365 Jours de Tokyo: Day 12

365 Jours de Tokyo: Day 12

8:24 Je suis encore à buller dans mon lit, alors que je dois partir à 20. Tout va bien. J’entends une porte qui claque. Les talons de la voisine.

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Le Miracle fut.

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Dans l’entrée, un voisin. Baskets blanches, jeans. Grand. Il porte un bonnet et un masque. Il sort aussi vite que possible, pour ne pas avoir à se poser la question fatidique « je lui tiens la porte ou pas? ». Il part à gauche, et s’éloigne tout en enfonçant ses écouteurs dans ses oreilles.

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8:35 Je presse le pas. Comme les autres. Il fait frais. Le soleil inonde le trottoir. Je suis aveuglée. Les barrières du passage à niveau ne se lèveront pas. Je le sens. Je trottine carrément. Les escaliers métalliques bleu clair se profilent au loin. Je jette un oeil à tous les immeubles carrelés ‘piscines’ le long du trottoir. Combien depuis que j’ai déménagé dans le coin? Trois? Quatre? Ils sont construits à une vitesse fulgurante.

Hop, j’avale les marches. Quatre à quatre. Je manque de me prendre un japonais. Droite, non gauche, non droite. Putain, décide-toi. Sa frange lui tombe devant les yeux. Tssss. T’y vois quelque chose au moins? Je souris. Parce qu’on n’est pas des sauvages. Je m’excuse aussi, alors même que mon caractère de cochon râle. En dessous de la passerelle, le train passe.

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Le quai est déjà bondé. J’ai raté mon train. Celui qui me fait arriver à l’heure sur l’heure de mon retard. Enfin, sur le retard acceptablement admis comme étant mon ‘heure d’arrivée’. Dites moi si quelqu’un comprend, parce que je m’y perds.

Je vais attendre comme tous les jours, devant la 4ème porte du wagon 8. Je me tiens sur la rangée de gauche. La 4ème porte du wagon 8 donne pile sur l’ascenseur de ma station de boulot. Je sors comme un diable de sa boite et je suis en général la première à presser le bouton d’appel.

Quelque chose n’est pas normal. La foule est trop dense. Coup d’oeil sur le tableau d’affichage. Je chope ‘porte vérification‘. C’est bien ma veine. Le train est en retard. Trois minutes plus tard alors que le train finit à peine de freiner, la tension monte. Qui sera abandonné sur le quai faute de place dans les wagons? Pas moi, ah ça non.

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Non mais!? Un homme sur ma droite tente, l’air de rien, de largement griller mon tour. Voir le tour de tout le monde. Je grogne déjà. Tu gagneras pas, mec.

Je suis compressée dans le wagon et compte les secondes. Une, deux…. J’essaye de faire abstraction de l’inconfort quand… une odeur pestilentielle me tire de ma méditation. Elle me fouette le nez. Si mes voisins en sont dérangés, ils se gardent bien de laisser transparaître leurs réactions. Je tourne de l’oeil.

Les portes s’ouvrent, laissant entrer un courant d’air salvateur. Le train ne repart pas, et laisse ainsi, les portes ouvertes. Les agents s’époumonent.

« Les portes se ferment, les portes se ferment, veuillez attendre le train suivant, les portes se ferment.« 

Mais les portes ne se ferment pas. Non, parce que quelque part, le long des 10 wagons, un japonais a estimé qu’il restait encore un peu de place et que les autres pouvaient bien se compresser encore un peu plus. Le temps que le passager entêté se fasse une place en s’enfonçant dans la masse, le train ne peut pas repartir. Ça ferait tache. Le cirque dure une bonne minute.

Je lève les yeux et observe les poignées du train. Rien de fascinant. Je me remémore les vols de poignées de l’année dernière, une sombre affaire qui a ébranlé le Japon. Imaginez. Plus de 400 poignées – et on ne parle pas ici de quelque chose facilement détachable, ont disparu. Un densha otaku* un peu pervers qui s’astiquerait avec? Toutes ces mains qui s’y sont tenues… Mon esprit déraille.

