plan - faire construire sa maison au Japon

Faire construire sa maison au Japon

Avant que la pandémie ne démarre et que la Covid ne précipite le monde dans la tourmente, nous envisagions soit d’acheter, soit de faire construire une maison au Japon. Pendant plus d’une année, nous avons regardé les sites immobiliers (athome, SUUMOcomparant les maisons neuves et anciennes, et l’intérêt ou non de faire construire.

Je me suis rendue compte que ce n’était vraiment pas une décision facile à prendre pour moi. Faire un choix revenait à fermer la porte à tout un tas de possibles. Et équivaut à une installation vraiment permanente dans mon pays d’adoption. Financièrement, acheter ou faire construire au Japon n’est pas forcément un investissement. Bien sûr, c’est à nuancer. Comme l’indique ce classique cliché anglophone de l’immobilier,  location, location, location, acheter ou faire construire dans la pampa japonaise ou à Tokyo change la perspective sur le sujet.

Acheter dans l’ancien fut trop compliqué.

J’ai eu beaucoup de coup de coeur pour de grands maisons à rénover dans la banlieue de Tokyo. Mon japonais de l’immobilier étant limité, il est vrai que je m’arrêtais sur les photos, les plans, et les bons points. Mon mari, lui, avait plutôt tendance à répérer en trois secondes les defauts. La majorité de ces défauts étaient liés à l’emplacement sur les cartes des risques naturels (incendie, inondation, glissement de terrain). S’ajoutait ensuite le type de construction et l’étendue des travaux à prendre en compte. Si je suis heureuse aujourd’hui, j’ai toujours un petit pincement au coeur lorsque je repense à une vieille maison qui avait une salle de bain avec bain en pierre, option vue sur la montagne du côté du Mont Takao. Heureusement, le pragmatisme de mon mari a arrêté mes délires de grandeur. 

Out, l’ancien. 

Acheter dans le neuf ne me plaisait pas du tout

Délires de l’ancien mis à part, je suis une pragmatique dans l’âme. J’ai en horreur l’inutile et l’espace gâché, à commencer par des chambres trop grandes, les walk-in-closets, les enrées gigantesques et les escaliers ouverts. Pas de bol, c’est la grande mode du moment au Japon. Je conçois tout à fait que ce soit chouette et sur le principe je ne dirais pas non. À la condition que l’on parle d’une maison avec une jolie surface de 120 m2. Or au Japon, les maisons rapetissent. Pardon, je précise : les maisons tenant raisonnablement dans notre budget. C’est sûr que Crésus peut se payer la baraque à 1億円 (618,000€), mais bibi a plutôt le budget middle class.

Out, le neuf.

Construire sa maison au Japon (et devenir fou…)

Avant de me jeter dans le vif du sujet, une autre option a temporairement été sur le tapis : nous installer chez mes beaux-parents. Ils étaient prêts à faire rénover leur maison pour ajouter une annexe. Sur le papier, c’est pas bête et financièrement, c’était aussi faire une moins grosse dépense. En prime, le Japon offre pas mal d’avantages financiers lorsque des rénovations sont entreprises pour que trois générations vivent sous le même toit (sous la forme d’éxonérations fiscales). Après avoir pesé le pour et le contre, nous avons décliné leur proposition. Je les aime beaucoup, mais me connaissant, je ne crois pas que j’aurais pu m’acclimiter à ce modèle familial si typique au Japon.Nous voilà donc à faire le tour de l’industrie de la construction. Les trois leçons de ceux qui sont passés par là apprises au début de notre aventure se sont révelées des prédictions. On en rigole aujourd’hui.  

  1. Vous n’aurez jamais assez de prises électriques.
  2. Vous aurez les batteries tellement à zéro à la fin de la procédure que vous raterez forcément un truc.
  3. Vous aurez toujours des regrets. 

Nous avons commencé avec le site SUUMO.

