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Devenir infirmière au Japon : le parcours de Serena pour faire reconnaître sa formation et obtenir le droit d’exercer

L’entretien que je vous présente aujourd’hui me tient particulièrement à cœur et pour cause, le parcours de Serena est unique, passionnant et impressionnant. Elle est la première française à devenir infirmière au Japon après avoir passé le même examen que les étudiants japonais. Un parcours de longue haleine requérant notamment une maîtrise parfaite du japonais.

J’ai rencontré Serena dans un wagon de la ligne Oedo, en route pour Roppongi, le quartier des boites de nuits. Nous allions fêter le réveillon du nouvel an avec des amis. Si j’ai un souvenir un peu mitigé d’une soirée piégée dans une foule compacte et passablement éméchée, j’ai en revanche gagné une super bonne amie.

Le grand départ pour le Japon

Amélie : Tout d’abord un immense merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions sur ton parcours pour devenir infirmière au Japon. Cela m’a vraiment fait plaisir que tu acceptes de partager ton expérience. Je pense qu’elle intéressera beaucoup de personnes. Avant de rentrer dans le vif du sujet, et afin que l’on comprenne un peu ton parcours pour devenir infirmière au Japon, peux-tu nous dire d’où tu viens, quand tu es arrivée au Japon et ce qui t’as motivée à découvrir le pays du soleil levant ?

Serena : Je viens de Marseille et je suis arrivée au Japon en 2012, à 21 ans. Comme beaucoup d’autres personnes de ma génération sans doute, mon intérêt pour le Japon est né des dessins animés et mangas populaires en occident à l’époque. Adolescente, j’aimais beaucoup la J-pop (ndlr : pop japonaise). J’ai eu envie de changer d’air et d’aller voir ailleurs, le Japon comme destination m’est venu tout naturellement. J’ai embarqué seule dans un avion pour la première fois de ma vie (oui !) fin 2012, pour une grande aventure direction Tokyo.

Amélie : Franchement chapeau ! J’avais la bougeotte comme toi à cet âge, mais je ne pense pas que j’aurais eu le cran de sauter dans le vide comme cela. Cela fait donc environ 8 ans que tu es ici… C’est que la vie au Japon te plait ?

Huit ans plus tard, Serena est toujours à Tokyo

Serena : Au tout début, je me suis émerveillée devant chaque arbre, buisson et feuille sur ce sol sacré nippon (rires). Mais l’euphorie a doucement laissé place à un quotidien plus réaliste. Avant même que je m’en rende compte, huit ans s’étaient déjà écoulés !

Si je suis toujours ici après tout ce temps, c’est que la vie locale me plait bien. Le Japon a beaucoup de points positifs – qui sonnent sans doute un peu cliché ! : sentiment de sécurité, la richesse culturelle du pays, le quotidien pratique avec une flopée de destinations magnifiques à visiter à travers le pays…

Cela étant dit, pour moi, c’est Tokyo ou rien !!  Vive la vie urbaine ! Je suis née et ai grandi à Marseille, autant dire que je suis une fille de la ville. J’adore mes excursions dans la campagne japonaise, mais pour un laps de temps limité (rires).

Amélie : Je te rejoins entièrement, Tokyo est magique.

Serena : Oui ! J’adore Tokyo car on y trouve un nombre illimité de choses à faire, à expérimenter, et je ne me vois simplement pas habiter ailleurs.

Amélie : As-tu vécu des difficultés dans ta vie ici cependant ?

Serena : Hmm, je dois dire que en tant que occidentale blanche, je pense avoir été relativement épargnée par la discrimination. J’ai tout de même eu affaire à des employés d’izakaya (ndlr : restaurants) un poil xénophobes… Mais être une française sachant parler japonais et montrant un désir de se fondre dans la masse a joué en ma faveur. Je n’ai pas rencontré de difficulté à trouver un emploi, par exemple, ni à m’intégrer socialement. 

Amélie : Je crois que cela fait écho avec ma propre expérience qui est plutôt positive, hormis quelques accroc ici et là. Cependant, comme tu l’expliques bien, nous sommes privilégiées. C’est important de le reconnaître et de le souligner. Tous les étrangers ne bénéficient pas du même accueil. 

L’apprentissage du japonais, de la France au Japon

Amélie : Tu expliques parler japonais, peux-tu nous en dire plus ? Moi qui te connais, je sais que ton niveau est absolument bluffant !

