visa pour la russie

L’obtention de mon visa pour la Russie fut épique

Demander un visa pour la Russie n’est pas de tout repos… C’est le moins que je puisse dire !

Je suis arrivée en Russie en février. Il faisait froid, très froid. Pendant des semaines, j’avais préparé ce voyage avec minutie, cherché des jours durant un manteau adapté à cette terre de fantasmes : territoire glacial, peu accueillant, où la vodka coule à flots des robinets, et à chaque coin de rue, vous risquez l’agression par des ours. C’est sans aucune appréhension que je me suis jetée dans cette aventure. Mon premier contact avec le territoire russe fut l’ambassade à Paris. Pour la demande de visa pour la Russie.

Plus exactement, au téléphone.

Je partais étudier la langue de Tolstoi, Dostoievski, Nabokov. J’étais invitée par l’Institut Pouchkine, renommé dans l’enseignement de cette langue si belle, si passionnée. Le dossier pour le visa pour la Russie n’avait pas été un casse-tête si terrible, si ce n’est la réception de la lettre d’invitation, pièce maîtresse de la demande de visa.

Condition particulière, j’étais dans le besoin d’un visa à double entrée : la possibilité de sortir du territoire au moins une fois durant mon séjour, desiderata suspect aux yeux des officiers russes. Il me fallu en prime entreprendre les démarches pour trouver un assureur santé ayant un partenaire au pays des Tsars. La difficulté ne tint pas tant dans cette recherche que dans les exigences de l’ambassade, à savoir fournir l’original du contrat, tamponné par l’assureur lui-même.

Tous les malheureux ayant fait des demandes de visa pour des pays à la bureaucratie complexe et paranoïaque ont eu affaire avec cette fameuse « attestation originale d’assurance ». Qui n’apparaît miraculeusement dans votre boite aux lettres que si vous insistez bien sur la nécessité de la chose, dans un délai raisonnable. Heureusement, cette fois-ci, j’eu le papier rapidement.

Obtenir des informations, quelle galère !

Les pièces de ce dossier brulant réunies, je dus m’atteler aux formalités. Rien de bien innovant, il faut comme d’habitude, « monter » à la capitale. Je me souviens avoir alors consulté le site internet de l’ambassade – à l’aspect quasiment préhistorique sur l’échelle de l’histoire du web. J’avais jugé plus prudent de faire confirmer certains points de vive voix. Ce n’est qu’après avoir pris mon courage à deux mains que j’appelais les services consulaires, par un après midi qui n’était ni pluvieux ni ensoleillé, tout au plus, immémorable.

J’eu alors eu l’une des plus étranges conversations qu’il m’ait été donné d’avoir avec un représentant du corps administratif.

Tout d’abord, mon interlocutrice, un peu rêche, fut sincèrement étonnée de mon appel.

– « Mais…comment ça ? »

Me questionna-t-elle lorsque je lui eu expliqué mon besoin d’information relativement au processus de demande de visa pour la Russie. Ce fut à mon tour d’être désarçonnée. Ne sachant comment enchaîner, je me tint coite un moment, avant de me décider pour la neutralité…

– « Je souhaiterais tout bonnement connaître ce qu’il faut pour demander un visa. »

– « Ben… consultez notre site internet. »

Pas de doute, la Russie venait déjà à moi par cette cinglante et froide réponse sibérienne.

Luttant contre mon envie de claquer le combiné contre sa base et ravalant mon agacement, je fis une nouvelle tentative pour vaincre la glace qui cristallisait cette pseudo conversation.

« Je l’ai…déjà consulté, mais j’ai préféré vérifier que ses informations soient à jour. Bien, vous me confirmez donc que je dois me déplacer en personne, ainsi que les délais qui sont bien de 4 à une dizaine de jours. Merci … »

Sueurs froides. Après avoir religieusement vérifié mon dossier pour la probable vingtième fois – hmm, oui, c’est bien en majuscule, …j’ai bien utilisé un stylo noir. Zut… quelles sont les normes pour ma photo d’identité ? Ai-je bien photocopié tout ce qu’il fallait…, il ne me restait plus qu’à embarquer pour Paris.

Monter à la capitale, quelle galère !

Les services des visas ont l’avantage d’avoir des horaires clairs : 9h – 12h. Avouez que la marge n’est pas bien grande. Pliez-y vous ou passez votre chemin.

