devons désormais impérativement passer par les toilettes nous laver les mains avant de nous rendre à notre place. 

Bon gré mal gré, d’autres entreprises nipponnes ont mis en place le télétravail. C’est le cas de Nippon Telegraph and Telephon (NTT), leader du marché japonais des télécommunications car l’un de ses jeunes ingénieurs a été testé positif pour le Covid-19. Après la médiatisation de ce cas, NTT a publiquement déclaré mettre en place le travail à distance pour 200,000 travailleurs. C’est dans un contexte similaire que Dentsu, agence de publicité tristement connue pour ses conditions de travail épouvantables, a aussi tranché en faveur du télétravail cette semaine. 

Qu’elles soit en pratique effectives ou non, ces déclarations publiques sont marquantes dans un pays où le télétravail ne concerne que 13,8% des travailleurs (chiffre 2017). Le présentéisme est fortement privilégié au Japon.

Le problème reste alors que c’est un véritable casse-tête pour les employeurs de mettre en place le travail à distance. Les managers, comme les employés n’ont pas forcément les moyens techniques ou l’envie de changer leurs habitudes.

« Évitez les heures de pointe ! »

Les entreprises encore frileuses à l’idée de laisser leurs employés travailler de chez eux ont opté pour adapter les horaires de travail. Une solution leur permettant supposément d’éviter les heures de pointe…

Mais surtout une demi-mesure qui a fait rouler les yeux de beaucoup, car risible face au taux de congestion des transports de Tokyo en général. Conséquence ? L’heure de pointe s’est étendue de 7 heures à 10 heures avec des wagons toujours aussi bondés. 

https://twitter.com/AmelieinTokyo/status/1232560661961404416?s=20

“Évitez les rassemblements et les lieux bondés. Prenez des précautions d’hygiène.”

Le gouvernement japonais a invité avec une certaine candeur les Japonais à éviter de sortir plus que nécessaire et à rester chez eux s’ils présentent des symptômes, dont une fièvre persistante de plus de 37,5°C. Certaines entreprises ont donc commencé à accueillir leurs employés avec des thermomètres. Les personnes présentant de la fièvre sont invitées à faire demi-tour. 

Cette invitation à une “quarantaine volontaire” que seules les personnes âgées inactives peuvent sans doute suivre, fait surtout peser la responsabilité sur les individus plutôt que sur la société. Pas étonnant donc que cette déclaration a d’abord fait l’objet d’un accueil mitigé. 

En parallèle, un manuel a été publié donnant des conseils pour se protéger contre le Covid-19, comme laver son linge à 80°C (alors que les machines japonaises lavent à l’eau froide) et désinfecter sa vaisselle entre les repas. 

Fermetures en cascades pour éviter une possible épidémie du Covid-19 sur le territoire

Lieux publics

Depuis février, les Japonais ont été privés de bien des évènements culturels et sociaux, fermés au public, reportés ou carrément annulés. C’est, par exemple, la participation au marathon de Tokyo, limitée aux seuls athlètes professionnels. Les amateurs sélectionnés se sont vu offrir de pouvoir participer à la prochaine édition. La célébration publique de l’anniversaire de l’empereur, très appréciée des japonais qui viennent le saluer, a aussi été annulée.

Chaque jour nous a apporté son lot d’annonces de fermeture pour une quinzaine de jours. Ce fut d’abord le musée Ghibli, puis les parcs Disney, Universal Studio… Un coup terrible pour le secteur touristique, les hôtels faisant face à une vague d’annulation rappelant l’après 11 mars 2011. 

Reste que tenter de limiter les foules est paradoxal tant que des millions de travailleurs continuent de prendre les transports en commun dans une promiscuité idéale à la propagation du Covid-19. 

Les écoles japonaises

Jeudi dernier, le premier ministre Shinzo Abe a appelé les écoles publiques du primaire au lycée, à fermer leurs portes deux semaines avant les vacances de printemps. Une déclaration qui bouleverse le pays, les parents et les écoles manquant de directives pour s’organiser.

Et vendredi, c’est le gouverneur d’Hokkaidô qui a déclaré l’état d’urgence dans cette préfecture, lors d’une conférence de presse. Il a invité ses concitoyens à ne pas sortir du weekend et à éviter autant que possible les lieux publics, afin « de se protéger et de protéger ses proches ».

Le point sur les écoles de japonais

Les écoles de japonais ne sont pas concernées par la décision du gouvernement. Avec la rentrée d’avril qui approche, elles tentent cependant de faire face à cette situation exceptionnelle.

Pour l’instant aucune n’a décidé d’annuler le trimestre du printemps. Comme les entreprises avec les horaires de travail, certaines écoles ont changé l’emploi du temps afin d’éviter aux élèves de prendre les transports durant les heures de pointe. D’autres ont décidé de fermer leurs portes (JCLI, SNG, ARC Academy…). Certaines écoles de Tokyo ont mis en place ou vont mettre en place des cours en ligne, afin que les élèves puissent tout de même avancer dans le programme. 

Elles ont toutes mis en place une quarantaine pour les élèves arrivant de zones à risque et ont annulé la cérémonie de début d’année. 

Si vous êtes inscrits en école ou si vous vous apprêtez à partir, suivez simplement les recommandations données par votre établissement et soyez patients. 

