L’art de la conversation japonaise en un mot : aizuchi

L’aizuchi est rarement enseigné dans les classes pour débutants. Pourtant, ce ne serait pas une mauvaise idée. Lorsque l’on débute l’apprentissage du japonais, on est souvent cantonné à un peu de vocabulaire, un peu de grammaire, le tout saupoudré de structures de conversation classique. Et puis on sort de la classe, impatient d’aller taper la discute avec le premier japonais venu.

Une fois votre japonais ferré (étroite impasse, angle d’un bar… choisissez votre tactique…), il est temps de lui lancer tout votre savoir, tel une pokeball. Et c’est l’échec ! Vous n’êtes pas complètement à côté de la plaque, mais la conversation n’est ni fluide, ni agréable et vous repartez avec la désagréable sensation d’avoir merdé quelque part.

C’est probablement que vous n’avez pas su appliquer l’aizuchi, terme désignant l’emploi d’interjections ponctuant la conversation en japonais. Les interjections ne sont pas une exclusivité nipponne, mais la structure de la langue, ponctuée de pauses et s’appuyant fortement sur le contexte, donne un rôle déterminant à celles-ci. En résumé, une conversation non ponctuée d’interjections amène le locuteur à penser 1) que vous êtes totalement désintéressé, 2) que vous êtes en désaccord ou 3) que vous ne captez strictement rien à ce qu’il vous dit.

Les étrangers parlant avec les japonais ont souvent la sensation d’être « interrompus », « coupés » dans leur discours. C’est simplement parce que les japonais veulent vous témoigner du respect en montrant qu’ils écoutent. Un débutant peut aussi être dérouté, n’arrivant pas à cerner les interjections au cours d’une conversation à un rythme naturel (c’est-à-dire plus vite que la lumière).

Toujours est-il qu’être silencieux durant une conversation avec un japonais peut le traumatiser. Même si vous fixez votre attention sur le locuteur, que vous inclinez votre tête, si vous n’émettez pas le moindre son, un japonais deviendra vite anxieux. Pour nous c’est peut être une manière polie d’écouter, mais au Japon, cela équivaut à plonger dans l’angoisse votre interlocuteur. Voire à le vexer.

Conversation avec aizuchi!

Conversation avec aizuchi !

Conversation sans aizuchi!

Conversation sans aizuchi !

Avertissement avant utilisation:

  • Aizuchi ne signifie pas accord. On peut se perdre dans les nuances, mais le sens d’une interjection est « j’écoute, j’ai compris » et non pas « je suis d’accord, j’approuve ». 
  • Ne pas mettre au micro-onde.

Et maintenant, attaquons the liste des interjections les plus communes.

« Oui. »

Au début, le plus simple est de ponctuer la conversation avec les différentes variation du oui nippon.

– はい : Oui
– ええ : Oui
– うん : Ouais

Ces trois mots sont équivalents, mais le premier, « hai » est à utilisé dans des contextes formels et polis, tandis que « ee » et « un » sont plus familiers.

Les variations de Sou.

Un sacré paquet d’interjections japonaises débutent ou sont basées sur « sou », que l’on peut traduire par « je vois », « si » ou encore « oui ». Dans un contexte familier, « sou » peut être utilisé seul, répété à l’infini et s’adaptant à l’excitation du locuteur.

– この 歌手かしゅ大好だいすきけど、かなしいきょくおおくて・・
– そうそうそう!

– J’adore ce chanteur, mais toutes ses chansons sont tristes…
– Oui, oui, oui !!

La liste des expressions structurées autour de « sou » semble infinie. D’ailleurs, à la traduction j’ai beaucoup de difficulté à transmettre les nuances.

– そうですか : Vraiment ? (soutenu)

– そうなんですか : Vraiment ? (soutenu)

– そうか/ そっか : « Ah bon ? » « Vraiment ? » (familier)

– へーそうなんだ :  « Ah bon ? » « Vraiment ? » (familier)

– そうですね : « Je vois », « c’est vrai », « c’est cela » (soutenu)

– そうですよね : « C’est vrai » (soutenu)

Les expressions peuvent être combinées avec des particules (yo, ne) pour nuancer. Parfois, le « sou » est même omis pour une forme courte.

