365 Jours de Tokyo Day 3

365 Jours de Tokyo: Day 3

7:30 Le réveil sonne. Put… Jour férié, j’ai oublié. J’aurais pu dormir. Bah…

9:30 Je tire le rideau. Ciel gris, cables électriques. Au loin, le building d’une secte. Vous savez combien de sectes gangrènent le Japon? Moi non plus. Beaucoup. Sans doute. J’en compte au moins 3 dans mon quartier.

– « Un dernier mot pour clôturer cette rentrée. Si des japonais étranges vous abordent à l’extérieur de l’école, ne répondez même pas. Ignorez les. Sinon, vous allez avoir des problèmes. Ils vous demanderont de l’argent. Non, vraiment. Interdiction absolue de leur adresser la parole »

Premier jour de cours dans cette première école de japonais, un souvenir nul. Une école nulle. Jamais croisé les sectaires. Mais, les témoins de Jéhovah, ça oui.

11:00 « Now, let’s do one more round of Jumping Jack »

Boum, boum, boum. Je m’agite depuis 30 minutes. Mon voisin doit me haïr. Je sautille en évitant de me prendre le lustre. C’est dire si mon logement est grand. Et trois, deux… Ouf, je peux souffler. Je pourrais m’abonner à une salle de sport. J’ai essayé. Interdit aux tatouages. Enculés. Le téléphone sonne.

–  On s’voit?

– Ouais.

– Ok.

Je joue sur mon portable. Chaos Ring III. Ça m’avait manqué. Combien de temps depuis que j’ai lâché ma manette? Hmm. Je sais plus. La fac sans doute. J’ai 12 ans. Le rang de devant parle de jeux vidéos. Des garçons. Je m’incruste.

– Quoi? Tu connais Tekken?

– Ben… Ouais, je joue à la PS2!

– C’est la console de ton frère?

Petit con. Enfin, non. Rétrospectivement seulement. Sur le coup, la remarque m’avait parue incongrue. Et puis, cet après-midi, dans le centre ville de Nantes. Partie acheter des jeux.

– C’est votre copain qui doit être content!

– C’est pour moi, merci.

13:02 Je perds le combat. Fatigue. Je reçois un message du boulot. Jour férié. Normal. Je ne répondrai pas, ce n’est pas urgent.

Encore une heure avant de sortir. Penser à prendre la facture de gaz. Non, sérieusement. Ils vont finir par couper, à force de payer en retard. Le jour tombe. Pour la première fois, j’allume le chauffage. Pas trop non plus. Faudrait voir à pas déconner.

Dans le supermarché, je me surprends à fredonner le jingle de la chaine. Putain. Je viens trop souvent moi. Je choisis de la mimolette hors de prix. On est français, ou on est français. Le couple à côté de moi est divisé. Ils discutent au-dessus du bac à salade. J’aimerais bien en attraper une moi… Les tomates, elles, viennent de Fukushima. Je n’en prendrai pas. Le problème, c’est qu’elles sont mélangées aux autres. C’est malin.

À la caisse, je précise que je ne souhaite pas de sac plastique. Pour la 465ème fois. Au moins. Ils me connaissent tous. Je viens tous les jours (le dimanche, les commerces sont ouverts). Tous les jours, je précise que je n’ai pas besoin de sac. Les petits jeunes ont compris. Ils posent toujours la question – le principe vous comprenez, sans toutefois se baisser vers le bac. Ma poche vibre.

– Allo?

– Je suis désolée,  je dormais.

– Hmm, no problemo. Je peux passer.

– Ok.

Je passe au conbini payer la facture de gaz. J’avais jusqu’à ce soir minuit. Petite victoire. Première fois en 5 mois que je paye à temps. La fille est nouvelle. Grand sourire, elle tamponne avec un air satisfait. « A Payé ». Client suivant. Le mec, lui, a cet air renfrogné qu’ont ceux qui galèrent, et qui ont l’amertume de la rage passée. Plus la force sans doute. Il doit avoir 30 ans.

365 Jours de Tokyo

16:40 Sur le quai de la gare, quelques personnes. Un train express passe, provoquant un courant d’air désagréable. Pushuuuu… Le prochain est un local. Le mien. Je pousse quelques personnes pour me glisser dans le wagon. Un homme au visage ennuyé enfonce son livre dans mon dos. Sans-gêne. Pour 3 stations, on va éviter le scandale. Tatatan, Tatatan… Deux femmes discutent de l’éducation des jeunes d’aujourd’hui.

***

La nuit est tombée. L’air est vif. Je regrette de ne pas avoir pris mes gants. Il parait qu’il va neiger. Peut-être 2 centimètres. Les tokyoites, c’est comme les parisiens. Trois flocons, et c’est la panique générale. J’ai les yeux ouverts sur le vide. Ne pas rater ma station. Surtout. Sur l’écran publicitaire, Cup Sensei (Professeur Tasse) explique comment utiliser un filtre correctement, avant de vanter un café local. Cette vidéo n’a aucun sens.

21:00 Mon regard glisse sur l’homme en face de moi. Son costume est impeccable. Il a de grand pieds dis donc. Pour un japonais. Ses chaussures noires n’ont pas été cirées depuis un moment. Je me demande quel genre de travail il fait. Endormi, sa tête ballotte avec les roulements du train. Gatangoton, gatangoton… Une jeune femme, les cheveux décolorés, blancs bleutés, remet en place ses faux-cils. Sans doute une hôtesse de Shinjuku. Sur le chemin du travail.

365 Jours de Tokyo

12 Comments to “365 Jours de Tokyo: Day 3”

  • Eva

    J’aime beaucoup cette nouvelle serie d’articles et ta facon d’ecrire 🙂 Hate de lire tes prochains billets!

  • tetoy

    3e jour j’y prend goût.

  • Rill in Japan

    Miam miam je dévore tes mots comme une t’aime de rillettes au poulet rôti : chaque bouche est un régal, mais il n’y en a jamais assez.
    Vivement demain !

  • Bene

    Très bien ta nouvelle bannière ! Elle reflète mieux ton univers que l’ancienne.
    Tu vas faire un article comme celui-là tous les jours ? C’est vraiment une bonne idée, vivement la suite !

    • ameliemarieintokyo

      Merci beaucoup, je suis hyper touchée. Tu as tout à fait raison. C’est plus « moi ». Je me rappelle que ta bannière m’avait tellement marquée que j’avais eu en tête quelque chose de similaire. Mais en réalité, c’est mieux d’avoir une Béné authentique et une Amélie authentique ;).

      Oui, c’est le plan! Un petit défi que je me suis lancée! Les jours où je vais prendre l’avion par contre, ça sera tendax x3.

  • Noémie Seguin

    J’aime beaucoup tes derniers papiers. Ta manière de décrire ce quotidien que je vis désormais depuis 4 mois. Encore 363 jours à raconter…がんばってください!

  • amandinedismoimedia

    Je me régale de cette nouvelle série ! Bravo, ta plume me fait bien rire. Et ça fait du bien de partager un peu de colère dans une marée de posts sur ce bonheur agaçant. Enfin une vie normale XD

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