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10:00 Je suis totalement dans le coltar. La veille, j’ai acheté ドリエル. C’est un somnifère (gentillet) en vente libre. Deux nuits blanches dans la semaine, il me fallait shutdown le cerveau. Je m’interroge encore sur la présence du chaton sur le packaging. Soit. Les deux petits cachets avalés un poil tard ont plongé mon esprit dans des brumes abyssales.

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Dans mon sac à main, la télécommande de la clim’ de mon appart’.

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365 Jours de Tokyo: Day 12

Une boulangerie acceptable à côté de mon travail.

12:43 Je pars en vitesse acheter un sandwich. Réunion à 13h, puis de 14h à 16h30. Soupir. Je suis sensée être à la réception jusqu’à 13:00. On me l’a dit avec une insistance candide. Le repas de midi ? La plupart de mes collègues le sautent. Ou mangent à 15 h voir 16 h.

12:54 Je pousse la porte du bureau. Six précieuses minutes pour le repas…

– Y’a pas de meeting.
– Eh?! Hourra!

12:56… La porte du bureau s’ouvre. Mon rendez-vous de 14h a décidé de venir une heure en avance. Je repose mon sandwich, l’amertume en bouche.

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17: 45 Est-ce que je vais à Akihabara? J’ai bien envie de craquer pour ce sèche-cheveux magique, là. Dix mois que je le veux. Et rose. Je suis gagnée par la kawaii** mania. Grand prix consommateur 2015. Avec des schémas, des diagrammes, des formules scientifiques. Le sèche-cheveux du siècle. Vous pourriez même cuisiner avec.

– Tu sais que c’est bidon ce qu’ils racontent sur leur fiche technique?

Le Nippon qui me casse mon rêve. Laisse moi me faire avoir par la pub. J’ai envie de rêver…

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Février 2016, un  vendredi soir, Niigata

Nous marchons main dans la main dans les rues de Niigata, ville située à 250 km au nord ouest de Tokyo. Le Nippon y fait son stage. Il fait froid. De la fumée s’échappe de nos bouches.

Ah, l’hôtel n’est plus trop loin. J’ai pas lésiné sur la réservation. THE hôtel avec des bains. Et même un rotenburo***.

Je descends aux bains des femmes, habillée du peignoir de l’hôtel. Un lecteur de carte, uniquement côté femme, pour éviter que quiconque n’y entre. Par quiconque, comprendre les hommes. Je dépose mes chaussons dans les casiers et entre dans un boudoir aux lumières tamisées. Au fond de la salle, six lavabos et miroirs. Devant, des petits tabourets en osier. Quelques femmes se prélassent dans les bains.

Quarante-cinq minutes, un sauna, trois bains plus tard, je ressors pelée comme un pruneau mais ravie. Les femmes – qui ne se connaissaient pas, ont une discussion animée. Voyage. Nourriture. Shopping. Elles se sèchent les cheveux avec les appareils fournis par l’hôtel. Quatre en tout. Ils sont roses fuchsia. Du sèche-cheveux de compèt’ si vous voulez mon avis. Alors que je tamponne ma serviette avec mes cheveux, l’une d’elle m’adresse la parole.

– Non, non, essaye le sèche-cheveux.

Liant le geste à la parole, elle me tend le manche de l’appareil. 500 grammes. Beau bébé. Et beaucoup trop de fonctions. Regard contrit de la dame qui m’explique la bête.

Je ne me serai jamais autant lavé les cheveux en un weekend.

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17:55 Vent froid et sec. Nope, j’abandonne Akihabara.

Sur le quai de la gare. Première porte du wagon 9. J’attends sagement. Alors que les portes s’apprêtent à s’ouvrir, l’homme derrière moi me passe devant. Décidément, c’est la journée des malpolis.

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365 Jours de Tokyo: Day 12

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 *Densha (train) otaku (terme désignant une personne qui consacre une certaine partie de son temps à une activité, fan): fan de train
** Kawaii: mignon
***Rotenburo, bain thermal japonais à l’exterieur

One Reply to “365 Jours de Tokyo: Day 12”

  • P

    Bonjour Amélie, tes sujets sont intéressants et me font connaître le Japon, pays encore un peu mystérieux pour moi.Espérant que vous allez bien (bonheur amour & santé)
    A bientôt peut-être au Japon , amitiés

Partagez vos impressions, idées et expériences avec moi :)

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