– そうだね : c’est vrai ! (familier)

« Ooooh. »

Hop, on apprend un mot, un seul et on est suffisamment armé pour suivre une conversation: « na-ru-ho(ro)-do ». Chérissez ce mot qui tout de suite rend votre conversation plus naturelle. On peut le traduire grosso modo par « je vois », « ah ! », « Oh ? », « en effet » lorsque ce que dit le locuteur a du sens ou est logique.

– こうすれば、簡単かんたんですよ。
– なるほど!

– Si tu le fais ainsi, c’est totalement facile.
– Oooooh !

Un autre mot très utile pour avoir une conversation plus fluide est « tashikani »(たしかに)qui signifie « surement, en effet ».

Exprimez votre surprise !

Le locuteur vient de lâcher une bombe, pour ainsi dire, et vous devez marquer votre étonnement avec un (insupportable) « heeeeeeeee ! ». Plus le choc est fort, plus longue est la voyelle. Espionnez des groupes d’adolescents japonais, et vous réaliserez qu’il n’y a jamais trop de voyelles dans « heeeeeeeeeee  ∞ ».

– へえ: « Quoi !? » « Vraiment ?! »

あいちゃんがアメリカ人とってるってっている?
– へええええええええええ?!

– Tu savais qu’Ai chan sortait avec un américain ?
– Quoi?! Non? Sérieux ? Naaaaan ?

La surprise peut aussi être exprimée par « hontou » ou « hontou ni » très mal traduit avec « vraiment? » ou « sérieusement?! ».

A: 愛ちゃんがロシア人と付き合ってるって知っている?
B: へー本当ほんとう
C: 本当に?!

– Tu savais qu’Ai chan sortait avec un russe (quelle coquine cette Ai chan dis donc)
– Quoi ? Vraiment ?
– Sérieusement ?

Vos amis racontent une histoire incroyable et vous êtes à deux doigts de vous pincer pour être sûr de ce que vous avez entendu. Eh bien… « uso deshou !? » est parfait pour la situation!

– うそでしょ。
– C’est une blague? C’est pas possible ?!

Du coup, on est loin d’avoir fait le tour.

Quoi? On a vu que 1% des interjections existants en japonais? C'est Aizushit oui!

Quoi ? On a vu que 1% des interjections existant en japonais ? C’est Aizushit oui!

Mais vous avez compris 1) qu’on a une flopée d’expressions 2) à utiliser selon les contextes 3) impérativement pour avoir une conversation agréable en japonais. Les apprendre est une épreuve, être capable de les utiliser à bon escient… Une autre!

… aizuchi ?

Une évidence qui mérite d’être écrite en rouge, pour maîtriser les interjections vous devez être très attentifs aux réactions des japonais. Guettez la pause dans le discours (souvent après un marqueur grammatical, indiquant la fin d’une pensée / d’une idée). Vous pouvez toujours ponctuer rapidement la conversation de « sou » ou de « naruhodo ». Lorsque le locuteur ponctue ses phrases de « ne, ne », c’est une invitation à ce que vous le confortiez dans son discours, quitte à parler en même temps.

À vous de devenir un ninja et d’écoutez avec attention les conversations autour de vous pour devenir le maître des interjections !

 

Sur moi, l’aizuchi me fait plutôt cet effet.

Bref. Aizuchons.

Bref. Aizuchons.

 

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2 Comments to “L’art de la conversation japonaise en un mot : aizuchi”

  • Coraline

    C’est vrai que c’est tout un art mais avec beaucoup d’observation et d’entrainement, selon le ton, l’intonation ou les fins de phrase, je trouve que c’est assez « facile » de savoir quel mot placer et faire passer l’illusion qu’on suit totalement la conversation.
    J’avoue qu’au début quand je vivais au Japon, je le faisais très souvent et les Japonais était persuadés que je comprenais tout alors que pas du tout… Bon je ne conseille pas forcément de faire pareil parce qu’après quand on attend une réponse de votre part, c’est compliqué de dire « bah en fait j’ai pas tout compris… » xD

  • Julie_Aloha

    Oh my gad ! Moi qui arrive à Tokyo pour début 2017 et qui ne me suis pas encore inscrite à des cours, ça va être la grande galère :/ Je vais hocher la tête en permanence et sourire bêtement, ça devrait passer 😉

    Comme d’habitude article super intéressant. Sinon la chaleur ça va ? Et les travaux dans ta rue toujours en cours ?

    Bises !

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