365 Jours de Tokyo: Day 13

365 Jours de Tokyo: Le Premier Jour (day 13)

***

Août 2007, Paris

7:00 J’ai eu du mal à dormir. L’hôtel miteux dans la zone de Charles de Gaulle, j’éviterai à l’avenir. Je traîne mon backpack jusqu’à la navette. Putain. On a de sacrées valoches sous les yeux.

7:35 Dans le hall B… Non. F. Le comptoir n’est pas encore ouvert. Ce n’est pas la première fois que j’embarque pour un vol depuis Paris , non. Ni même la première sans ma famille.

11:35 À bord, tellement de japonais ! Nous sommes tombées pile au milieu d’un grand groupe de touristes. Cinquante personnes. Au moins. Premier contact avec des nippons. Enregistrées trop tard, nous sommes séparées. Perspective: 13 heures de vol en solitaire. Une japonaise – l’organisatrice du groupe de touristes, s’arrange pour faire changer quelques personnes de place. Deux amies japonaises voulaient être ensemble. Nous aussi. Les hôtesses roulent des yeux.

– Arrêtez de vous déplacer, on ne peut pas compter!

Ça va, ça va. Vous allez pas râler quand même, on risque pas de sortir! L’avion a un retard de 10 minutes.

Le vol, c’est un enfer. Mon premier vol long courrier. Je n’ose pas bouger. Je crois que je n’ai jamais vu autant d’asiatiques de ma vie. Je suis curieuse. Certains ont des masques blancs. Ils portent presque tous des chaussons. Le calme règne durant tout le vol. Le calme et l’ordre.

« Votre attention s’il vous plait, nous sommes actuellement en attente d’une piste d’atterrissage… Il est 14h30 et la température extérieure est… »

Je n’écoute plus. Nous survolons Narita. L’avion ne peut pas se poser. Souffrance. Il faut que je bouge. J’ai les larmes aux yeux. Ma copine, elle, reste stoïque. Une philosophie de vie. Je me dis que si on me donnait un parachute, je sauterai sans hésiter. Je n’en peux plus.

Les japonaises se lavent le visage. Elles ont toutes des petites trousses de toilette. Les regarder me distrait. Elles se mettent de la crème, se remaquillent. Certaines partent même changer de vêtements dans les toilettes de l’avion. Du pur génie.

Alors que nous traversons la passerelle, des employées de l’aéroport nous font des grands sourires. Elles s’inclinent sur notre passage.

« Welcome to Japan »

Malgré la fatigue et l’épuisement physique, notre excitation est à son comble. Nous avons récupéré nos affaires. Dans le hall d’arrivée, nous sommes complètement perdues. On finit par sortir. Fournaise. Four à pain. Nos corps courbaturés fondent sur le bitume. Nous nous liquéfions. La chaleur humide nous fait suffoquer. Je crois vivre mon premier choc thermique, les poumons me brulent. Combien déjà? J’aurais dû écouter. Nous errons au milieu des arrêts de navette et de bus, à la recherche du train. Un salaryman nous accoste.

– Vous avez l’air perdues.

Il parle un anglais impeccable. Pour un peu, on l’embrasserait. Il nous ramène dans le lobby de l’aéroport et interpèle une jeune employée. Tout sourire, elle nous guide jusqu’à des Escalators. Ça alors, le train est en bas? Je suis perplexe. Elle nous nous souhaite un bon voyage.

Étudiantes, nous ne nous permettons aucun luxe. Ma copine a calculé précisément notre voyage au centime près. Face aux distributeurs de tickets, imperturbable, elle cherche pour les moins chers. On est supposées prendre un train local. Je n’ai aucune idée de que ça signifie. Moi, je connais les voitures, les bus, les tramway et les vélos. Je ne suis encore jamais même montée dans un métro.

On est parties pour 2h30 de train. Les banquettes sont rouges. Nous nous asseyons avec nos sacs entre nos jambes. Dehors le paysage défile. D’abord la campagne. Et puis la ville. Une ville qui n’en finit pas. Le train se remplit au fur et à mesure. Les enfants nous regardent. La climatisation? Des petits ventilateurs accrochés aux plafonds. Ils tournent pour mieux refraichir l’air. Ciel bleu. Soleil aveuglant. Nous arborons des sourires victorieux. On y est enfin. Six mois de préparation pour ce voyage.

La station est immense. Nous devons trouver le métro Hibiya. Symbolisé par la couleur grise et un H. Je me laisse guider. On achète des tickets et puis on part attendre sur le quai.

Eh, mais attends… Attends un peu, voir. Dis donc, on est dans le mauvais sens! On descend à la station d’après. Pas moyen d’aller sur le quai d’en face. Quel bordel, ma parole!

