vélo à Tokyo

Quelques considérations sur le vélo à Tokyo, pour pédaler en toute sécurité

Lorsque je me suis installée au Japon, l’idée de faire du vélo à Tokyo ne m’avait pas effleurée le moins du monde. Appréciant la stabilité de mes deux jambes et la possibilité de marcher le nez en l’air, avoir un deux-roues n’était pas dans mes priorités. Pourtant, je suis désormais accro à ce mode de transport et je le privilégie maintenant autant que possible !

Si vous venez vous installer à Tokyo, je vous invite à faire de même ! Toutefois, il est important de prendre connaissance de quelques règles (et leurs amendes…)

Qu’est-ce qui a changé ?

Je me dois de vous offrir quelques éléments de contexte. Le deux-roues et moi, nous n’étions pas franchement copain copain depuis qu’une vieille bécane m’a fait faire un vol plané (note de 8/10 dans les gamelles de mon enfance), brisant au passage mon poignet gauche. Si après une chute, certains sont partants pour remonter en selle, je n’étais pas particulièrement… Enthousiaste.

Au Japon, donc, et notamment à Tokyo, le vélo est omniprésent. Je ne pouvais pas lui échapper bien longtemps. Une amie, pour commencer, m’avait offert l’occasion d’y reprendre goût dans la jungle de Tsukuba, nettement moins brutale qu’à Tokyo. Les années passant, j’ai eu aussi envie d’être plus active, moins dépendante du métro bondé de Tokyo. Faire mes courses à pied me pesait beaucoup. Le vélo s’est donc imposé comme LA solution à adopter.

Bref, j’ai eu un vélo.

En 2015, j’écrivais que les cyclistes étaient ma bête noire car peu respectueux de la circulation. J’ai depuis affiné cette observation par « les cyclistes, les voitures et les piétons (à Tokyo) sont inconscients ». C’est du moins, à mon échelle, ce que je constate tous les jours. Je roule environ 12 à 13 kilomètres quotidiennement et traverse de grands axes routiers.

Bien sûr, je pense aussi que je finis par ne plus faire attention qu’au manque de civisme et aux comportements dangereux. Je pense notamment aux voitures ou cyclistes grillant les feux rouges, de piéton surgissant entre des files de voitures et ainsi de suite. Ce sont aussi les cyclistes roulant en sens inverse sur ma voie ou les taxis qui me doublent brusquement pour piler devant moi et prendre un client.

Je suis aussi consciente que le manque de civisme sur la route, ce n’est pas qu’au Japon. Mais voilà, j’en parle parce que je vis ici, pardi ! Par ailleurs, tous les pays n’ont pas les mêmes règles de circulation, ni les mêmes habitudes. Ce n’est donc pas totalement à côté de la plaque que de donner mes impressions. Par exemple, et c’est notable, il n’existe ici aucun programme de sensibilisation et d’éducation à la sécurité routière, ni d’équivalent de notre ASSR (Attestation Scolaire de Sécurité Routière). Au fond, ce n’est donc pas étonnant que les japonais soient si peu avertis des règles de sécurité routière les concernant le vélo.

Le vélo à Tokyo, oui, à condition de…

Cela paraît évident, mais il est toujours bon de le rappeler ! Avant de débuter, une remarque, reçue sur Twitter (si la personne se reconnait, merci !) il y a longtemps. Les conducteurs (mais aussi les piétons) ont une très mauvaise perception de la vitesse d’un vélo. Sur le coup, je n’avais pas creusé plus loin le sujet, mais maintenant que je me considère plus aguerri, je fais le même constat. C’est à prendre en compte lorsque l’on pédale dans les rues de Tokyo.

Rouler sur la route, si possible !

Par principe, vous devriez rouler… sur la route. Alors, oui, je sais. Après ce que je raconte sur l’inconscience des utilisateurs de la route, ce n’est guère rassurant. Cependant, je me sens tout de même plus en sécurité sur la route que sur le trottoir. Cela s’explique déjà par le fait que j’ai plus d’espace pour me déplacer. La largeur des trottoirs est très aléatoire dans le centre de Tokyo. Sur la route, 90% du temps j’ai assez d’espace pour ne pas me sentir menacée par les voitures. Il me faut juste être très attentive.

Autre point en faveur de la route vs le trottoir : un vélo reste un véhicule. Le piéton a la priorité. J’ai parfois envie de le crier aux vélos électriques qui n’hésitent pas à bousculer les piétons pour passer. Gardez en tête que si vous renversez un piéton, quand bien même se serait-il mis en danger en regardant son téléphone sans faire attention, c’est pour votre pomme. Le cycliste est toujours coupable. Même si vous renversiez un piéton au milieu de la route alors qu’il n’a rien à y faire, d’ailleurs. Car le piéton est roi. C’est bien normal, même si cela parait injuste.

