mariage japonais

Considérations sur le mariage japonais de style occidental

Si je devais m’affubler d’un surnom caractéristique de mes tendances, je pencherais pour « l’esquiveuse professionnelle ». Plus les années passent, moins je n’accorde de temps à ce qui me casse les pieds. Ainsi, depuis des années que je vis à Tokyo, j’ai savamment esquivé un bon nombre d’invitations pour des mariages de connaissances japonaises. Sans aucun état d’âme, j’ai laissé mon mari faire la fête en solitaire, avec de bonnes et de moins bonnes raisons.

Nous-même n’avons pas organisé de célébration (nous ne portons pas non plus d’alliances) parce que la symbolique nous échappe autant à l’un que l’autre. Par conséquent, j’avoue ne pas être emballée par la perspective d’y assister. Non seulement le mariage japonais à l’occidental me semble aussi passionnant que Canal+ brouillé, mais il faut en prime que je mette la main au porte-monnaie pour avoir la chance de perdre mon temps.

Le mariage japonais à l’occidental est très codifié.

Et encore, je suis généreuse. C’est un euphémisme pour ne pas dire pénible. Oups, voilà c’est dit. La publicité astronomique dans les transports en communs, des affiches aux spots publicitaires, en passant par les magazines gratuits dédiés au mariage distribués dans certaines gares, témoignent d’une industrie implacable qui entend bien enseigner aux japonais qu’un mariage n’est digne de ce nom que si son organisation est confiée à des entreprises spécialisées. Ces dernières, très souvent en partenariat avec des hôtels ou quand elles ne sont pas elles-même des hôtels, proposent le pack chapelle et réception saupoudré de services divers et variés allant des faire-part au shooting photographie ainsi qu’à la création de projection de photographies du couple, heureux, mais à sec (si ce n’est endetté !).

Une chapelle…

La plupart des hôtels, du plus prestigieux au bas de gamme de bord d’autoroute, sont affligés de fausses chapelles insipides faisant pâle figure à côté de nos belles églises de pierre et de vitraux. Ce n’est pas grave, car au fond, c’est simplement pour faire genre. Et lorsqu’ils commandent un prêtre (c’est-à-dire un gaijin, de préférence un homme blanc), sur catalogue, c’est aussi pour le spectacle. L’illusion grotesque est de se marier comme les occidentaux détrônant la cérémonie traditionnelle shintô, quoique certains couples fassent les deux cérémonies. C’est du moins l’impression personnelle que j’en retire, il est vrai, aussi mon expérience se colore de ce jugement de valeur né du choc culturel absolu que j’ai eu l’occasion de vivre.

Une réception…

Quel que soient les choix opérés par le couple et leurs familles, une cérémonie de mariage se poursuit généralement avec un banquet durant lequel les plats défilent plus vite que la musique, ponctué de discours, ainsi que de projections de diaporama photo. À 21 heures la fête est pliée et les invités peuvent, s’ils le souhaitent, enchaîner avec une seconde soirée, le plus souvent dans un autre lieu plus informel. Enfin, les hommes japonais aiment à poursuivre les festivités dans un kyabakura (bars à hôtesses) ou un oppai bar (ces bars où des serveuses à la poitrine généreuse se laissent peloter avec tout autant de générosité que leurs attributs). Les plus crasses d’entre eux achèvent leur nuit chez les prostituées.

C’est du moins le déroulé mental du mariage japonais type que je me suis fait en écoutant le témoignage de mon mari, invité en fin de soirée à suivre ses compères pour de telles activités dans le quartier rouge de Tokyo. Moment opportun pour lui de s’excuser et de rentrer fissa à la maison tout balancer à son épouse française estomaquée.

N’oubliez pas de payer !

Vous comprenez, organiser un mariage dans de telles conditions pèse sur les moyens du futur ménage. Les invités se doivent donc de mettre la main à la pâte ou devrais-je dire, doivent desserrer leur bourse. À vrai dire, je ne suis pas certaine de saisir si historiquement ça a toujours été le cas, mais il est ainsi nécessaire d’apporter de l’argent sonnant et trébuchant. La contrepartie est cette promesse d’un bon repas et, étrangement, de cadeaux, souvenirs de ce moment partagé ensemble.