Le site SUUMO est un géant de la référence immobilière au Japon. Ils ont une section dédiée aux constructeurs, à partir de laquelle on peut envoyer de multiple demandes d’information ou de brochure. Au fil des semaines, nous avons reçu et feuilleté un bon nombre de catalogue avec des modèles de maison fantastiques. Fantastique ou presque, puisque je retrouvais systématiquement les points négatifs que je repprochais au neuf. Vous me direz : ce sont des modèles, à vous de vous projeter. Première difficulé : mon mari et moi sommes incapables de nous projeter dans l’espace. Cette incapacité a été un vrai obstacle lors de nos premiers contacts avec des constructeurs et architectes. Je tiens à dire que nos rendez-vous les moins productifs ont d’ailleurs eu lieu avec des cabinets d’architectes. Nous avons vite préféré nous tourner vers les constructeurs qui certes, partent de modèles prédéfinis, mais qui offrent au moins une idée claire du budget et des possibilités de personnaliser les plans. 

Nous avons eu rendez-vous avec plusieurs constructeurs dont Hebel House et Sekisui House. Deux constructeurs bien installés et très distincts dans leur approche. Autant le vendeur de Hebel House nous a démontré l’avantage de la maison cube (littéralement, un cube; la structure est préfabriquée en usine et livrée sur le terrain), autant Sekisui House est dans le grand standing. Les deux nous ont perdu en cours de route. Le vendeur de Sekisui House après trois heures trente d’explication sur leur système d’aération et d’isolation, vidéos techniques à l’appui. Cette démonstration nous a traumatisé, on en parle encore. La maison de démonstration était cependant sublime (et hors budget, passons). 

L’inattendu, avec YouTube

Au bout de six mois, les catalogues et leurs pages glacées très peu informatives nous ont lassé. On est au pic de la pandémie, cloitrés chez nous, sauf lorsqu’on part à la chasse au papier-toilette. On se tourne vers YouTube et devient accro à deux chaines : Ace et Hapinice

La pandémie a bouleversé le petit monde de la construction, les clients étant moins enclins à se rendre dans les bureaux et maisons de démonstration des constructeurs. Je ne sais pas si le marché fonctionne de la même manière en France, mais au Japon c’est vraiment tout un univers qui repose énormément sur le déplacement physique des clients. C’est dans ce contexte que Ace, commercial, a lancé sa chaine pour y présenter les profils d’entreprises, leurs qualités et comment elles se situent les unes par rapport aux autres. 

Le marché est divisé entre trois groupes (corrigez moi si je me trompe) : les très grands constructeurs (大手メーカー), les constructeurs d’envergure plutôt régionale (ハウスメーカー) et les constructeurs locaux (工務店). Les deux premiers groupes sont un peu kif kif bourricot. Ils ont inventé la maison en tant que produit, avec une marge de manoeuvre limitée pour la personnalisation des plans. Le dernier groupe doit généralement travailler avec un architecte (soit de la maison, soit que les clients embauchent en parallèle). Côté coût de la baraque, ça se mesure en 坪 (unité de surface), c’est à dire qu’on vous donne une estimation de ce qu’une maison d’une certaine taille peut coûter avec telle ou telle entreprise. L’avantage de la maison “prédécidée” est qu’on vous dit que 90 m2 ça coûte X si vous ne faites pas trop de folie dans les changements de plan. Pour rajouter une couche de complexité, tout ce joyeux monde se divise entre le top du top (avancez les pépettes) et les maisons low-cost (attention, ça peut mal tourner).

Hapinice, lui, est constructeur (工務店). Il a lancé sa chaine de vulgarisation pour expliquer tout ce qui entre en compte lorsque l’on fait construire, que cela soit le choix du sol, du revêtement, du toit etc. Il est hyper clair et organisé et nous avons appris plein de choses grâce à lui. Si vous apprenez le japonais, sa chaine est aussi une mine d’or pour glâner de nouveaux mots !

Nous avons regardé d’autres chaines, dont Osumai No Concierge. C’est un consultant assistant ses clients à mieux communiquer leur besoin avec leur constructeur. Ses services sont les bienvenus pour quiconque entreprend de construire en passant par un cabinet d’architecte. Ses videos sont plus dures à avaler car il est très détaillé. Pour la petite histoire, c’est lui qui nous a influencé pour le choix de nos fenêtres. Il trouve très laid les maisons dont les fenêtres ont trente six mille tailles et formes différentes et recommande de recherche un certain équilibre. Si l’apparence extérieure compte à vos yeux bien sûr. 