L’exception confirme la règle.

Il m’arrive de ne pas avoir le choix et de monter sur le trottoir, auquel cas, je suis terrifiée et trois fois plus attentive. J’ai la hantise de renverser quelqu’un, un gamin, une mamie.

Sur le trottoir, il faut veiller à rouler lentement, sauf évidemment, si la voie est complètement dégagée. Lorsque je me trouve derrière un piéton, je n’essaye pas de le doubler à tout prix. Je me tiens à bonne distance pour ne pas l’inquiéter. Je garde en tête que je n’apprécie pas du tout la sensation d’avoir boulet de canon derrière moi lorsque je suis piétonne.

Rouler à gauche !

Jusqu’à fin 2017, les vélos pouvaient rouler dans n’importe quelle direction dans les deux voies. C’était très dangereux et la loi relative à la circulation routière a été modifiée. Les cyclistes sont donc maintenant tenus d’observer le sens de circulation dans leur voie. Je vous le donne en mille, beaucoup de japonais ignorent totalement cette règle. Cela me met hors de moi, je dois dire, car cela met tout le monde en danger pour peu que la circulation soit assez importante. Il est toujours possible de traverser à une intersection si besoin d’aller de l’autre côté.

Doit-on respecter les feux systématiquement ?

C’est paradoxal, et j’en suis consciente, puisque je suis la première à parler du respect des règles de sécurité. Je suppose que c’est là l’éternel dilemme entre l’observation de la règle et la pratique. En tant que cycliste, au Japon du moins, on joue toujours sur les deux tableaux. Sur la route, le vélo est comme une voiture, mais arrive un passage piéton et… le vélo peut agir comme un piéton et peut emprunter le passage clouté ou encore monter sur le trottoir bien que légalement, cela soit interdit pour tout trottoir de moins de 3 mètres de large. Cette double casquette du cycliste explique très probablement l’absence de sanctions à l’encontre des vélos qui vont à l’encontre du code de la route.

Revenons à nos feux.

Pour éviter de gêner la circulation des voitures, il peut être sensé (mais techniquement illégal) de passer au rouge et de prendre de l’avance. Si, et seulement si, le feu n’est là que pour un passage piéton avec zéro piéton à l’horizon, merci. Parce qu’évidemment, si c’est un croisement avec une autre route, bonjour le danger !

Je ne vous le cache pas, énormément de voitures se garent sur le marquage de la piste cyclable. Cela veut dire que vous avez fréquemment des obstacles sur votre voie. Vous devez alors vous déporter sur votre droite, ce qui n’est jamais sans risque, surtout si vous ajoutez une marge pour éviter de vous payer la portière d’un conducteur peu attentif. Les voitures font en général attention lorsque les cyclistes se déportent. Mais en heure de pointe ou lorsque vous sentez un conducteur nerveux derrière vous, il vaut mieux dégager du chemin fissa.

Dégager du chemin, parfois, cela veut donc dire passer au rouge (après avoir vérifié l’absence totale de piétons !) pour prendre de l’avance et doubler l’éventuel obstacle. Les cyclistes les plus décomplexés les grillent sans trop d’inquiétude. Les plus incertains passent sur le trottoir pour mieux en redescendre plus loin. La police ne relève même pas ce genre d’infraction tellement c’est commun.

Une assurance, c’est mieux

Par principe, encore, vous devriez souscrire à une assurance spéciale vélo. Il en existe plein. J’ai pour ma part opté pour AU avec un contrat un peu plus généreux que le premier « prix ». Côté assurance, je suis une cancre et comme beaucoup de personnes, j’ai du mal à protéger mes intérêts face à ce qui pourrait potentiellement m’arriver. Heureusement (pour moi), il était obligatoire que j’en souscrive une pour être autorisée à venir au travail à vélo. Je me dis toujours que mon assureur cherchera par tous les moyens à se dégager de sa responsabilité de m’indemniser… Mais bon. Avec c’est mieux, et ça ne me coute pas encore trop cher.

vélo à Tokyo

On est beaucoup à pédaler jusqu’au bureau !

Le casque, oui ou non ?

Je sais que le casque et le vélo offre matière à débat. Certaines études auraient démontré que le port du casque « augmenterait » les accidents, le cycliste portant un casque se sentant protégé et prenant plus de risques. Personnellement, porter un casque me rappelle à quel point je suis perdante si je devais me payer la carrosserie d’une voiture. À vélo, je cumule vitesse et absence totale de protection.