Par précaution, j’optais pour un train la veille du jour choisi. Il était plus rassurant d’être tranquillement sur place que de vivre le challenge d’un départ de Nantes le matin même. Méfiante, donc, mais encore bien trop naïve. Je ne pouvais me résoudre à l’idée de me lever très tôt. Ma vigilance endormie, je me persuadais qu’arriver un quart d’heure avant l’heure d’ouverture était amplement suffisant pour passer dans la matinée de ce mardi, à défaut d’être dans les premiers.

Me voilà, bravant le froid et les changements de métro… ligne 6, ligne 9 jusqu’à la station Rue de la Pompe. Un peu de marche et j’allais sur le bon chemin, quoiqu’un peu désorientée. Je fis une prière de remerciement à la technologie moderne qui nous fit don du GPS et du téléphone mobile allant avec, à moins que ça ne soit l’inverse, peu importe, je me tenais à deux pas de mon ambassade.

Parfois, je ressens cette désagréable sensation que le sol sous mes pieds disparaît et que mes organes internes sont les premiers à ressentir la vertigineuse chute qui en résulte.

Cela n’est rien comparé à ce que me fit vivre l’épouvantable surprise de la vue des bâtiments ternes abritant les services consulaires. Bizarrement, je me rappelle avoir tout d’abord repéré le poste de garde occupé par un jeune militaire transi de froid et d’ennui. Puis les grilles, hautes et pointues, vert bouteille comme quasiment tous les grilles des bâtiments publics. Enfin, la file d’attente.

Le temps que mes yeux n’en fassent le tour, mes espoirs de me sortir de là avant 11 heures s’amoindrissaient, jusqu’à approcher le zéro.

Ironie du sort, un de mes pires défauts est l’impatience. Qu’est-ce qui me poussa à m’aligner derrière la centaine de personnes (il s’agit là bien d’une fourchette, ayant renoncé à compter au delà de 70, alors que s’alignait déjà derrière moi une dizaine de personnes) faisant déjà le pied de grue en cette froide matinée de janvier ? Je ne saurais le dire. La perspective de ne pas avoir le choix sans doute. Mais je crois que je me suis surtout résolue à ne pas réfléchir à la question. J’avais éteins ma conscience, mis mon mal en patience. Me tenant fermement sur mes deux jambes, j’ai attendu vaille que vaille.

Grelottant dans les bourrasques du grand boulevard, j’entrepris de poursuivre la lecture d’un bouquin sur les croisades que j’avais embarqué. Plongée au cœur des conflits qui ont déchiré l’orient, Jérusalem, Alep, Damas, et bien des royaumes, je suivais d’une oreille attentive ce qui se tramait autour de moi.

La file d’attente

Après tout, vivre quelques heures dans une file d’attente est une expérience sociologique fort intéressante. Si tant est que l’on y prête attention. Je dirai que les caractères humains se dévoilent à l’occasion de ce genre d’épisode. Certains, tels que moi, se tinrent plutôt calmes. Résignés, nous vivions cette épreuve comme l’abnégation de notre être tout entier, consacrés que nous étions à notre tâche de petit soldat. D’autres, clairement, perdirent les pédales. Et ils avaient bien l’intention d’en faire profiter tout le monde. Ainsi, l’homme d’affaire derrière moi ne pouvait-il pas s’empêcher d’appeler de son mobile tour à tour, collègues ou amis, pour les abreuver d’insultes et passer ses nerfs :

« Dans quel merdier tu m’as foutu ! » « Merci du cadeau ! », « Non c’est pas le temps qui m’embête, c’est surtout que je me fais chier ! ».

Il hurlait littéralement dans mes oreilles. Plus que le froid, plus que l’immobilité de la queue qui ne s’animait que par soubresauts espacés, plus que l’angoisse de ne faire cela pour rien qui me taraudait, cet odieux individu me faisait perdre ma contenance.

Attendre, attendre, attendre

Il restait une autre catégorie de personnes que je ne saurais exactement désigner. Je dirais que « sapeurs de foule » est ce qui les décrit le mieux :

« Ça ne sert à rien d’attendre… c’est foutu pour nous, vous avez vu le monde !? », « Nous ne passerons jamais… », « Déjà, la dernière fois que j’ai dû faire un visa, j’ai dû retenter deux fois… ».

