Café concepts et Neko Cafe à Tokyo

Lors de votre visite dans l’archipel, vous ne manquerez pas de croiser sur votre route des cafés à l’intérieur étrange, aux décorations étonnantes, ou au concept dépassant votre imagination. Le café concept fait fureur en Asie, et particulièrement au Japon, pays de l’excentricité novatrice, avec une offre très riche à Tokyo, notamment dans les quartiers de Shibuya et Akihabara.

Source Kanpai.fr

De passage à Akihabara, mon quartier favori de Tokyo, j’ai enfin eu l’occasion d’expérimenter un neko café. Mon Nippon a dégoté ce Neko Cafe Nyanny, pas très connu et assez discret, un peu par hasard, alors qu’il feuilletait le mensuel gratuit consacré aux boutiques et diverses activités d’Akihabara.

-« Tiens, un neko cafe pas loin d’ici. On a encore un peu le temps d’y faire un tour.

– Super ! Mais … Et tes allergies ? »

La bourrique me regarde, trépignant d’impatience. Au diable les allergies aux poils de chat.

– » Hun. Tant que mes yeux ne s’injectent pas de rouge … « 

Le neko cafe (猫、ねこ: chat en japonais) fait partie de ces cafés et restaurants concepts fournissant un service en plus dans un cadre sophistiqué (… ou pas). Le Japon témoigne d’une richesse inégalée en ce domaine:

  • des cafés aux allures de prisons: The lock Up (Shibuya), Alcatraz E.R. (Shibuya) pour ne citer que les plus célèbres

The lock up à Shibuya – source Tripadvisor.com

  • des cafés butler, où les serveurs ont pour mission de vous faire sentir comme des princesses (et des princes): Butlerscafe (Shibuya), Swallowtail (Ikebukuro). De la part des étrangers, j’ai plus souvent eu des échos très négatifs sur cette gamme de restaurant …
  • des maid café: miroirs des cafés butler, ils sont très populaires et très répandus, particulièrement à Akihabara où vous ne pouvez avancer sans recevoir des flyers distribués par des jeunes filles en costume

Exemple d’un maid cafe – source sobre-japon.com

  • des cafés thématiques dérivés de la culture nipponne: le Gundam Cafe d’Akihabara est sans conteste le plus connu, mais aussi le café ninja (Akasaka) ou encore le Robot Restaurant (Kabukicho) aux allures démentielles
  • les innombrables cafés dédiés à la musique pop  / rock, qu’elle soit japonaise ou coréenne
  • des manga café
  • des internet-cafés, d’une sophistication qui dépasse l’image miteuse de nos versions françaises (siège digne d’un PDG, écrans conséquents, box privés, salle de douches, toilettes high-tech …)

Cette liste est non exhaustive, en faire le tour tenant de l’épreuve herculéenne. L’engouement est tel qu’il faut la plupart du temps réserver à l’avance ou patienter dans une file d’attente, pour se rendre dans de tels lieux.

Dans l’histoire des cafés concept, le « bar à chat » (transcription française) est un jeune arrivant, apparu à Taïwan en 1998, dont les plus anciens représentants n’ont pas encore dépassé la dizaine d’années au Japon – Neko no Mise se déclarant comme étant le plus ancien café du Kanto (fondé en 2005). Si l’on en croit la carte des neko cafes, il existerait plus d’une centaine de ces cafés au Japon (avec une forte concentration dans la préfecture de Tokyo).1

Source – Cat cafe Nyanny à Akihabara

Le concept ? Boire son latte au milieu des félins.

Voilà bien un étrange phénomène: se rendre dans un café où l’on paye en plus de ses consommations, l’heure (ou la demi heure) de présence au milieu des matous. Pourtant le succès envahit la toile, les japonais en raffolent, et les touristes ne manquent pas d’essayer. Les neko cafés se répandent dans le monde, et j’apprends que Paris est touché, après Vienne.

On est très loin des vieilles dames à chat et de leurs antiques chapeaux. La clientèle est jeune (20/30 ans ou parfois plus), on vient en couple, entre copine (le week-end) mais aussi en solitaire (dans la semaine). La popularité est telle que certains chats ont même leurs pages personnelles sur internet, actualisées régulièrement par des photos ou des vidéos.

Pourquoi un tel succès ?

Face au succès qu’ils remportent, je compte quelques raisons. Au Japon, avoir un animal de compagnie entraine un certain nombre de tracas (en France aussi me direz-vous). En premier lieu et ce n’est donc pas une nouveauté, cela demande de l’argent (vétérinaire, nourriture, soins) et du temps. Or du temps, les nippons en manquent, travail et obligation sociale leur imposant un rythme insoutenable.