C’est donc à vous de juger si vous en voulez un ou non. Le casque n’est pas obligatoire au Japon à l’exception des enfants de moins de 13 ans. Faites cependant attention aux exigences de votre assureur. En effet, AU, par exemple, modifie la compensation reçue en cas d’accident selon la présence ou non d’un casque. De toute manière, mon employeur en exigeait aussi le port, alors le choix fut vite vu.

« J’ai envie d’écouter de la musique, ça ne m’empêche pas de faire attention. »

Je pédale environ 50 minutes par jour. C’est pile la durée d’un podcast et très tentant… Mais voilà, de un, c’est interdit, de deux, vous pouvez penser faire attention, mais vous n’êtes pas à 150% concentré sur ce qui se passe autour de vous. Je sais, je m’y suis essayé et j’ai vite arrêté. Dans un Tokyo idéal, les voitures sont bannies et les vélos rois. Bon, et de trois, si vous avez un accident, adieu assurance et bonjour le défilé des factures. Rien que ça, ça vous refroidi les tympans.

Méfiez-vous des habitudes

Pour le coup ça vaut pour tout, mais rien de tel que le confort de l’habitude pour faire une connerie. Heureusement, comme je vis de nouvelles aventures à chaque trajet, j’ai rarement l’impression de passer en pilote automatique. J’ai failli me prendre un corbeau du côté de Roppongi y a deux jours, depuis je me méfie d’eux comme de la peste. Certains matins, bizarrement encore à Roppongi, je dois éviter les piétons bourrés qui tentent d’attraper un taxi.

En parlant d’habitude, je pense en particulier aux feux de circulation. À force, j’ai un petit chrono interne. Lorsque je vois le feu pour les piétons clignoter (signalant que cela va passer au rouge), je sais que les voitures (et donc moi) ont encore X secondes pour passer l’intersection. Bon. Mais j’ai aussi remarqué que la durée des feux peut parfois varier. J’ai même été surprise une fois par un feu passé brusquement au vert, alors que j’aurais dû avoir encore un peu de temps.

Sur la route, méfiez-vous de tout le monde. Tout le monde, j’ai dit.

Ce sont probablement là des expériences vécues par les cyclistes à travers le monde. Mais je vis à Tokyo, alors je parle des japonais.

Les candidats au suicide : les piétons

C’est volontairement de l’humour noir que j’emploie ici histoire de détendre l’atmosphère. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai bien cru m’emplafonner un piéton inconscient. Mon trajet couvre 6 kilomètres (12 aller-retour donc) dans le centre de Tokyo (je traverse un bout de Shinjuku et je passe par Roppongi). Avec le temps, j’ai repéré deux, trois rues qui inspirent aux piétons des envies de se jeter sous mes roues, leur portable dans une main, leur café Starberk dans l’autre.

Oui, c’est vrai, traverser en dehors des clous, c’est une spécialité imputée aux français. On devrait peut-être éviter de s’en glorifier d’ailleurs (résistance, encore et toujours à l’envahisseur, le code pénal et toutes ces fadaises qui nous empêchent de manger du claquos en paix). Bon.

Mais ce qui est frustrant, à Tokyo, c’est que lorsqu’il prend l’envie à un piéton de passer, il fonce tête baissée. C’est déjà bien s’il vérifie au moins UN côté de la route. Je suis posée et j’essaye d’écrire cet article avec calme. Mais rien que de repenser à tous ces emplafonnades évitées d’un cheveu, c’est un chapelet d’insultes qui me traverse la tête. Je note aussi le bel effort de ceux qui regardent… Mais qui estiment que c’est bon, ils peuvent y aller. YOLO comme disent les jeunes.

Les cyclistes à Tokyo, c’est YOLO aussi

Le seul accident que j’ai eu, c’est avec un cycliste qui a grillé un feu rouge (1 point pour la règle, 0 pour la pratique). Je pense que c’était évitable, avec le recul. Car bien que le feu soit vert pour moi, j’arrivais par une petite rue et traversais une route à 4 voies assez dangereuse. J’aurais dû la jouer sage. Plus de peur que de mal, heureusement. Le type est parti sans demander son reste, alors que moi j’étais toujours à me demander si nous étions tous les deux en un seul morceau. Bien que j’ai été projetée jusqu’au milieu du croisement, je n’ai même pas eu d’égratignure. Mon vélo était tordu, mais toujours opérationnel.

Donc, les cyclistes, c’est comme les humains, y en a des bons, y en a des moins bons.