Serena :  Franchement, c’est une idée qui a germé dans mon esprit un peu par hasard alors que j’étais encore en France. Pour la petite anecdote, je regardais une émission pour jeune public qui présentait de nouvelles sorties littéraires. Dans le lot se trouvait un manuel de japonais pour débutants, dont le concept se basait sur une utilisation intuitive de vignettes de type manga. Les livres de cette série avaient l’air de rendre l’apprentissage accessible et relativement simple.

L’idée de pousser mon intérêt pour la culture japonaise d’un cran m’a séduite. J’ai commandé le premier tome sur internet. Quelques jours plus tard je m’efforçais de mémoriser les hiragana puis les katakana et ainsi de suite. En quelques mois, j’étais familiarisée avec les kana, la grammaire pour débutants et environ 200 kanji.

Amélie : Cela m’impressionne déjà ! Si j’avais un peu de curiosité pour la langue, je ne m’y suis sérieusement attelée qu’une fois mise au pied du mur… C’est-à-dire que j’étais à Tokyo et qu’il fallait bien s’y mettre (rires).

Serena : (rires) Pour moi ce n’était qu’un passe-temps, sans pression ni contrainte. Encore à ce stade, l’idée même de me rendre un jour au Japon ne m’avait pas effleuré l’esprit ! Ce n’est que quelques mois avant la fin de mes études d’infirmière que mes perspectives d’avenir ont changé radicalement. J’ai vu par hasard (le hasard encore !) une publicité sur internet promouvant un voyage linguistique à Kyoto.

Partir avec une école de langue

Serena : Les rouages dans mon cerveau se sont subitement emballés. Après quelques rapides recherches supplémentaires, mes projets post-diplôme à Marseille sont passés à la trappe. J’ai décidé de m’inscrire dans une école de japonais à Tokyo pour une durée initiale de deux ans. J’ai cependant terminé mes études et obtenu mon diplôme infirmier avant de m’expatrier.

Amélie : Je me permets de faire un petit aparté ici, car travaillant avec des écoles de japonais, j’ai souvent des demandes venant de personnes encore étudiantes, tellement impatientes de s’envoler qu’elles ont souvent envie de mettre leurs études de côté. Cela me touche beaucoup et je comprends tout à fait ce désir. Mon rôle est d’encourager à vraiment prendre le temps de peser le pour et le contre avant de prendre une décision radicale. Loin de moi l’idée de forcer quelqu’un à finir une formation si le cœur n’y est plus, mais il est important que le projet soit mûrement réfléchi !

Serena : Je crois aussi qu’il est important de prendre son temps avant de se lancer. C’est un sacré investissement financier aussi. Mon apprentissage en école n’aura finalement duré qu’un an et demi, dont je garde d’excellents souvenirs. Je me risquerais même à dire qu’il constitue mes meilleurs moments au Japon et j’en suis nostalgique.

Une expérience réussie 

Serena : Je ne regrette pas d’avoir choisi cette école en particulier. Les cours étaient intéressants, immersifs et amusants. L’école proposait régulièrement diverses activités extra-scolaires et des cours avancés pour les étudiants se destinant à passer le JLPT ou entrer à l’université. Les professeurs utilisaient une méthode particulière mais diablement efficace pour enseigner les bases grammaticales. Il me semble que tu en as aussi connaissance ?

Amélie : Oui ! Je travaille avec eux et c’est de très loin mon école préférée.

Serena : Je les recommande chaudement (rires).

Serena : Bien entendu, l’apprentissage du japonais comporte de sacrés défis. Selon moi, la structure grammaticale n’est pas vraiment difficile (elle est bien plus aisée qu’en français !). Mais le japonais comporte énormément d’éléments hiérarchiques. On ne parle pas du tout de la même manière à un ami ou à un supérieur.

Et une personne rencontrée dans la rue ne vous parlera pas de la même façon que l’employé du konbini. Cet aspect de la langue m’a souvent amenée à devoir me préparer psychologiquement avant de passer un coup de téléphone en japonais (rires). L’écriture demande aussi naturellement beaucoup d’entraînement pour être maîtrisée, comme les fameux non-dits assez présents en japonais, ce principe qui veut qu’on n’exprime pas nos réels sentiments mais que l’on fasse preuve de bienséance… Bref tout ce qui fait le charme complexe mais irrésistible de la langue nippone.

Conseils d’apprentissage

D’ailleurs, Si je devais donner quelques conseils personnels, ce serait tout d’abord de se concentrer sur les Kana afin de ne plus s’appuyer sur les ローマ() rômaji (alphabet latin) le plus tôt possible.