Et bien d’autres phrases assassines furent clamées bien haut. La manœuvre a cela de vicieux que, aussi claire et grossière qu’elle puisse être, on ne peut s’empêcher de laisser le doute s’insinuer. Ils tapaient dans les maillons faibles afin de dégrossir les rangs. Et c’était fructueux. De nombreuses personnes craquèrent et s’en allèrent. Si à 9 heures nous dépassions la centaine, à 10 heures nous étions encore quelques 80 guerriers de l’attente. À 11 heures, alors que j’étais quasiment la dernière d’une file de 60 personnes, je tins bon. Mais j’avais beau calculer et recalculer le ratio personne / heure afin d’estimer mes chances, je me perdais à chaque fois en conjectures. Mes probabilités d’accéder au bâtiment s’assombrissaient.

Quand soudain ?!

C’est alors qu’un événement bouscula mes attentes et réduit l’ordre devenu de la file devenue bien silencieuse au chaos. Un murmure généralisé remonta la file jusqu’à moi. Mais je ne pu saisir aucune bribe de ce qui se disait en début de file. L’agitation gagna peu à peu tout le monde, la file éclata. Tout un chacun se précipita vers l’entrée. Je restais les bras ballants. Devais-je rester là ou moi aussi suivre cette cohue ? Je me résolus à ne pas faire le planton stupidement quand plus aucune raison ne le justifiait. Je me jetai dans la fiévreuse mêlée.

Après m’être approchée, je m’évertuais à résoudre le mystère de ce bordel. Hélas, pas une personne pour me donner la même réponse. Soudain, une voix plus forte que les autres se hissa au dessus de la cacophonie ambiante.

« Ils ne font plus rentrer que 15 personnes… celles qui sont munies d’un billet d’avion ! »

Me voilà bien aise. Plus de file, plus d’ordre, juste une arène et des gladiateurs. Aucun moyen pour moi, timide comme je suis, de m’imposer. Mais le fait est que je suis tenace. M’étant approchée des grilles par le côté, j’avais sorti mon billet de train – un retour pour Nantes le soir même – et l’agitait à l’intention du portier.

« Excusez-moi…Excusez-moi ! S’il vous plait ! Please ! Izvinitié ! »

L’arène

Rien n’y faisait, il m’ignorait superbement. Les portiers ont fait passer 15 âmes, provoquant l’ire des personnes qui se trouvaient en début de queue à 11 heures. Ils ne céderont plus. Pourtant je ne peux me résoudre à quitter mon bout de territoire. La chance m’a alors souri. Une famille au grand complet, les parents et les enfants en bas âge, avait gagné la cause des gardiens de l’ambassade.

En les faisant passer, les portiers furent débordés par des brutes qui réussirent à forcer l’entrée du premier portail. Si je tenais tout autant qu’eux à faire mes démarches, j’étais effarée de tant de violence. Car c’est bien cela qui s’exprimait sous mes yeux : bousculer, pousser, forcer…

Puisque la voie était ouverte en partie, et que je voyais les tensions s’apaiser et le calme revenir, je me décidais à suivre le mouvement non sans appréhension. Nous voilà une quarantaine, dans la première enceinte de l’ambassade, si proches du but. Mais encore dans l’impossibilité complète de faire quoique ce soit.

La plaidoirie

Le portier en chef, ainsi que je l’ai désigné, car il me semblait avoir l’autorité sur les autres employés, est fou de rage. Il s’époumonait en russe, faisait de grands gestes nous signifiant clairement qu’il ne nous fera pas rentrer. On doit s’en aller. Il rentra dans les bureaux. Puis revint. Nous refit le même cinéma. C’est à celui qui criera le plus fort ! De mon côté, j’essayais de nouveau de plaider ma cause et d’attirer son attention. Néanmoins, il ne voulu même pas regarder mon billet. J’avais la sensation de vivre un moment de pure folie. J’ai même eu du mal à réaliser tout ce qui se déroulait.