En deuxième lieu, et c’est là une spécificité japonaise, beaucoup de propriétaires interdisent la possession d’animaux de compagnie. Les raisons invoquées sont souvent les problèmes de dégradation, la gêne des voisins, l’assainissement du logement lors du déménagement (les allergies sont fréquentes).

En troisième lieu, on connait bien désormais, l’effet positif de la présence des chats pour lutter contre le stress des citadins, et les japonais ont une conscience développée de leur santé.

Enfin, une raison peut-être un peu hasardeuse, le manque d’affection des japonais pourrait être un facteur non négligeable. Les relations sociales nipponnes sont complexes, limitent la proximité entre les deux genres. La presse française ne se lasse pas de décortiquer les travers de cette société en mal d’amour (Huffington post, Vice, deux points de vue qui font très bien le tour de la question). Le manque de tendresse et de contact physique est pallié par la proximité de ces douces boules de poil, Vice nous présente ainsi un cadre célibataire qui régulièrement comble sa solitude en se rendant dans un bar à chat.

Exemple d’un neko cafe – source http://unmoisatokyo.blogspot.jp/

Comment ça marche ?

Je n’observe pas de grandes variations dans les fonctionnements de ces cafés: l’entrée est contrôlée, le coût est à l’heure (ou à la demi heure), les règles sont strictes.

  • Please wash your hands with soap and disinfect your hands with alcohol before getting in the room.
  • You can use lockers with keys for your belongings and shoes.
  • Anything in the room is free of charge. (including a vending machine.)
  • Feel free to use Cat toys, PC, iPad,Wii, Books,charging your cell phone etc.
  • You can take pictures without flash.
  • Please treat our cats gently.(Do not force to hold cats, let them wake up when they are sleeping…)
  • When the cats hurt you,we give a first aid. However we cannot refund or bear your medical expenses.
  • Please follow us when we warn you about your treatment for cats.

L’offre en terme de consommation, elle, peut par contre varier du tout au tout, de la canette sortie du réfrigérateur, à des plats concoctés en cuisine. Les plus populaires me donnent l’impression d’être une usine à chat (53 félidés pour le plus large du Japon).

Neko Cafe Nyanny était sans prétention, avec un menu assez mince, mais d’une tranquillité certaine. La majorité de la clientèle est féminine ou composée de touristes arrivés là par hasard, comme en atteste le livre d’or. Se comptaient au mois de mars 2014, 11 félins au pedigree variable (un chartreux, un norvégien … ) se prélassant dans l’ambiance cosy du café étalé sur deux étages.

Nous sommes arrivés dans une rue déserte à quelques minutes de la grande station JR d’Akihabara, et seul le drapeau coloré à l’effigie du café, flottant à l’entrée d’un immeuble décrépit, nous permit de le localiser. Nous avons monté 4 étages pour finalement entrer dans cet univers étrange.

On entendait alors le gloussement étouffé de deux clientes prenant en photo les matous. Nous avons sonné, retiré nos chaussures, lavé nos mains. Après avoir lu les règles de bonne conduite (le chat est libre, on ne le force à rien, on reste calme), on signe pour une heure de présence. L’appartement est grand, un escalier raide en colimaçon permet d’accéder au deuxième étage. Malgré une organisation moderne, une pièce traditionnelle japonaise, avec des tatamis, est présente. Quelques étagères remplies de shojo (manga pour jeune fille) se tiennent le long des murs. Le grésillement du petit frigo se fait entendre tandis qu’une douce musique (Ghibli adapté pour les chats) flotte dans l’air fermé de la pièce principale.

Les chats paressent, nonchalants, presque blasés du défilé de visiteurs. Malgré la frustration du Nippon, on respecte les règles et on ne brusque aucun chat. Ils sont venus nous renifler mais sont vite retournés à leur occupation première, à savoir s’étaler quelque part.

Un concept débattu

Le concept m’interpellait déjà avant ma venue au Japon, mais je ne savais pas quoi en penser. Aujourd’hui encore je doute, et l’attitude du gouvernement japonais concernant la protection des animaux me confirme que les bars à chat ne sont pas évidents.

En 2012 donc, une nouvelle législation s’est imposée aux propriétaires, leur sommant de fermer à 20 heures (malgré une clientèle plutôt nocturne). Les raisons invoquées sont bien entendu le bien être des animaux mis « à disposition » des clients tout au long de la journée. Malgré les précautions, à savoir ne pas déranger les animaux et garantir l’hygiène des lieux, le débat demeure et s’est ouvert en France à l’occasion de l’ouverture du seul bar à chat français en 2013.

Mes incertitudes m’ont empêchée de pleinement être à l’aise avec les animaux, et de profiter de cet instant. J’en suis ressortie plus songeuse que relaxée. Loin de moi donc, un engouement passionné.

1. [Remarque: un nouveau bar à chat vient d’ouvrir à Takadanobaba]

15 Comments to “Café concepts et Neko Cafe à Tokyo”

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