Utiliser uniquement les caractères japonais dès le début de l’apprentissage contribue énormément à l’immersion linguistique. Exercer son oreille est également essentiel pour progresser.

C’est ce qui m’a fait défaut durant mes premières années à Tokyo et c’est pourquoi je regrette de ne pas avoir acheté une télévision ou investi plus de temps à regarder des émissions, films ou dramas japonais… Il est évident qu’avoir l’occasion de parler et échanger avec les japonais est le meilleur moyen pour délier sa langue et mettre en pratique ses acquis donc expérimentez et ne soyez pas timides, osez si vous le pouvez !

Dans tous les cas, quelle que soit l’école (ou apprentissage autodidacte), je pense que pour peu que l’on soit sérieux et investi, les résultats positifs ne tardent pas. Mon niveau de japonais s’est amélioré assez rapidement et mes bons résultats scolaires m’ont permis d’être sélectionnée pour bénéficier d’une bourse d’études mensuelle assez conséquente pour payer mon loyer.

Travailler tout en étudiant et la recherche d’une voie pour devenir infirmière au Japon

Amélie : Travaillais-tu lorsque tu étais étudiante en école de japonais ?

Serena : Oui, quelques mois après mon arrivée au Japon, j’ai facilement décroché un boulot à temps partiel de professeur d’anglais dans une école. Plus tard, j’ai amélioré mes revenus par des cours privés et indépendants de français, anglais et japonais.

J’ai cumulé ces deux activités jusqu’en 2017 pour finalement me concentrer sur les cours privés, qui me laissaient plus de liberté au quotidien. Je précise que je ne possède aucun diplôme d’enseignement, n’ai suivi aucune formation particulière et que mon niveau d’anglais relativement correct fut suffisant pour obtenir mon premier travail !

Amélie : Encore une fois, bravo. J’ai donné des cours de français, pendant environ un an. L’expérience que j’en retire est plutôt mitigée. Je prends plaisir à faire la conversation, mais je me mettais trop de pression à préparer des cours complets… Durant tes études de japonais, avais-tu en tête de rester au Japon ensuite ?

Serena : Eh bien, durant mes études de japonais, il m’est clairement apparu que je ne rentrerais pas de sitôt en France. Ma vie à Tokyo me plaisant beaucoup, j’ai commencé à songer à rester. En revanche, j’étais consciente que j’avais tout intérêt à améliorer mes capacités linguistiques si je voulais avoir un quelconque avenir professionnel et social dans ce pays. Je me suis donc inscrite pour le JLPT N2 en 2013, après un an en école.

Un premier tâtonnement 

Amelie : Une fois le JLPT en poche, as-tu tout de suite envisagé de devenir infirmière au Japon ? Ou as-tu exploré d’autres pistes ?

Serena : Pour rester et m’épanouir au Japon, j’ai dû sérieusement envisager des alternatives professionnelles. Aux alentours de 2014, je songeais à enfin quitter mon école de japonais, mais me demandais désespérément quoi faire de ma vie… Mon niveau n’était pas trop mal, aussi j’ai caressé un instant l’idée de devenir interprète-traductrice. Mais j’ai écarté ce projet rapidement, car il ne m’emballait pas plus que cela.

C’est sans doute à ce moment là que j’ai songé à devenir infirmière au Japon, afin de revenir à ma formation de base. Mais je ne me faisais pas trop d’illusions et le conseiller d’orientation de mon école m’a confirmé mes craintes. Il n’existe pas d’équivalence entre les diplômes infirmiers français et japonais.

Amélie : En effet, pour ce genre de métier très réglementé, il peut être difficile d’obtenir des équivalences, que ce soit au Japon ou ailleurs, mais le Japon est réputé particulièrement strict.

Serena : Oui… Le diplôme infirmier français possède quelques équivalences à l’international notamment avec le Québec. Mais l’énorme fossé linguistique et culturel entre la France et le Japon est un frein certain à la création d’un tel système entre ces deux pays. En d’autres mots, je devais intégrer une université/école d’infirmiers au Japon et recommencer depuis le début pour obtenir le diplôme japonais…

En théorie ce n’était pas impossible. Mais le conseiller de l’école ne manqua pas de préciser qu’il n’y avait, à sa connaissance, qu’un seul élève de l’école, chinois de son état, à y être parvenu. Traduction : il n’y avait pas de gros espoirs pour la petite occidentale que j’étais. S’ajoutaient les frais universitaires exorbitants et l’idée de devoir refaire trois ans d’études que je venais d’achever dans mon pays. Ma déception fût grande.