Faire construire sa maison au Japon - extérieur

Notre choix de faire construire notre maison avec Yamato Juken

Au hasard de nos recherches YouTube, nous sommes tombés sur la chaine d’un constructeur qui nous a fait mourir de rire. Honnêtement, je ne suis toujours pas sûre de savoir si leurs délires vidéos tiennent du génie marketing ou d’une nullité involontaire touchante. Eux aussi ont senti le vent de la pandémie réduire leurs bonus à peau de chagrin. L’équipe commerciale d’une des branches s’est donc lancée dans des vidéos de démo et d’explication très drôles et pas prises de tête pour passer le temps. Leur patron aussi a créé sa propre chaine où il explique plutôt des sujets compliqués comme le marché du bois au Japon ou la question de l’emprunt immobilier. Encore une fois, si vous apprenez le japonais et que ces questions vous intéressent, c’est une chaine très bien pour l’apprentissage. 

Dans tous les cas, nous devions correspondre pile au public visés : des trentenaires un peu perdus, ayant du mal à nous projeter et trouvant le contact ultra guindés des autres constructeurs difficile à gérer. En somme, Yamato Juken c’est un peu être reçu à la bonne franquette. La branche de la chaine YouTube en question était trop loin de chez nous. Nous avons donc contacté celle de notre région. Ils étaient un poil moins rigolo, mais nous ont reçu chaleureusement et sans chichi. Cela nous a vraiment marqué.

Notre commercial a du nous faire signer le contrat en se disant qu’il allait souffrir à donf avec nous. Nous l’avons fait faire et refaire des plans de maison une bonne dizaine de fois avant de nous engager. En réalité, je crois qu’on a été des clients en or.

La procédure entre la signature du contrat et la finalisation des plans prend entre 3 et 6 mois. Un gros souci qu’ils rencontrent avec les clients est l’envie d’aller vite, trop vite. Lorsqu’il nous a dit que ce ne serait sans doute pas possible de livrer la maison dans l’année, on lui a dit aucun souci. Je peux vous dire que ça lui a coupé le sifflet. Quand il nous a expliqué qu’ils essayaient de construire au plus vite, mais qu’il fallait s’attendre à des délais parce que, quand même, on respecte le droit du travail, mon mari lui a dit qu’il ne voulait surtout pas que les ouvriers soient forcés de faire des heures non payées pour que ça soit livré dans les temps. Limite, à dire qu’ils devraient même prendre des vacances. Deuxième période d’aphasie pour le pauvre bonhomme. 

En principe, ils incluent à la louche 10 heures de rendez-vous maximum avec l’architecte, après quoi on obtient le label client relou. En deux rendez-vous nos plans étaient finalisés, et nous passions à de détails épouvantables tels que les prises électriques (on en a rajouté à la pelle, mais on en a jamais de trop malheureusement). Voila l’intégrale de l’équipe (architecte, commercial et assistant) transformée en carpe.

Faire construire sa maison au Japon - plan du rdc

Plan du rdc

Faire consruire sa maison au Japon - plan du 2ème étage

Plan du 2ème étage

Suivait ensuite la partie décoration d’intérieur (en fait le choix des revêtements extérieurs aussi). Jusqu’à 4 rendez-vous de deux heures étaient inclus. On s’en serait tenu à un seul, mais notre décoratrice voulait être certaine que nous n’étions pas tombés sur la tête lorsqu’on a dit “tout noir dehors, tout blanc dedans.” Je simplifie bien sûr, parce que, mon dieu, il fallait décider jusqu’au type de poignée de porte que l’on voulait. Nous étions plus unis que jamais dans notre objectif de nous sortir de cet océan de choix. 

À une seule exception. La cuisine. 

Lorsque nous avons signé pour la maison, cela incluait sa construction et son équipement. Nous avons reçu un catalogue de fournisseur (Toto, Panasonic etc.) et nous pouvions, de manière limitée, choisir notre équipement.

