salaryman Afrique

Mon salaryman de mari en Afrique pour son premier voyage d’affaires

Le jour où j’ai reçu la nouvelle de sa mission en Afrique, j’ai poussé un soupir de soulagement. « Enfin ». Enfin est venu le jour de ce départ rêvé, fantasmé, attendu de pied ferme. Mon aventurier de mari, reconverti salaryman, a le sourire aux lèvres en rentrant. Il est excité, inquiet, très fier, évidemment – et se projette déjà dans les préparatifs pour lesquels nous n’aurons que très peu de temps.

« Ouganda, me voilà ! »

Entreprise japonaise oblige, le voyage d’affaires est mis sur pied n’importe comment. Je pense que c’est le crédo local. Sérieusement, chaque jour s’effrite un peu plus le mythe enveloppant toutes ces qualités que l’on prête aux japonais : organisés, préparés, prévenants. Laissez-moi rire.

La direction a donc donné à mon mari environ 3 semaines pour gérer le départ dans un flou artistique absolu. En réalité, on lui a demandé s’il ne pouvait pas partir d’ici « 3 jours ». Impossible, a-t-il répondu estomaqué, avec une pointe de culpabilité de ne pouvoir répondre à l’appel de l’Entreprise. « – Certains vaccins sont obligatoires pour obtenir le visa ». J’imagine sans peine la crispation se lire sur le visage de son chef – ou plutôt, du chef de son chef. Tellement d’échelons dans cette boîte, que j’ai perdu le fil. Ce n’est pas la faute de mon mari, mais c’est tout de même sur lui que le chef du département passe ses nerfs, comme un enfant de 4 ans évacue sa frustration en se roulant par terre.

Il court, il court. Il obtient les vaccins requis – pas tous, car on ne lui en laisse pas le temps. Je l’épaule et je prépare ses affaires pour le grand départ. Un oeil extérieur pourrait penser de moi que je suis la « parfaite bonne épouse », et de fait, j’épouse le rôle comme un gant. « Laisse-moi gérer », lui dis-je. Mes proches souriront, je suis surtout un petit dictateur avec ses obsessions, dont celle du rangement Tetris, à l’emboitement parfait. Donnez moi des valises à remplir, des étagères à organiser, que dis-je un placard à arranger et je peux y passer des heures sans voir le temps passer. Donc, en fait, faire sa valise à sa place, c’est comme Noël avant l’heure. Un pur petit plaisir égoïste de ma part, donc.

« Tu ne peux pas partir dimanche plutôt ? »

L’un des gros défauts des chefs japonais est de ne pas vivre dans la même dimension que nous autres, communs des mortels. Voilà donc que le président de l’entreprise ordonne à mon mari, à minuit un mercredi, de partir une semaine avant l’heure. Les billets sont pris pour la semaine d’après, la demande de visa n’a pas encore abouti, le certificat des vaccins n’est pas encore valide. Patatras dans mon planning mental, mais j’ai la souplesse d’un yogi et tout en calmant le mari qui hyperventile face à la montagne de boulot de dernière minute à caser sur deux jours, je tempère le drame.

Le lendemain matin, tout rentre dans l’ordre. Un chef – lequel ? déclare que c’est complètement con (du moins j’imagine que c’est ce qu’il a poliment dit), puisqu’envoyer mon mari maintenant manu militari, sans son certificat de vaccination et son visa, équivaut à l’envoyer pour rien : il ne passera pas la frontière.

Le président ronchonne – par e-mail, que « merde, ça sert à rien les vaccins, c’est comme craindre la pluie et que de son temps bla bla bla ». Je ne porte pas le président de cette entreprise dans mon estime – et la suite du séjour confirmera tout le mépris que je porte pour ce personnage. D’ailleurs, mon mari est briefé sur absolument rien : qui l’accueille là-bas ? Où séjourne-t-il exactement ? Que doit-il y faire ?

Le jour du départ

Nous apprenons à la dernière minute qu’il doit emporter avec lui 200 brochures de son entreprise. Soit environ 20 kilos de papier dans ses bagages. Rapide calcul mental, échec de l’opération. Même mon amour pour les défis type caser 100 livres dans un espace qui ne peut en contenir que 50 vient de trouver sa némésis.

« – Tu ne peux pas les jeter passée la porte des bureaux, nom d’un chien ? ». Pour le coup c’est moi qui hyperventile. Il me regarde éberlué. « – Bon. Laisse-moi faire ». Je suis une tornade en furie et je défais et refais les bagages en ne gardant que l’essentiel. Il ne sait toujours pas où il va dormir à son arrivée. « – Dans un camp. – Oui, mais quel camp ? Une tente  ? Des bungalows ? Un hôtel ? – J’sais pas, je suis prêt à dormir à même le sol ». Salaryman à l’endurance stoïque d’un samuraï de l’ère Edo.

On attrape un taxi, je le bécote avant que porte ne se referme. Et voilà. Le vide devant moi pour un peu plus d’un mois.

… À suivre…

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