Les étudiants japonais en échange universitaire, plus sensibles à la dépression ?
- Amélie Marie
- 20 janvier 2020
- Société et Culture Japonaise
Les voyages forment la jeunesse. Mais pas au Japon.
Mon aventurier de mari a eu la bougeotte très jeune. À 16 ans, il explorait déjà la Russie avec un premier séjour à Vladivostok. À l’université, il a l’opportunité de faire un rapide échange linguistique à Oxford, puis à Moscou puis enfin, une année à Tashkent, en Ouzbékistan. C’est à Moscou qu’il finit ses études avec 2 années de Master à MGIMO.
En bref, monsieur a un parcours plutôt hors norme, surtout lorsque l’on considère que très peu d’étudiants japonais feront un échange universitaire au cours de leurs études. Une tendance à la baisse, même avec une chute drastique entre 2004, avec plus de 82,000 étudiants, et 2011 : ils ne sont plus que 57,000.
Toujours est-il que, alors qu’il préparait son séjour en Ouzbékistan, le bureau des échanges universitaires de son université l’a mis en garde.
« Les garçons encourent un plus grand risque de ne pas se remettre du choc culturel et de tomber en dépression. Les filles, elles, sont plus fortes psychologiquement.”
Une phrase qui a dû le marquer pour que, 8 ans plus tard, elle tombe sur le tapis alors que nous discutions d’un nouveau scandale de discrimination au concours d’entrée d’une université de médecine. Celle-co, située à Kawasaki, retirait des points aux candidates – voir, leur retirait des points en fonction de leur âge. C’est le ministère de l’éducation qui, considérant le taux extrêmement faible d’étudiantes dans cette université, a mené une enquête. Un scandale tel que certains proposent de renommer cette fac « l’université du zizi ».
Le lien avec la dépression des étudiants japonais à l’étranger ?
À ses yeux, cette dépression des garçons pourrait être expliqué par la position que tiennent les hommes japonais au sein de la société au Japon.
« Ils sont privilégiés, protégés, favorisés. Ils n’ont aucune idée des difficultés et discriminations que les japonaises vivent au quotidien. Mais lorsqu’ils partent à l’étranger, ils perdent leur statut. Ils sont confrontés à des sociétés plus égalitaires. Et puis, genre mis à part, en tant qu’étranger, plus rien ne leur est facilité. »
Pour lui, ces hommes japonais étudiants ou travailleurs, qui ont vécu à l’étranger et l’ont mal vécu, tendent à devenir des neo-nationalistes. En japonais, netto-uyoku. Ce terme désigne des internautes, qui cachés derrière leurs écrans, répandent leur haine xénophobe et particulièrement misogyne (au nom de la gloire du Japon). Ce n’est qu’une réflexion personnelle, il est vrai, mais pas dénuée de raisons.
Cela va en tout cas de pair avec des propos que l’on m’a tenus, et que j’ai pu moi-même sans doute tenir au tout début. Cette idée que les “femmes étrangères” font peur aux hommes japonais parce qu’elles sont libres et fortes de caractères.
Aujourd’hui, je réalise que non, les femmes étrangères ne sont pas particulièrement “fortes” de caractère. Elles sont tout ce qu’il y a de plus normal. En revanche, certains hommes japonais se révèlent être de gros bébés s’attendent à ce que les femmes soient dociles, soumises et mignonnes.
Un point sur la place de la femme au Japon | Amelie Marie In Tokyo
[…] rencontrent. Car la discrimination débute dès l’école et se cristallise lors des concours d’entrée à l’université. Aussi, le diplôme en poche et le premier boulot décroché, n’ont-elles pas envie de […]
Charlotte
Comme toujours, j’adore tes articles qui, bien qu’ils parlent de sujets sensibles, sont toujours instructifs, jamais gratuits et bien mesurés. En plus, tu utilises des structures grammaticales avancées donc je pense l’utiliser avec mon étudiant japonais dans le cadre du baccalauréat international de français. Lui fait le parcours inverse, il rentre au Japon après des années d’expatriation et va s’inscrire comme étudiant gaijin à Waseda.
ameliemarieintokyo
Bonjour Charlotte, merci beaucoup de ton commentaire qui me touche, vraiment beaucoup. Je n’en mérite pas tant ! Je souhaite un bon courage à ton étudiant :). Waseda est dans un quartier fantastique et vraiment, je pense, une bonne université avec plus d’ouverture que d’autres. J’espère que cette nouvelle expérience va lui plaire !
mlsre
Bonjour Amelie Marie. あけまして おめでとうございます!
Toujours très intéressant tes articles, j’en apprends plus chaque fois. Merci pour ces partages, ça permet aussi d’ouvrir les yeux sur un pays qui est parfois tellement idéalisé… (j’avoue).
Je crois que quel que soit le pays, les femmes sont en effet plus fortes ;o) Il le faut!
Daniel
C’est peut-être la raison pour laquelle le procureur de Tokyo a interdit à Carole Ghosn de venir voir son mari au Japon… « On ne peut la faire taire » aurait-il déclaré ! D’une manière générale, j’aimerais beaucoup avoir votre opinion (même en message privé si vous préférez) sur le ressenti des japonais par rapport à Carlos Ghosn, son parcours chez Nissan, son arrestation et sa fuite… Merci beaucoup, j’adore vos articles !
ameliemarieintokyo
Merci beaucoup, cela me touche énormément :). Promis, je vais ficeler quelque chose à ce sujet, j’ai dernièrement vu des sondages du « japonais de la rue » passer, cela me donnera un peu de matière. Les japonais que je fréquente sont très internationalisés, aussi pour eux, que Ghosn soit coupable ou non, le souci réside en effet dans le double standard de la justice japonaise. À même faute, un japonais aurait eu une petite tape sur les doigts…
Linette
Cette mentalité est très rétrograde, même en France il y a du progrès à faire. J’ai été surprise de m’apercevoir que l’époque médiévale en France par certains côtés était plus ouverte aux femmes. Formidable plus le temps avance plus on RECULE, pauvre humain.
ameliemarieintokyo
Merci de votre passage ici ! En effet, je ne pense pas que cette mentalité se limite aux japonais. Ce n’est sans doute pas pour rien que tant d’hommes occidentaux fantasment la femme japonaise, docile et parfaite ménagère…