Faire constuire sa maison au Japon - exemple de catalogue Toto

Il fallait pour cela visiter les show room et leur donner la référence de notre contrat de construction. Sur place, vous choisissez ce qui est prévu dans le contrat et pouvez éventuellement choisir des options, inclues ou non. Nous avions en tête une plaque de cuisson très, très précise et n’avons pas hésité à dévier du contrat (un an et demi plus tard je regarde toujours ma plaque avec amour). Nous avons été touché par le zeitgesit de l’année, car Panasonic a eu une demande telle pour ce modèle que nous avons été livré avec (grand dieux !) 10 jours de retard. 

On a trébuché sur la dernière étape : l’extérieur

Une fois les plans décidés, les détails réglés, il reste l’étape du 外構. Le constructeur prend rarement en charge le terrain autour de la maison. C’est-à-dire qu’on vous livre la maison, une ou deux marches devant la porte d’entrée, et le reste du terrain est en friche. Il faut passer par une entreprise de travaux extérieure. Or, celle suggérée par notre constructeur nous avait causé quelques soucis en début de parcours (ce sont eux qui ont préparé le terrain avant la constructure et il y a eu du drame). Or de question donc, de repasser par les mêmes zigotos. Le superviseur de notre chantier (監督), un gars en or, nous a filé la référence d’un copain. Je voulais un jardin, mon mari surtout pas, et la banque était plutôt en sa faveur côté budget. De guerre las, on est parti sur du gravier (une période que j’espère temporaire) et du béton (c’est pas vert, j’en conviens). Et la boite aux lettres est placée tellement bas que je me pète le dos à chaque fois que je l’ouvre (ce qui explique que je l’ouvre une fois par semaine). Je caresse toujours l’idée de faire du malheureux bout de terrain qui nous reste une oasis. Je serai probablement à la retraite d’ici là !

La construction de la maison de décembre à mai

Les plans fixés, approuvés par le cabinet d’architecte et respectant loi et réglement, l’équipement choisi, le budget final adopté, nous étions plus que dans les temps pour le démarrage du chantier. De mémoire, il fallait un petit mois pour préparer le terrain (décembre), deux mois jusqu’à la mise en place du toit (fin février), et deux autres mois pour finaliser le tout (à la force d’une paire de bras seulement, notre maison tient debout grâce à un pépé constructeur sorti du fin fond de Saitama). Le retard de Panasonic nous a mené à une fin de chantier à la mi-mai et nous avons emménagé début juillet. Soit dit en passant, je ne recommande à personne de déménager avec un nouveau né sur les bras.

Des regrets ? Quelques uns. Les prises électriques (je vous jure, ça me poursuit). Le parquet, un peu. Non pas qu’il soit trop problématique. Mais nous étions tellement sur les rotules que nous avons choisi sur papier plutôt que de faire le chemin jusqu’au showroom. Si j’avais su la puissance destructrice d’un enfant de un an et demi, j’aurais peut-être opté pour un modèle plus résistant (si tant est que cela existe). Des fenêtres un peu plus grandes aurait été appréciable. Mais nous sommes dans une zone résidentielle catégorie 3 pour les incendies, obligés donc d’opter soit pour du triple vitrage avec volet roulant, soit pour des fenêtres avec une sorte de grillage intégré qui casse la vue (faute de vocabulaire approprié, je décris le style). Autant vous dire que les fenêtres c’était un gros budget dépense dans le total.

J’ai oublié bien des détails, dont le nombre de rendez-vous que l’on a fait, l’heure complète que mon mari et moi avons passé à TAMPONNER TOUTES LES PAGES du contrat et des plans de construction UNE PAR UNE, les questions notariales, mon nom à rallonge qui a fait bugué la mairie pour l’enregistrement de la propriété tout ça, tout ça…

One Reply to “Faire construire sa maison au Japon”

  • Olivier

    Super article très détaillé et informatif, merci pour ce retour d’expérience. Le choix d’un constructeur est finalement aussi compliqué quelque soit le pays.

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