Six années de préparation pour devenir (enfin !) infirmière au Japon

Amélie : C’est néanmoins le début d’un long parcours.

Serena : Oui, tu peux le dire, un parcours de plusieurs années ! J’ai commencé à glaner des informations auprès de connaissances. Les réactions furent sans appel. Un élève japonais, dont la sœur est infirmière, et auprès de qui j’ai demandé quelques informations, m’a lancé un 無理無理(むりむり) (muri muri = impossible !) empreint d’amusement et de pitié.

Les japonais n’étaient pas les seuls à être dubitatifs. Lors d’une soirée, un expatrié français de longue date que je connaissais depuis approximativement six secondes m’a questionné sur mes activités au Japon. Je n’ai pas eu le temps de finir ma phrase au sujet de mes démarches, qu’il m’a gratifié d’un « ce n’est pas possible » un tantinet paternaliste.

Si vous pensez sûrement que je semble irritée à travers mes mots, vous avez raison. À l’époque, j’ai mal supporté ces remarques dont la condescendance était parfois à peine cachée. Je suis assez fière avec un tempérament dit « difficile » (mon côté capricorne marseillais probablement) et ces refus catégoriques n’ont fait que me donner envie de creuser plus loin.

Amélie : Ah les monsieur-madame je sais tout… Si on les écoutait, le monde n’avancerait pas.  Il valait mieux avoir un côté tête de mule pour réussir !

S’il n’existe pas d’équivalence entre diplôme français et japonais, il est possible de faire reconnaître sa formation afin de passer l’examen national japonais.

Serena : En effet… Bien décidée à trouver une voie, j’ai cherché sur Google 外国人(がいこくじん) et  看護師(かんごし) (gaikokujin et kangoshi), soit étrangers et infirmière. Je suis tombée sur le site du 厚生労働省(こうせいろうどうしょう) (kôseirôdôshô) qu’on peut traduire par Ministère de la santé, du travail et du bien-être social. Mon avenir s’illumine d’une lueur d’espoir !

Sur ce site, j’ai découvert qu’il existe une démarche dite 認定 にんてい nintei (accréditation) permettant aux infirmiers étrangers de s’essayer au 看護師国家試験 かんごしこっかしけん (kangoshikokka shiken), l’examen national infirmier. C’est l’examen final que passent les étudiants japonais pour acquérir le diplôme au terme de leurs années d’études.

Amélie : Oh, génial ! Si je comprends bien, tu peux te passer d’étudier trois ans dans une école d’infirmière, à condition de faire valoir ta formation française et de passer l’examen japonais. Explique-nous tout.

Serena : C’était un soulagement, mais je ne vais pas te le cacher, les conditions pour être éligible à cette accréditation sont nombreuses. Le premier pré-requis auquel je me suis attaquée est le JLPT N1 que j’ai obtenu début 2017. 

Après le JLPT N1, il faut faire reconnaître sa formation d’origine et obtenir une accréditation.

Serena : Il me fallait ensuite prouver que ma formation, suivie en France, était compatible avec celle du Japon.

Je suis donc rentrée en France pour un rendez-vous avec mon ancien institut infirmier afin de recevoir pas moins de 350 pages officielles détaillant la formation de trois ans, des textes législatifs et des attestations signées par les dirigeants de l’école. L’étape suivante était de faire traduire tout ça (dégoulinants de termes médicaux et techniques) par un traducteur agréé par le kôseirô dôshô à Tokyo. Coût de l’opération, 2500€ !

Amélie : (s’étrangle avec son café)

Serena : Me voilà prête pour me rendre à la 認定事前相談(にんていじぜんそうだん) (nintei jizen sôdan), une consultation d’avant la commission d’accréditation limitée à 30 minutes et qu’on ne peut passer que deux fois par an.

Les deux personnes en charge de mon cas ont passé 25 minutes à scruter mes formulaires et à calculer les nombres d’heures exactes d’études dédiées à telle ou telle matière pour les comparer avec les « standards japonais ».

Ma plus grande crainte concernait certaines grandes différences entre les études infirmières japonaises et françaises. À ce stade, je ne savais toujours même pas si j’étais même éligible à l’accréditation. En effet, l’écrasante majorité des étrangers ayant recours au nintei sont originaires de l’Asie du Sud-Est. Une candidature occidentale constituant une première, j’ignorais totalement si tous les efforts et l’argent investis pourraient porter leurs fruits… On m’indiqua durant les cinq minutes restantes de la consultation les documents supplémentaires à fournir avant… le surlendemain !