Vous ne rêvez pas, lors d’un mariage japonais, ce sont les mariés qui offrent des cadeaux aux invités. Ceux-ci doivent être identiques pour tout le monde (mon amour pour l’équité des choses applaudit), c’est-à-dire soit un même objet, soit d’une valeur égale. À chaque mariage auquel il a assisté, mon mari est revenu avec des friandises de luxe, du riz ainsi qu’un bon cadeau accompagné d’un catalogue de commande par correspondance. L’un dans l’autre, le concept m’échappe quelque peu. Si les invités sont sensés renflouer les caisses, leur offrir des cadeaux comme contrepartie me semble contre-productif.

Bien. Bien, très bien.

Finalement, nous ne sommes pas très loin des listes de cadeau de mariage que nous aimons à avoir en France. Encore la liste me semble avoir plus de valeur et de sens, mais c’est mon côté pragmatique qui ressort. L’autre avantage de la liste est de permettre à chacun d’adapter sa contribution en fonction de ses moyens, de sa proximité avec le couple aussi, et enfin de son degré de Picsou-rie. Au Japon, si les choses ont l’avantage d’être claires et directes, la pilule peut être dure à avaler (et la fin de mois difficile pour les invités). La somme à reverser aux mariés dans une belle enveloppe appropriée est fixée d’avance. Ainsi, sauf mention contraire, une personne seule fera généreusement don de 30,000 yen (soit 233 euros) tandis qu’un couple marié paye 50,000 yen (388 euros).

L’anecdote

Lorsque nous avions appris le mariage de nos amis, nous étions bien entendu sincèrement très contents de nous y rendre. Cela atténue nettement les petits désagréments de cette convention sociale. Et puis, nous nous disions « – Allez, un mariage par an, encore, ça passe. – Oui, et puis c’est à Okinawa. – … – … – … Eh, imagine une minute… – Quoi ? – Imagine, lol, qu’on soit invités à plus d’un mariage dans l’année. – Ah ah, adieu nos économies ! ».

Je vous le donne en mille.

« – Amélie ! – Quoi ? – Améliiiie !! – Mais quoi ? – Ma collègue se marie… – Non… – Elle se marie… – Non !! – … Et nous sommes invités. Le 2 novembre. – éo&' »y’iy(o’è!( de !!! . ».

J’ai opposé mon véto et nous avons décliné cette invitation, à nos yeux moins importante, afin de ne pas être saigné à blanc en ce mois de novembre. C’est qu’il commence à faire froid et qu’on a un chauffage à payer (je déconne, hein).

Reprenons le fil de cette histoire. Nous arrivons à l’hôtel.

Après notre petit arrêt à une supérette pour acheter de mystérieux CD-rom vierge, H. se dirige vers la Kokusai Dori afin de prendre un autre invité. Nous sommes en retard, mais ce n’est pas très grave, car lui aussi. Vêtu de son costume noir, les cheveux encore un peu humide de sa douche, prise 5 minutes avant, nous confie-t-il, il prend le siège passager avant et case un énorme sac à dos entre ses jambes, dont il sort un ordinateur portable. Il l’ouvre et, tout en poursuivant la conversation, il se met à travailler dessus.

Absorbée par le paysage, je ne suis la conversation que d’une oreille. Ce sont des retrouvailles de bons amis et il me semble judicieux de leur laisser une certaine intimité. Quelques minutes plus tard, l’hôtel, le Hilton Double Tree, une tour monstrueuse érigée sur le flanc d’une colline, surgit au milieu de la relative verdure de ce quartier-ci de Naha. Décidément, Okinawa amène à repenser la définition du luxe, car cet hôtel ne m’inspire que de la tristesse d’une grandeur perdue…

(À suivre…)

2 Comments to “Considérations sur le mariage japonais de style occidental”

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