Je me méfie particulièrement des enfants, moins attentifs que les adultes et sujets à faire n’importe quoi derrière leur guidon. Enfin, la popularité de Uber Eats a frappé Tokyo de plein fouet, mais jusqu’ici ce sont encore ceux qui roulent le moins mal avec les coursiers.

J’adore écrire mes brouillons et attendre avant de publier. Trente minutes après avoir écrit la conclusion de cet article, et alors que je pédalais pour aller faire mes courses, voilà pas que je vois un cycliste Uber Eats changer brusquement de voie, forçant une camionnette noire à freiner d’urgence tout en manoeuvrant pour l’éviter, manquant de peu de me faucher au passage. J’avais eu le nez creux et ralentis d’instinct juste avant.

Comme quoi, notre tendance à prendre nos expériences comme exemples de la normalité est fascinante.

Les conducteurs, un combat perdu d’avance

Plus d’une fois j’ai eu envie de prendre un conducteur par le col pour lui dire le fond de ma pensée. Ceux qui me frôlent, alors qu’ils ont largement la place. Ceux qui tiennent absolument à me doubler, quand bien même le feu serait rouge 2 mètres plus loin. Les voitures qui slaloment, folles, malgré le manque de place entre moi et le véhicule à côté. Les véhicules qui pilent devant mes roues sans regarder dans leur rétro. Les véhicules garés sur ma voie. Tous ceux qui me volent ma priorité. Parce que je suis une cycliste et que celui qui peut s’imposer sur la route, c’est bien le conducteur.

vélo à Tokyo

Il faut avouer que la route n’a jamais été pensée pour les vélos à Tokyo.

Le combat est perdu d’avance, donc mon seul conseil c’est de laisser couler, quitte à vous arrêter ou à monter sur le trottoir. C’est que je fais lorsque j’entends venir derrière moi une certaine corvette, dont j’ai pris au vol la plaque d’immatriculation en photo. J’ai déjà contacté la police, malheureusement, ça n’a pas donné grand chose. Ah, si. Plus de « patrouilles » le matin. Merci bien. Le jour où ce vieux con aura tué un gamin parce qu’il se sent pousser des ailes derrière le volant de sa petite voiture de luxe, ils seront comme des couillons avec mon signalement.

ATTENTION AUX FEUX ROUGES

Mythe ou réalité ? Je ne suis pas certaine de la véracité des propos qui m’ont été rapportés, mais il semble que telle que la conduite est enseignée au Japon, « le orange c’est encore bon » et les conducteurs peuvent (doivent ?) accélérer. Continuer de rouler alors que le feu passe au rouge ou vient de passer au rouge semble être LA norme à Tokyo. Je vous jure que je le vois tous-les-jours. Un temps, j’ai même joué à « compte le nombre de voitures qui grillent le feu sur ton trajet ». J’en ai vite eu marre, c’était trop systématique.

vélo à Tokyo

« Toi, t’as voulu passer au rouge et t’as perdu. »

Du coup, ce que je constate régulièrement aussi, ben tiens, ce sont les carambolages. Ainsi que les flics qui viennent faire le constat. Un matin sur deux, je vous dis. Que vous soyez piéton ou cycliste, soyez donc super attentifs.

Le clignotant c’est en bonus.

Tout est dans le titre.

Méfiez-vous des routes à plusieurs voies.

Notamment quand plusieurs voies côte à côte permettent à la fois de tourner à gauche et d’aller tout droit. Bien que je ne ne l’ai pas vérifié, il m’a été dit qu’on enseignait aux conducteurs japonais « de serrer à gauche pour volontairement couper la route au vélo au moment de tourner ». C’est ce que je constate dans ma conduite de tous les jours. Si vous devez aller tout droit, soit vous êtes à l’aise, et vous prenez la voie centrale. Soit vous avez la trouille, auquel cas, passez sur le trottoir et prenez le passage clouté.

Le vélo à Tokyo, c’est quand même franchement chouette.

Je pense avoir parlé de l’essentiel, je m’excuse par avance si cet article est quelque peu bordélique. J’ai un peu (carrément) mélangé mon retour d’expérience et quelques conseils que j’ai jugé intéressants de partager. Le but n’est pas de refroidir vos ardeurs pour le vélo à Tokyo. C’est une super expérience et un plaisir que d’y pédaler. Il faut une pincée de confiance, une très grosse louche d’attention, de bons yeux et un du bon sens. Enfin, je crois qu’il faut garder en tête que la route se partage. Le civisme, au volant, au guidon ou à deux pattes, c’est aussi savoir mettre les règles de côté.

Enfin, pas trop non plus, hein.

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5 Comments to “Quelques considérations sur le vélo à Tokyo, pour pédaler en toute sécurité”

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