Amélie : Mon dieu, la pression que tu as dû avoir…

Serena : La date butoir pour soumettre mon dossier à la commission approchait à grand pas. J’ai entamé une course contre la montre entre le 公証人役場(こうしょうにんやくば) (kôshôninyakuba), cabinet de notaire, qui accepta de me recevoir en catastrophe pour authentifier mes documents et le konbini pour imprimer à 4 heures du matin une photo piochée sur internet de la directrice de mon école infirmière… Finalement j’ai soumis le tout dans les temps.

Quelques mois plus tard, la commission m’a enfin fait parvenir par lettre recommandée mon certificat d’accréditation dont la validité est illimitée dans le temps. J’étais officiellement autorisée à passer l’examen national infirmier japonais et ce, autant de fois que nécessaire.

Amélie : Un grand pas en avant !

Une fois l’accréditation obtenue, reste encore à passer l’examen japonais pour obtenir l’autorisation d’exercer des soins infirmiers.

Serena : J’ai reçu cette accréditation en 2017. Tu t’en doutes, le JLPT N1 était bien loin d’être assez pour passer un examen d’infirmier en japonais. J’ai donc dédié plus d’un an à l’étude du vocabulaire et des kanji médicaux et paramédicaux. 

Début 2019, j’ai tenté ma chance à l’examen infirmier une première fois, sans grandes ambitions. Je n’avais pas encore commencé à étudier spécifiquement pour ce test. Mais mon objectif à ce moment là était surtout d’avoir un aperçu des questions et des conditions réelles d’examen. J’ai échoué sans surprise. Néanmoins, je savais désormais comment me préparer ! J’achète divers livres et manuels, et donne tout ce que j’ai pour cette dernière ligne droite.

J’ai toujours aimé apprendre en autodidacte, mais quand tu m’as soufflé l’idée des cours particuliers l’année dernière, j’ai réalisé que je n’avais peut-être pas été maline pour le coup (rires). Cela m’aurait peut-être donné un coup de pouce. Toujours est-il que, quand est venu le moment de retenter ma chance cette année, j’étais très confiante. Les résultats sont tombés en mars 2020… Et je peux célébrer ma réussite !

Amélie : … 尊敬(そんけい)します! (« respect ! »)

Dernière étape : obtenir l’autorisation d’exercer des soins infirmiers.

Amélie : Je reste scotchée… Le plus dur était fait, mais ce n’était pas encore fini, n’est-ce pas ?

Serena : En effet, il me restait enfin à faire la démarche d’obtention du 看護師免許証(かんごしめんきょしょう) (kangoshi menkyosho), qu’on peut traduire littéralement par « permis de travail infirmier ». Ce titre m’est nécessaire pour officiellement pouvoir exercer comme infirmière au Japon. Il m’a été délivré quelques semaines plus tard par le 保健所(ほけんしょ (hokensho), centre de santé publique local. Franchement, une broutille après le parcours effectué.

Amélie : Arrivée à ce niveau, tu dois avoir une telle maîtrise du japonais que plus aucune démarche ne te fait peur (rires). 

Serena : Carrément, oui ! D’ailleurs, être trilingue est ma meilleure carte à jouer lors ma recherche d’emploi. 

Amélie : Au risque de me répéter (et ce, pour les années à venir), je suis épatée. Les efforts, tant dans les études que les démarches administratives, que tu as fournis pour devenir infirmière au Japon sont impressionnants. 

Serena : Merci. Je suis vraiment touchée. Après des années à mener ce projet, je ne réalise plus forcément… En tout cas, le Japon et sa population vieillissante, faisant face au COVID-19 qui plus est, aura certainement besoin de gonfler ses effectifs soignants à l’avenir. J’espère vraiment que l’on assistera à un assouplissement et une meilleure reconnaissance de la démarche d’accréditation pour les infirmiers étrangers. Bien sûr, je comprends tout à fait qu’il faille garantir la qualité de la formation, mais le système pourrait peut-être gagner en souplesse. 

Et maintenant ?

Amelie : Sans doute ! Le Japon a bien fait des démarches avec certains pays asiatiques. C’est qu’il y a de l’espoir. Maintenant que tu as reçu ton autorisation d’exercer ton métier, quelle est la suite ?

