Pancrase

À la découverte de la lutte japonaise appelée Pancrase

Un jour,  je m’exclamais auprès de mon copain japonais :

– Je veux découvrir la culture japonaise ! J’aimerais vraiment que tu m’emmènes voir du théâtre traditionnel, du chant, bref, je veux mieux connaître ce Japon mystérieux et empli de poésie.

– OK. Le 3 février, je t’emmène à un show de pancrase

– … Pancrase ? Kezako ?

Le pancrase aussi appelé hybrid wrestling à la japonaise, est un sport de lutte importé au Japon en 1993.

Moi, de la lutte, je n’ai que deux images. Les grecs se combattant nus, couverts d’huile, s’empoignant et les nez sanguinolents. C’est donc pleine de bonne volonté que je me suis laissée embarquer dans cette aventure. Direction la gare Ariake, à 40 minutes de chez nous.

Dans un paysage urbain qui n’a rien à envier au pire de Moscou, nous avons marché quelques minutes de la gare jusqu’au club de pancrase. L’immensité de l’espace, les barres massives d’immeubles, les ponts-autoroutes, le ciel grisâtre et pollué. Je ne me sentais soudain plus tellement au Japon. Lieu urbain anonyme, comme il en existe tant, fade, dénué de couleurs et d’humanité, du béton froid.

Sur le parking de la salle, déjà du monde se réunissait.

– Ah… je n’aime pas ça.

– Quoi donc ?

– Les Yakuzas sont là…

C’est donc au milieu des syndicats mafieux que nous attendîmes l’ouverture des portes.

Je profitais de ce laps de temps pour m’enquérir de l’origine de cet intérêt soudain pour la lutte japonaise. Un ami d’enfance, dans la culture japonaise, un ami très important et chéri avec attention, fait ses débuts dans la catégorie semi-professionnelle. Il nous avait offert des tickets pour que nous venions l’encourager.

Mais déjà nous n’avons plus le temps de bavarder alors que les portes s’ouvrent enfin. De nature introvertie et timide, j’ai des noeuds dans le ventre, face à cet inquiétant inconnu peuplé de types aux allures patibulaires.

Nous sommes placés côté Nord, tout en hauteur, sur des bancs durs situés aux rangées B20 et B21. La salle est encore un peu sombre, il n’est que 14 heures. Sans plus de chichis, le présentateur annonce les premiers combats. Tellement mineurs que la salle est à moitié vide.

Isolée linguistiquement, ce n’est que par l’observation que je peux tenter de comprendre ce qui se déroule devant moi.

Je découvre ainsi le pancrase en action. Les spots lumineux inondent le ring d’une lumière blanchâtre. Par contraste, l’obscurité des sièges est percée par les flashs d’appareil photos ou de téléphones portables. D’ailleurs, je mets du temps à me rendre compte qu’en hauteur se trouve un grand écran diffusant en direct le ring grace aux caméras qui tournent autour. Je pense au cameraman qui porte une dizaine de kilo sur son épaule…

Nos rangées sont situées côté entrée des sportifs, aussi nous ne voyons que leurs dos. À la table des juges, des mecs en costume, sérieux comme des papes. La cloche retentit pour des combats plus importants et la salle se remplit peu à peu. Mon imagine s’active et j’ai l’impression de sentir le sang des lutteurs alors que je vois l’un des participants sortir du ring le visage peint de rouge.

Heureusement, ça ne m’apparait pas si violent.

Le pancrase me fait l’effet d’une danse étrange, d’une ruse, entre deux individus secs, musclés, et surtout d’une souplesse à faire pâlir n’importe quel guru de Yoga. La lenteur n’apaise en rien la tension qui se fait ressentir depuis le ring. Ils s’observent, se tournent autour, et se donnent comme des avertissements, un coup de pied par là, un coup de poing ici. Tout s’accélère soudainement. Ils sont rapides, et sans trop savoir comment, les voilà dans une prise, et l’on ne voit plus la limite entre ces deux corps qui s’étouffent.

Plus les combats avancent, plus les participants se révèlent hargneux, plus les démonstrations sur le ring sont impressionnantes et dénotent de techniques maîtrisées.

Un combattant saute sur le ring à son entrée, dans un tonnerre tonitruant, pour impressionner son adversaire. Peine perdue, il se prend une rouste. Les plus petits et baraqués s’en sortent mieux. Mais les carrures des joueurs augmentent, on change de classe de poids.

Je m’habitue lentement au japonais qui se crie dans la salle

Gagne, gagne ! Ne perd pas ! Ne perd pas ! Vas-y ! Vas-y ! La tête ! La tête !
30 secondes ! 20 secondes ! Encore 10 seconde !
Le public est bien plus animal que les sportifs. Certains semblent comme des araignées à l’affût sur leur toile. Une fois l’adversaire pris au piège dans leurs prises, il semble impossible pour celui-ci de s’en sortir et c’est une lente déperdition d’énergie qui s’en suit pour se tirer de là. 
Courage ! Courage ! Bats-toi !
Leurs dos rougissent, les visages saignent, un adversaire est sorti du ring sur ordre du médecin. Tout d’un coup, les spots lumineux s’agitent. On arrive aux combats tant attendus, entre les sportifs les plus connus. La musique s’emballe, le présentateur s’excite. Cela fait plus de 2 heures que nous sommes là, nous ne nous sommes pas ennuyés une seule seconde. Ayant compris assez intuitivement les règles, j’arrive à anticiper l’annonce des résultats à coup sûr. Mon petit copain japonais peine encore à suivre. Son ami a gagné son combat, mais le tournoi n’est pas encore fini.
Et moi je dis.
– On retournera le voir ?

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