365 Jours de Tokyo: day 21

365 Jours de Tokyo: Devant Le Love Hotel (day 21)

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365 Jours de Tokyo: day 21

Début de soirée, juin 2016.

Le Nippon et moi, on revient d’Akihabara. Un de nos rendez-vous les plus classiques. Faire le tour des magasins d’high-tech, regarder les occasions, jouer aux jeux d’arcades, tenter notre chance aux UFO Catchers. Finir la journée sur un purikura, un restaurant sur le pouce – souvent un curry ou des sushi. Et puis bien sûr, quelques mangas d’occasion, achetés au book-off le plus près.

Après être sortis de la station Takadanobaba, il s’allume une cigarette et nous passons par une ruelle. C’est interdit de fumer dans les rues de Shinjuku, mais les japonais eux-mêmes s’en fichent un peu. Il parait qu’il existe des amendes. Trois ans et demi à voir mes amis cloper en dehors des clous. Trois ans et demi sans voir l’ombre d’une sanction. Nous nous éloignons de la cacophonie de la rue principale: taxi et voitures, groupes d’étudiants saouls, sirènes des ambulances. Le brouhaha nocturne ordinaire.

365 Jours de Tokyo: day 21

La scène s’est déroulée dans cette petite rue. À gauche l’hotel, à droite, un club de ping pong – fermé le soir. Plus loin quelques restaurants dont, l’un, sur la droite, à une petite terrasse couverte, qui s’ouvre en été.

À quelques pas devant nous, trois personnes accroupies sur l’asphalte. Le petit groupe est près du muret de l’Excelsior. Le seul Love-Hotel visible du coin. Ce qui explique aussi les distributeurs de capotes à quelques pas. Deux garçons et une jeune fille. La vingtaine à vue de nez, et des étudiants à coup sûr. Le Nippon grommelle tout en soufflant sa fumée. Il peut râler. Les dossiers sensibles de sa vie étudiante, je les ai vus. Y compris la video de très mauvaise qualité sur laquelle on aperçoit sa bande se rouler par terre, grotestque imitation de lutte grecque, en pleine gare de Hachioji.

Nous les dépassons. La jeune fille a perdu connaissance. Elle est là, recroquevillée sur le sol. Flasque. Une pellicule de sueur sur le visage. Elle a des cheveux longs, porte une jolie robe. Dommage qu’elle traîne par terre. Ses compagnons sont hystériques. Deux grands efflanqués, des japonais ordinaires.

– Putain, ça craint! Ahahah, allez, réveille-toi!
– Réveille-toi!

Devant mon regard effaré, le plus grand flanque une paire de gifles à la jeune fille. La scène est glauque. J’attrape le nippon par la manche.

– Ils me font peur. Je crois qu’elle est dans un coma éthylique.

On s’arrête. Le Nippon se retourne et observe tout en grillant sa clope. L’un des garçons a sorti son téléphone.

– Tu crois qu’il faut appeler une ambulance?
– Mais non, elle fait que dormir. Et puis on va avoir des emmerdes.
– On a qu’à l’emmener au Love-Hotel.

Ils gloussent. Moi j’ai la nausée et l’envie de leur en coller une bonne. L’étudiant range son téléphone dans sa poche et se penche vers son amie. Le Nippon écrase sa cigarette sur le sol et du pied, glisse le mégot dans une bouche d’égouts, fait quelques pas en leur direction.

– Hey, vous deux!

Ils tournent la tête, hilares d’abord. Puis calmés, d’un coup. Je ne vois pas le visage du Nippon, mais il a un talent inné pour le cinéma, registre tête de mafieux. Il en a la démarche aussi.

– Vous appelez une ambulance. Maintenant.
– Roh bon, ça va.

Ils ont l’air emmerdés, mais pas plus que ça pressés. Le Nippon sort son portable de sa poche, commence à composer le numéro des secours en leur demandant l’identité de la jeune fille. Les deux gars se relèvent, peu fiers. Non loin, sur la terrasse d’un restaurant, quelques clients se sont tus et font attention à la scène.

– Oui, oui, on appelle, on appelle.
– Je vous regarde.

Les urgences décrochent. Après quelques minutes de conversation, et s’être assurés qu’ils ont transmis la bonne adresse, nous nous éloignons.

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