28 jours plus tard

28 jours plus tard

Ouf. Je claque la porte et je lâche mon sac dans l’entrée tout en me déchaussant. Aujourd’hui, cela fait un mois tout pile, 28 jours, que j’ai commencé mon nouveau travail. Je vais célébrer ce cap en solo avec un verre d’umeshu et du tofu grillé. Petit mari rentrera tard, il a un dîner d’affaires – comme il me la répété avant-hier, hier, ce matin et par texto en fin de journée. C’est mon cuistot. Lorsqu’il n’est pas là le soir, j’ai un peu tendance à retrouver mes 16 ans et à finir avec un bol de céréales. On ne peut pas être adulte à 100% tout le temps. Bref, je suis rentrée en ayant assez d’énergie pour tenter de cuisiner un plat pas trop compliqué.

Après pas mal de journées assez dures et longues, j’ai enfin le temps de me poser et d’apprécier la vie (et Zelda). Je profite de siroter mon verre pour dérouler le fil de ces derniers jours.

Nous avons été à la rencontre de nos élèves dans plusieurs écoles pour des entretiens filmés, à la fois en anglais et en français. J’avais pas mal la pression, ayant tout à apprendre et peu de connaissances techniques. Heureusement ce n’est pas moi derrière la caméra, mais J, 17 ans de Japon et passionné de Godzilla. Il a d’ailleurs enregistré une critique de Shin Godzilla sur YouTube plus longue que le film lui-même. J est cool. J est professionnel. J me montre comment placer une personne pour un entretien, arranger le décors, gérer la lumière etc.

On passe un bon moment à discuter avec les élèves. Franchement, partir à l’autre bout du monde avec un projet, un rêve en tête ou juste parce que, à n’importe quel âge, ça m’épate. Ils se lancent dans le vide, vivent le choc culturel, la barrière de la langue et le retour sur les bancs de l’école. Et ils sont heureux, ils rigolent de leurs galères et souhaitent rester pour le meilleur et pour le pire.

« Vouvoyer. Rappelle-toi de les vouvoyer ». Le vouvoiement, depuis un mois, c’est ma bête noire. J’adore l’anglais et sa simplicité. Le français m’impose une barrière à laquelle je ne suis plus habituée. J’ai envie d’être proche de nos étudiants français, mais je dois aussi être professionnelle. Mes collègues anglophones ne comprennent pas ce besoin d’ajustement de la langue française.

– « D’accord. Et votre… « 

Panique à bord. J’ai ENCORE oublié un mot français. Il est 18 heures, je discute avec un élève vraiment sympa mais mon cerveau a jeté l’éponge. Gnnn. Je tente un mot un peu bancal, on ne se comprend pas. Quelques secondes de perplexité, puis on rigole. Ils apprennent une autre langue, doivent souvent parler en anglais. Ils sont compréhensifs de ces petits bugs de la matrice…

*

Je déjeune quasiment tous les jours avec des collègues, dans notre espace « détente ». Deux tables, des chaises, une petite cuisine au fond à droite. À table, ça finit toujours par discuter de sujets intéressants ou difficiles. Un jour la politique, un autre les scandales des ONG. On rigole bien aussi.

– « Dites les français, c’est vrai que vous avez des DISTRIBUTEURS DE PAIN ? Mais genre, DES BAGUETTES ?

– Euh… Oui ? »

Un collègue américain à un japonais :

– « Tu prends un bain tous les jours ?

– Euh… »

Deux collègues japonaises parlant de régime alimentaire :

– « Déjà, je vais arrêter de boire de l’alcool à la maison. D’ailleurs, hier j’ai pas bu. »

Bref. On cause, on rit, on échange. C’est chouette. Je prends de plus en plus plaisir à me ramener mon déjeuner. Ce n’est pas de la grande cuisine, ni forcément très équilibré, mais ça me fait plus plaisir qu’un repas en restaurant.

J’ai enfin pris mon courage à deux mains, et je vais au travail à vélo le plus possible. J’ai désormais confiance en moi, mais je dois être attentive à 100%. Je n’ai pas un chemin très agréable, mais plus je m’habitue à la route, plus cela se passe bien. Je n’essaye pas d’aller vite, c’est la vitesse le danger. Ce qui est chouette, c’est que l’entreprise nous laisse monter les vélos et les mettre dans l’entrée, près des ascenseurs. Ça fait « un petit côté Amsterdam », comme m’a déclaré tout content un manager.

Moins content, l’administrateur de l’entreprise me déclare que je suis sensée avoir une assurance et signer une attestation sur l’honneur que je ne ferai pas de bêtises à vélo. Genre venir alcoolisée ou fatiguée, mais aussi en tenant un parapluie ou en écoutant de la musique (ces deux dernières situations clairement interdites au Japon mais moyennement respectées). Et qu’en vrai tant que je ne l’ai pas fait, je ne suis pas sensée venir à vélo…

Et magie, un bout de piste pour cycliste apparait !

Petite interruption. Un représentant de la NHK vient de sonner à l’interphone. Je fais semblant de ne pas être à la maison. Il existe même un verbe en japonais pour cela, 居留守 (irusu) prétendre ne pas être chez soi. Ces représentants tentent de collecter la redevance pour cette chaine de télévision. En théorie, lorsque l’on n’a pas de téléviseur, on peut se passer de la payer. Mais ces derniers temps, ils sont agressifs, mentionnent que l’on peut regarder la chaine sur son mobile ou sur son ordinateur.

*

Ces premiers 28 jours ont eu des hauts et quelques bas. Changer de travail est une étape difficile ! De nouvelles habitudes, de nouvelles tâches, les collègues qu’il faut apprendre à connaître. Finalement, le stress des premiers jours a laissé place à une certaine impatience. Mes journées ne sont jamais ennuyantes et je fais un travail qui me plait. Et parfois, j’ai des matinées marrantes.

Un matin normal à Tokyo.

6 Comments to “28 jours plus tard”

  • Ludo

    Sympa les photos et la description pleine d’humour de la vie au Japon me fait passer un bon moment
    Super continuez

  • Shinji

    Je me lasse pas de la dernière photo et de tes articles =)

  • otax

    Bravo pour votre blog et votre courage. J’aime bien vous lire, on a l’impression d’y être, c’est très vivant. Merci !

  • Audrey

    Félicitation pour ces premiers 28 jours ! Hani du mal à imaginer que je vivrai (presque) la même chose dans deux mois : une arrivée à Tokyo et un nouveau job… c’est toujours à la fois terrifiant et excitant !

    • ameliemarieintokyo

      Bonjour Audrey ! Et félicitations pour le nouveau job et ce nouveau départ au Japon :). J’espère que cela va se passer tout en douceur, mais les premières semaines seront très certainement à la fois excitantes et épuisantes !

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