Rupture de stock en chaine

Rien de tel que des rumeurs et la peur pour pousser les foules à se ruer dans les magasins. Les ruptures de stock s’accumulent, à commencer par les masques dès janvier. Les magasins de notre quartier ont commencé à afficher les uns après les autres des notices informant les clients d’une rupture de stock de masques sanitaires.

https://twitter.com/AmelieinTokyo/status/1233259027670302721?s=20

En ligne, sur Amazon, Rakuten et Mercari, les prix ont grimpé pour atteindre des montants proprement honteux. Les revendeurs n’hésitent pas à afficher une boîte de 30 ou 50 masques, habituellement vendue à environ 6 ou 9€, à 60, 80 voire… 144€ !

Quand bien même leur réelle utilité est mise en doute pour se protéger contre le Covid-19, il reste que les masques sont très importants en cette saison de rhume des foins. Les japonais sont particulièrement touchés par les allergies printanières et le masque est très efficace contre les pollens.

Les lotions hydro-alcooliques et produits désinfectants aussi en rupture de stock à l’échelle du pays.

Lotions hydro-alcooliques, lingettes désinfectantes et alcool ménager ont aussi été victimes de leur succès. Que ce soit dans les supermarchés, les drugstores ou les konbini, ces rayons sont tristement dégarnis.

Un problème lorsqu’on sait que, malgré leur propreté, les lieux publics, et en particulier les toilettes publiques des gares, mettent rarement à disposition du savon pour se laver les mains. La seule solution que je peux vous offrir est d’avoir une petite bouteille de savon liquide sur vous. 

Les magasins, eux, ont opté pour mettre de grosses bouteilles de lotions hydro-alcooliques à l’entrée, invitant les clients à se désinfecter les mains avant d’entrer. Encore faut-il que les gens aient les bons réflexes d’hygiène ! 

… Une aubaine pour ce magasin de liqueur !? 

https://twitter.com/D_s54/status/1232665492755607552?s=20

Qu’est-ce que le Spirytus et les désinfectants ont en commun… ? Une haute concentration en éthanol, pardi !

Le Spirytus est un spiritueux polonais, l’un des plus forts du monde avec 95% d’alcool dans sa forme non diluée. Argument de vente de ce magasin ? « Vous pouvez l’utiliser comme antiseptique aussi. » 

La ruée vers le papier-toilette et les protections hygiéniques.

C’est une rumeur urbaine classique au Japon lors de catastrophe naturelle, le pays serait au bord de la pénurie. Malgré des appels au calme par les producteurs eux-mêmes, la population japonaise a paniqué et s’est ruée sur les rayons.

Entraînant par la même un effet prophétie autoréalisatrice. Oups. 

 

https://twitter.com/YfHar/status/1233358230979411969?s=20

 

Du PQ au reste des produits de la vie courante, il n’y avait qu’un pas que les japonais semblent franchir ces derniers jours… 

https://twitter.com/AmelieinTokyo/status/1233876490363658241?s=20

Côté nourriture, le riz, les nouilles instantanées, mais aussi certains fruits et légumes, la viande, ont disparu des rayons dans certains coins. Sans doute la crainte de devoir rester chez soi plusieurs jours a-t-elle poussé les japonais à faire des réserves.

Une façon d’acheter plutôt inhabituelle au Japon où l’on fait ses courses quotidiennement. Cela explique en partie pourquoi les magasins peinent à faire face à cette demande en forte hausse et à restocker les rayons.

Au delà des ruptures de stock, le mal dont l’homme est capable sous l’effet de la peur. 

Rien de tel que la peur d’un ennemi invisible pour raviver nos pires travers.

Lorsque ce n’est pas un restaurant de ramen qui décide de ne servir “que” les Japonais ou le racisme ravivé à l’égard des étrangers, c’est le rejet des membres de la Japanese Association for Disaster Medicine (JADM) qui mettent pourtant leur vie en danger pour s’occuper des patients atteints du Covid-19.

Ainsi les équipes médicales qui se sont rendues sur le Diamond Princess ne sont-elles guère remerciées pour leur sacrifice, harcelées par leurs collègues et employeurs. Cet harcèlement s’est par ailleurs étendu à leur famille. Des écoles et garderies refusent d’accepter leurs enfants et leur demande de les garder à la maison… 

La question à 1 million de yen : que va-t-il se passer ces prochaines semaines et quid des jeux olympiques ? 

Sans céder à la panique, je crois normal d’être perdu et nerveux face à la situation. Nous pouvons commencer par adopter une hygiène exemplaire et prendre des précautions afin de ralentir la propagation du virus et protéger les plus fragiles. Grâce aux efforts individuels, les experts ont d’ailleurs constaté une baisse impressionnante des cas de grippe saisonnière. Moins 4 millions de malades par rapport à 2019, rien que ça !

Et si le Japon semble perdre les pédales, c’est bien à cause de l’apparente inaptitude du gouvernement, sinon à agir efficacement, au moins à rassurer face au Covid-19. Je ne vous cache pas que nous sommes plongés dans l’incertitude quant à ce qu’il va se passer dans les jours et semaines à venir… 

Dans ce climat tendu, un foyer de contagion au Japon tient du scénario catastrophe, de ceux que l’on préfère voir au cinéma plutôt que de le vivre. Et si la mairie de Tokyo tient mordicus à ses Jeux olympiques, la question est sur les lèvres de beaucoup de Japonais. Face au Covid-19 les Jeux auront-ils lieu en toute sécurité ?

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5 Comments to “Le Japon face au Covid-19 : télétravail, fermeture des lieux publics en cascade et rupture de stock à gogo”

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