365 Jours de Tokyo: Phobies (day 16)
- Amélie Marie
- 6 décembre 2016
- Vie quotidienne
8:43 Dans le hall de mon immeuble, je croise une voisine et sa petite fille. Je claironne un joyeux bonjour. Elle est surprise, mais me sourit et me salue en retour. La petite se précipite dans ses jambes, et me jette un coup d’oeil, cachée derrière ses longs cheveux noirs. Elle a peut-être 3 ans? Mais elle est tellement petite! Manteau bleu marine, bien fermé au col, petites bottes. Elle n’ose plus bouger. On pouffe de rire.
– Bah alors, il ne faut pas avoir peur.
***
10:36 Seule à la réception. Je cuis dans ma fièvre et comate tranquillement derrière mon poste. Les portes de l’ascenceur s’ouvrent. La stagiaire. Elle a l’air embêtée. Quelques pas vers moi. Le téléphone sonne.
– Oui, ici l’école Coto.
– Bonjour, j’ai rendez-vous à 11h. Je suis en bas.
– Ah, très bien, prenez l’ascenceur, nous sommes au 3F.
La stagiaire trépigne et hoche la tête. Je fronce les sourcils.
– Je ne peux pas.
– Oh. Y-a-t-il un souci avec le bouton d’appel?
Rapide coup d’oeil aux panneaux des deux ascenceurs qui ont l’air de fonctionner normalement.
– …
– Oui?
– J’ai la phobie des lieux confinés et des ascenceurs.
La stagiaire, l’air désolé, croise les bras. « Impossible ». Elle secoue la tête.
– Oh.
Rapide calcul mental. Tout le monde a disparu je ne sais où. Je suis seule. Elle vient pour quoi déjà? Si encore c’était le cours intensif… On pourrait gérer n’avoir des classes qu’au premier… Hmm…
– Vous n’avez pas d’escaliers?
– C’est à dire que non. Bon, écoutez, je ne peux pas me libérer de la réception. La jeune fille que vous avez vue va vous donner le formulaire à remplir. Je viens dès que possible.
*
10:45 Une collègue réapparait.
– Nous avons un petit souci.
– Oui?
– Le rendez-vous de 11h est arrivé mais…
– Ah, elle est en avance, il faut qu’elle patiente.
– … Elle est en bas et ne peut pas prendre l’ascenceur.
– L’ascenceur?
– Une phobie.
– Ah. Ah… Mais elle ne pourra pas prendre de cours ici!?
– Ben… Bon, en tout cas, la stagiaire lui a donné le formulaire, et on la fait patienter dans la salle des professeurs du 1F, au chaud.
– …
– …
– … Je vais aller lui parler.
***
11:13 La supérieure, revenue au QG me demande où a disparu la collègue. Rapide topo de la situation. Visage contrit.
– Ah… On en a des comme ça.
– …?
– L’ancienne école, tu ne l’a pas connue, mais c’était en hauteur, pas mal d’étages. On a déjà eu des gens qui avaient la phobie des buildings.
***
13:05 Je pose mon sac sur le bureau. Hochement de tête à la ronde. Notre collègue, revenue d’un safari en Afrique du Sud, montre quelques photographies des animaux de la savane. Gros plans.
– Aaaaah!
On se retourne vers la stagiaire. Interloqués.
– J’ai la phobie des animaux.
– … Des animaux? Tu n’aimes pas les chiens et les chats?
– Non! Tous. Ça me fait peur. Je n’aime pas leurs yeux. Non, non, non. Mon copain a essayé de m’emmener dans un café à chat, je n’ai pas pu, j’ai attendu dehors.
***
13:40 Le deuxième restaurant que l’équipe affectionne particulièrement est indien. Ou plutôt, Népalais. Mais qui fait aussi du vietnamien. Sappana. Un restaurant au Japon, quoi.
– C’est pas un peu bizarre d’avoir peur de tous les animaux sans distinction?
– Bah…
– Chacun ses phobies.
Les serveurs sont toujours souriants et crient très fort à travers le restaurant. Les cuisines sont ouvertes sur la salle, ce qui permet d’échanger un sourire avec les cuisiniers. Ici les nans sont à volonté le midi. Ils nous connaissent et n’ont presque plus besoin de nous passer le menu. Quelques salarymen sont encore en train de déjeuner, malgré l’heure tardive.
– Et 4 menus du jours, 4!
– Hai!
Le patron vient vérifier qu’on est bien servis. Il s’incline, échange deux, trois mots. On vient peut-être une à deux fois par semaine. Pas tous ensemble, non.
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14:50
– Dis donc, ça s’arrange pas, toi.
– Non, pas vraiment. J’attends qu’ils me fassent signe pour que je puisse rentrer ou prendre un congé mais…
– Je vois. Tu sais ce que tu devrais faire? Éternuer de manière bien sale. Et puis tu te mouches très fort. Et tu touches à tous leurs dossiers sans te laver les mains, tu vois comme ça, bien ostensiblement. Tu leur parles avec le nez qui coule. Dans la demi-heure, ils seront assez traumatisés pour te faire rentrer.
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15:10 Le vent souffle terriblement fort. Quelques panneaux de restaurants se détachent et partent en vadrouille dans les rues. Le ciel est magnifique. Je suis partie plus tôt…
15:25 À l’entrée de la rue Sakae, côté gare, une boutique de téléphonie mobile. Un toit, petit espace rectangulaire et étroit. La décoration est rose, et sur la vitrine, des drapeaux de pays. Takadanobaba est connue pour sa population étrangères. Les employés ont presque tous l’air thai ou vietnamien. Chaque jour, je suis intriguée de les voir taper la discute avec quelques garçons, probablement vietnamiens, nonchalament assis sur les sièges destinés aux clients. Tous pianotent leurs mobiles tout en se parlant de manière animée.
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15:28 Sur le parking a vélo, un vieil homme surveille que ceux qui s’y garent aient bien le macaron indiquant qu’ils payent l’abonnement mensuel. L’homme est très probablement retraité. Il a peut être travaillé dans une grosse entreprise, été manager. Mais la mise au placard – tôt, et l’ennui de la retraite, ou bien une faible pension, l’auront motivé à prendre ce type de petit emploi.
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Devant moi, près du parc, une dame assez âgée marche en kimono.
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Sarah
Ouhla, il y a certains bâtiments qui font un peu peur (3ème photo en partant du bas), on dirait que la maison va tomber dans la rivière ! C’est très chouette, toutes ces photos !