De guerre lasse, on sort par les portiques. Des tickets neufs plus tard, on repère une entrée de métro qui nous mène au bon quai. Coup d’oeil sur le plan. La guesthouse, bAKpAK Tokyo Hostel, est à 5 minutes de marche de la station Minowa.

365 Jours de Tokyo: Day 12

Le bitume nous brûle les pieds. Des publicités partout. De la couleur. Beaucoup de bruit. Les voitures, les feux piétons musicaux… Des néons. On tourne à droite, comme indiqué sur le plan. La guesthouse pour la dizaine de jours à venir n’a pas une façade engageante. Dans l’entrée extérieure, un distributeur de boisson, des chaises, une table, le capharnaüm. Un billard à l’intérieur. On se déchausse.

365 Jours de Tokyo: Day 12

L’accueil de la guesthouse

Il faut payer d’avance. J’ouvre mon enveloppe et sort ma liasse de billets. Dix, non, quinze? Quinze mille? On signe et laisse l’employé photocopier nos passeports.

– Vous ne pouvez pas encore rejoindre votre chambre.

Il nous fait monter au deuxième, et nous laisse dans la pièce commune. Une cuisine sur la droite. En face, un canapé qui fait la largeur de la pièce. Sur la gauche, une télévision et un gros siège en cuir avec une télécommande. Quelqu’un cuisine. On s’effondre sur le canapé.

365 Jours de Tokyo: Day 12

L’hôtel a (heureusement) changé de déco en 9 ans… Par contre, pas de lits!

La guesthouse est un havre de paix. Ou presque. On fait glisser la cloison coulissante pour entrer dans la chambre 203. On est 8 dans notre chambre. La moins chère. Des lits superposés avec des rideaux à fleurs. C’est mixte. Doux vrombissement du climatiseur. Un australien nous regarde déposer nos affaires. Le grand placard de la pièce est rempli par un bordel monstre. Des piles de fringues, des valises. Il nous explique la télécommande.

– Çé t’vois, s’por yteindre.

Hm. Hm. On se regarde. Il a un accent à couper au couteau. Il est au Japon depuis un mois. Il écume les boîtes de nuit. Il est bavard. Rencontrer des françaises, ça le rend super heureux.

– Vous allai voi’, l’Japon, cey weird.

Je ne comprends rien à la salle de bain. Il faut se doucher à côté de la baignoire? Mais je la mets où alors la serviette? Et si quelqu’un rentre? Chaque minute apporte plus d’énigmes sans réponse. Le carrelage bleu de la salle de bain, la forme de la baignoire – carrée, tout cela restera gravé dans ma mémoire. Dans la chambre à côté de la nôtre, des tatamis. Le couple qui y loge a laissé la porte ouverte. Ils sont français. Grands sourires. Gentils.

On ose s’aventurer à l’extérieur. Pas trop loin non plus. La ville est incroyablement propre. Nous passons à côté d’un parc. Au loin, un conbini. On entre. Les portes s’ouvrent en musique. Nerveusement, on explore les allées. On ne sait plus où donner de la tête. Tout est nouveau. Extraordinaire. Des pains avec des nouilles? Des montagnes de friandises. Des repas tout prêts. Un coin manga. Les gens lisent vraiment debout! Je pose mes articles sur le comptoir. Je rougis de gêne et balbutie quelques mots de japonais. On tenait beaucoup à partir avec quelques mots en poche. Je ne comprends rien à ce qu’il raconte. Blasé, il met mes articles dans un pochon. Je récupère plein de petite monnaie.

On mange nos trouvailles assises sur la balançoire du parc. La nuit commence à tomber, mais la chaleur reste étouffante. Je croque dans un biscuit que je pensais sucré. C’est salé. Alors que ma copine goûte à son premier onigiri*, elle grimace, dégoutée.

– Puah, y a quelque chose dedans!

Je regarde le ciel. Un corbeau passe. C’est notre premier jour au Japon.

***

« Kayabacho, Kayabacho. Veuillez descendre ici pour faire un changement sur la ligne Hibiya »

L’annonce me rend nostalgique. Cela fait combien d’année, déjà, que je ne suis pas montée à bord de la Hibiya? Durant mon premier voyage, cette ligne m’a donné ma première expérience du métro. Qu’est-ce qu’on s’était perdues ! Ah, ah…  Je me rappelle nos nuits à explorer le quartier de Minowa. On avait pris beaucoup de photographies depuis les passerelles. Elles tremblaient à chaque passe de camion…

Les portes du métro se referment sur mes souvenirs.

***

365 Jours de Tokyo: Day 13

*Onigiri: boulette de riz, généralement enveloppée d’une algue nori et souvent de forme triangulaire ou ovale, fourrée avec des ingrédients le plus souvent salés ou aigres.

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