Une belle femme, cliché de la grande bourgeoise russe, blonde aux yeux bleus, coiffée d’une chapka et couverte d’un manteau de fourrure, débuta un plaidoyer en russe. Elle parlait vite, fort, surpris tout le monde. Le silence se fit autour d’elle. Un dialogue se noua avec mon portier qui recommenca son va et vient entre le bâtiment et la cour devant nous. Les français autour d’elle rigolaient. L’atmosphère se détendit. Elle nous traduisit leurs échanges. Avocate de notre cause, elle expliqua qu’il n’était alors « qu’11 heures 40, qu’il pourrait nous faire rentrer, qu’elle irait même jusqu’à lui payer son déjeuner que diable ! Que la veille, l’ambassade était en vacances ». Ignorant ce fait, j’avais eu de la chance de ne pas faire mon voyage parisien trop tôt !

Mon avocate !

Il est maintenant midi moins le quart. Je me décide à mettre en oeuvre une brillante idée émergée de mes neurones frigorifiées quelques minutes plus tôt. Je franchis avec peine la foule qui me séparait d’elle, et lui attrapait la manche dans un geste désespéré.

« Excusez-moi… Oui, excusez moi… pourriez vous lui expliquer en russe que je suis venue à Paris exprès aujourd’hui pour mon visa, que je suis étudiante et que j’ai mon train ce soir ! »

Elle se remis à argumenter en russe. Mais j’entendis cette fois-ci distinctement des mots que je reconnaissais et qui me firent chaud au cœur, diévotchka, poèzd, vétchéra… Elle plaidait ma cause ! Et avec quelle fougue ! Elle gagna. J’avais du mal à y croire. Mais le portier qui m’ignorait jusqu’alors, m’attrapa par ma manche après avoir ouvert la grille. Il me tira à l’intérieur sous les yeux médusés de ceux qui ne m’avaient pas entendu raconter ma malheureuse histoire à mon avocate.

Au sein de l’ambassade pour déposer mon visa pour la Russie

Enfin ! M’y voilà ! Je tremble non plus de froid mais d’émotions. Mes nerfs ont été mis à rude épreuve, moi qui n’aime pas m’imposer. Dans la file d’un des trois guichets alloués aux visas, je me calme et observe. Ça sent le vieux bâtiment administratif des années soixante, avec des tons orangés et maronnâtes. Les murs sont décrépis et jaunis par le temps. Dans un angle, une télévision diffuse les informations russes en continu. La salle, pas bien grande est couverte par 5 ou 6 caméras de surveillance et bien sûr, partout des panneaux indiquent que les téléphones portables sont interdits.

Nouvelle angoisse. Je ne me rappelle plus le mode de paiement du visa. Mes souvenirs se troublent, il me semble avoir lu par carte … Autour de moi, des conversations se nouent et se dénouent au gré des changements de file. Enfin, vient mon tour. La personne lit avec attention tous mes documents pour le visa pour la Russie. S’attarde à m’observer avant de me demander poliment mais fraichement, d’attendre. J’ai envie d’ajouter ironiquement que je n’ai pas tellement le choix… Mais elle a déjà quitté son bureau et puis, mieux valait ne pas jouer la carte de l’impertinence.

Le temps passe et je m’inquiète. D’une part, parce que je crains pour mon cas, et d’autre part, plus trivialement, parce que je suis déjà en retard pour un déjeuner avec ma meilleure amie, elle aussi parisienne pour la journée.

Au bout d’un quart d’heure, la voilà revenue, expédiant mon affaire avec rapidité. La France et la Russie ont un partenariat relatif aux séjours purement linguistiques. Mon visa est gratuit. Suivant ! Je me rends, soulagée, au guichet indiqué pour récupérer le « bon de visa ». Petit papier vert qui me rendra mon passeport le vendredi matin de la même semaine.

ENFIN !

Libre, soulagée, épuisée et affamée, je ne pense qu’à fuir ce lieu. Mais auparavant, j’ai eu la malheureuse idée de jeter un œil aux toilettes. Un WC hors service, l’autre d’une saleté repoussante, inondé et sale. Marche arrière. Courage fuyons définitivement. À ma sortie, une petite troupe d’irréductible avec pour chef ma sauveuse, continuait d’espérer. Et avec raison. Répondant à leurs questions, j’explique bien qu’il n’y a d’une part plus grand monde. D’autre part que la procédure est rapide. Ma russe transformant mes détails en argument, finit par avoir le portier à l’usure. De guerre lasse, il ouvrit le portail et tel un Ponce Pilate des consulats, s’en lava les mains.

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5 Comments to “L’obtention de mon visa pour la Russie fut épique”

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