Serena : Dans le but de me familiariser avec la pratique infirmière et la pharmacologie japonaises, j’ai participé en juin 2020 à un 看護研修(かんごけんしゅう) (kangokenshû). Il s’agit d’un stage de formation infirmier proposé gratuitement par le ナースプラザnaasupuraza (Nurse Plaza), organisme local d’aide et de soutien aux infirmiers de Tokyo. Il existe un Nurse Plaza (appelé Nurse Center hors de Tokyo) dans chaque région du Japon.

On trouve parmi leurs missions le recensement des effectifs infirmiers à travers le pays, l’accompagnement lors de la recherche d’emploi, la mise en place de stages de formation (y compris pour les infirmiers non-actifs désirant reprendre une activité professionnelle) et le soutien psychologique des soignants. J’ai pour projet de me joindre à un second stage intra-hospitalier en septembre 2020. Bien sûr, l’ensemble de ces formations se déroule uniquement en japonais.

Quant à ma recherche d’emploi, les cliniques, centres de soins et hôpitaux internationaux me semblent être de bonnes options à explorer en premier. L’ambassade de France et le lycée français international de Tokyo me sont également venus à l’esprit, mais j’ai très envie de tenter de m’intégrer à un environnement purement médical. À l’heure actuelle, j’attends fébrilement la réponse d’une clinique internationale à laquelle j’ai envoyé mon premier CV. Je croise les doigts !

Amélie : Nous aussi !

Vocabulaire & ressources pour le métier d’infirmière au Japon

Les pages ci-dessous sont toutes uniquement en japonais. 

Informations relatives à l’examen d’infirmier au Japon 

Informations relatives à l’accréditation du parcours d’études en France : ici et ici

Nurse Plaza : branche de Tokyo

Japonais Romaji Français
外国人がいこくじん gaikokujin étranger.ère
看護師かんごし kangoshi infirmière, infirmier
厚生労働省こうせいろうどうしょう kousei roudoushyou Ministère japonais de la santé, du travail et du bien-être social
認定にんてい nintei accréditation, reconnaissance 
看護師国家試験かんごしこっかしけん kangoshikokka shiken Examen national japonais d’infirmière / infirmier
認定事前相談にんていじぜんそうだん ninteijizen soudan Consultation d’avant la commission d’accréditation
公証人役場こうしょうにんやくば  koushouninyakuba Cabinet de notaire
看護師免許証かんごしめんきょしょう kangoshimenkyoshyou Autorisation d’exercer les soins infirmiers, permis d’exercice
ナースプラザ naasu puraza Organisme local d’aide pour les infirmières et infirmiers au Japon
看護研修かんごけんしゅう kangokenshyuu Stage de formation infirmière

 

7 Comments to “Devenir infirmière au Japon : le parcours de Serena pour faire reconnaître sa formation et obtenir le droit d’exercer”

  • Evan Cliquennois

    Bonjour, merci beaucoup pour votre témoignage, je suis actuellement infirmier depuis peu et j’ai pour projet de partir en vacance au Japon. La culture nippone me passionne, si ce voyage se passe bien, je compte bien y vivre. Malgré tout, je ne sais pas si je serais capable de pratiquer le métier d’infirmier au Japon. Cela reste à voir.

  • Koalisa

    C’est vraiment une aventure passionnante… J’apprends le japonais depuis un an environ pour pouvoir être plus à l’aise lors d’un prochain voyage au Japon et je constate aussi que regarder des séries en japonais est très utile. Merci pour cet article très instructif !

  • Chloé

    À quelle école de japonais faites-vous référence dans votre article ?
    Merci de continuer à nous partager votre Japon !

  • Stéphane

    Passionnant et très impressionnant ! C’est formidable d’avoir un tel projet et de s’accrocher pour atteindre son objectif ! Bravo Serena et merci Amélie pour ce très bel article !
    En lisant, j’ai aussi pensé à ce que j’avais lu sur les pressions subies par les infirmières depuis le début de la pandémie au Japon. Je me suis demandée si c’était quelque chose que vous aviez pu observer ou dont vous aviez entendu parler

  • Akeno

    Je suis scotché.. Je finis justement ma dernière année de formation en soins infirmier et mon plus grand rêve est de vivre au Japon. Je pensais les deux incompatibles mais il semblerait qu’avec de la motivation, tout est possible. Bravo

  • Allie

    Quel parcours ! Moi qui suis du genre à me décourager à la première difficulté, je suis très admirative de ce genre de personnalité 😉 merci pour cet article très intéressant.

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