365 Jours de Tokyo: day 30

365 Jours de Tokyo: Kagurazaka

Mai 2012, petit appartement de Kagurazaka

5:02 Je fixe le plafond blanc, perdue dans mes pensées. Dans la petite chambre, il fait déjà une chaleur étouffante. Je me suis glissée hors du lit pour chercher la fraîcheur du parquet flottant durant la nuit. Les rayons du soleil filtrent à travers les doubles-rideaux. Je n’arrive pas à me remettre du décalage horaire et nuit après nuit, je cours après un sommeil qui ne vient pas.

5:30 Le réveil du Nippon sonne. Le matin, il travaille dans l’équipe de nettoyage de son université. Le petit boulot idéal pour lui qui a cours l’après-midi. Je le secoue et le tire hors du lit.

– Tu dois aller au travail.

– Hmm…

Peine perdue. Je rapproche le réveil de son oreille et ouvre grand les rideaux. Je suis un moment aveuglée par la violente lumière blanche du soleil matinal. Je l’entends qui se lève.

6:00 La porte se ferme. Je m’appuie un instant sur la kitchenette en inox. Une petite plaque de cuisson avec deux feux, un évier étroit, à peine la place de faire sécher quelques verres entre les deux. Une petite hotte au dessus de la plaque et un placard sur le côté, où sont rangés les bols. En guise de couverts, des paires de baguettes et quelques couteaux. À gauche de l’évier, un petit frigo noir, avec une porte pour gauchers. Mais il ne contient quasiment rien. Au Japon, il est plus facile de manger au restaurant que de cuisiner.

J’attrape un paquet de biscuits que je grignote l’esprit absent. Les insomnies à répétition me laissent vaseuse et vidée de toute énergie. Je glisse les pieds sur le parquet et j’ouvre la porte du balcon. Assise par terre, à côté du climatiseur, j’ai une vue sur un petit jardin, quelques arbres et par delà un mur assez haut, bien 2 mètres, une rue étroite. Le soleil brûle déjà le bitume et une brise chaude et moite me caresse le visage. Je reste quelques minutes à écouter les bruits de la ville et enfin, les paupières lourdes, je retourne me glisser dans le lit, non sans avoir pris soin de fermer les rideaux et d’allumer la climatisation.

***

13:05 Vaseuse et en sueur, je me réveille avec les sirènes des pompiers, à moins que ça ne soit la police. Je suis décalquée mais aussi affamée. Le supermarché n’est pas très loin, à 800 mètres. Je lui demande par texto s’il rentrera pour dîner ce soir.

« Ce soir, j’ai judo, ne m’attends pas!« 

Parce qu’il craignait que je me perde seule dans Tokyo, il est allé faire un deuxième contrat de téléphone et m’a acheté un smartphone. J’ai trouvé cela un peu fou – je reste à peine deux mois et demi, mais il n’aime pas s’embarrasser des choses compliquées.

Les premiers jours, je n’osais pas trop m’aventurer seule. Je ne comprends rien au japonais et tout me semble étrange et inconnu. J’ai découvert le quartier rue par rue, n’allant pas trop loin. Les jours où je me sens plus courageuse et moins assommée par la chaleur, j’emprunte le métro et m’arrête au hasard des stations.

Le supermarché est très cher et tout petit. Je prends des bento au hasard, du pain de mie et quelques fruits soldés. J’ai vite appris à reconnaître le petit autocollant rouge avec les idéogrammes 半額, moitié prix. Les bananes sont un peu abîmées et l’ananas en morceaux périme le lendemain mais qu’importe.

Le passage en caisse m’inquiète toujours un peu car je ne comprends pas toujours ce qu’ils me disent. Heureusement, la plupart du temps, ils ne cherchent pas à me compliquer la vie en essayant de me parler de leurs cartes à point. Mais on ne sait jamais, il suffit d’un caissier un peu zélé pour me plonger dans une situation embarrassante.  Je pose la monnaie sur le comptoir, 2752 yens.

Sur le chemin du retour, assoifée, je m’arrête à un distributeur. Je ne me lasse pas de regarder tout ce qui s’y vend. J’y glisse quelques pièces, hésite et finalement prend une bouteille de thé froid. Je fais attention à ne pas trop boire de boissons sucrées. Le goût amer du thé me déplait, mais je me sens rafraîchie.

Je croise des écoliers. Ils finissent les cours tôt ici. Certains iront rejoindre une classe préparatoire l’après-midi, d’autres auront le club de sport. Les plus chanceux pourront rentrer chez eux et jouer.

J’ai faim, mais j’ai aussi envie de me dégourdir les jambes et au lieu de rentrer directement, je décide de m’aventurer un peu plus dans Kaguzaraka. J’observe les devantures des magasins. Devant la vitrine du magasin Tout à 100 yens, des tas de petites babioles souvenirs sont sorties. Des porte-clés en forme de sushi, des aimants, des autocollants mignons mais aussi des gadgets typiquement japonais…

– Ne cours pas!

– Mais maman, on va être en retard!

Je tends l’oreille. Kagurazaka est aussi connu comme le quartier des français et surnommé le « petit Paris ». C’est vrai que les lieux ont un petit je ne sais quoi de parisien, surtout avec la rue principale bordée de boutiques, mais aussi de petits restaurants, de boulangeries, de coiffeurs et de centres de beauté. On y flâne volontiers et on peut facilement se perdre dans les ruelles. Je tourne sur la droite et descends une rue assez raide. L’ambiance redevient peu à peu nipponne après un gros temple aux portes rouges, des karaokés, une salle d’arcade très bruyante, des restaurants de fruits de mer. En bas, un croisement entre la rue et une artère principale, et au delà du croisement, droit devant moi, un petit pont et l’entrée de la station Iidabashi. Je tourne encore à droite après avoir attendu au feu et traversé la grande rue. Je m’attarde un moment devant la vitrine du chocolatier hors de prix. À côté, un café huppé et sa terrasse extérieure. Je marche le long du canal et m’arrête pour observer sur l’eau le reflet du train qui passe en hauteur, de l’autre côté

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